Une arrivée inscrite dans l’héritage d’une amitié cinquantenaire
Lorsque l’avion transportant An Qing a touché le tarmac de Maya-Maya le 29 juin, c’est une histoire commencée en 1964 qui s’est rappelée au souvenir des chancelleries. Depuis l’établissement de leurs relations diplomatiques, Brazzaville et Pékin ont su, malgré les inflexions de la scène internationale, faire de leur partenariat une constante stratégique. Les échanges commerciaux, estimés par les douanes congolaises à plus de 3 milliards de dollars en 2025, témoignent de la densité atteinte par cette coopération multiforme. En acceptant la succession de la regrettée Li Yan, décédée le 2 mars dernier, An Qing reprend le flambeau d’une diplomatie de proximité souvent décrite par les analystes comme l’une des plus stables du continent.
Le mandat d’An Qing : consolider l’axe infrastructures-formation
Devant la presse, la diplomate a affiché une détermination limpide : « Je ne ménagerai aucun effort pour développer les relations entre nos deux pays », a-t-elle déclaré à la sortie de sa première audience officielle avec le président du Sénat, Pierre Ngolo. Au-delà de la formule rituelle, ce propos renvoie à une feuille de route déjà identifiable. D’un côté, l’achèvement des corridors routiers et ferroviaires inscrits dans l’Initiative la Ceinture et la Route ; de l’autre, la montée en puissance des bourses d’études et des centres de formation professionnelle sino-congolais. L’Université Denis-Sassou-Nguesso de Kintélé, construite grâce à un financement chinois, illustre cette articulation entre béton et capital humain que la nouvelle ambassadrice entend pérenniser.
Le Sénat congolais, pivot d’une diplomatie parlementaire émergente
En choisissant de réserver sa première visite institutionnelle à la Chambre haute, An Qing a rappelé la place grandissante qu’occupent les diplomaties parlementaires dans l’architecture internationale contemporaine. Pierre Ngolo a salué « le raffermissement d’un dialogue d’égal à égal entre législateurs », soulignant que l’examen des lois sur le climat des affaires ou la cybersécurité bénéficie directement des expertises croisées des deux pays. La création, en 2024, d’un groupe d’amitié sénatorial Congo-Chine en est l’expression tangible. Selon plusieurs sources internes, ce groupe planche déjà sur un projet de colloque conjoint sur la décarbonation des industries extractives, sujet crucial pour un Congo qui vise la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Un partenariat à l’épreuve des recompositions géopolitiques africaines
Si la relation bilatérale se nourrit d’une inertia positive, elle n’échappe pas aux réalités nouvelles du continent. La concurrence accrue des puissances émergentes, la diversification des partenaires économiques prônée par Brazzaville et la pression exercée par les marchés internationaux sur la dette souveraine imposent à chaque acteur un sens aigu de l’adaptation. Pékin, conscient de ces équilibres, mise sur une diplomatie de la confiance, articulée à des conditions financières jugées avantageuses par nombre d’économistes locaux. Dans cet écosystème, le Congo, membre fondateur de l’OPEP+, cherche à conjuguer la valorisation de ses ressources pétrolières et gazières avec l’arrivée d’investissements verts, notamment dans la filière hydroélectrique d’Inga-III, où des consortiums sino-congolais se positionnent déjà.
Vers une feuille de route mutuellement profitable
Selon le ministère congolais des Affaires étrangères, un comité mixte de suivi devrait être installé avant la fin de l’année pour traduire les axes de coopération en projets opérationnels. L’on évoque la modernisation du port en eaux profondes de Pointe-Noire, le renforcement du réseau national de fibre optique et la mise en place d’un laboratoire commun de recherche agronomique, autant d’initiatives susceptibles de diversifier l’économie congolaise et de sécuriser les chaînes d’approvisionnement chinoises. « La diplomatie n’est pas qu’une affaire de drapeaux ; elle est d’abord la gestion pragmatique des interdépendances », confie un haut fonctionnaire du Quai d’Orsay en poste à Brazzaville, résumant l’esprit du nouveau chapitre qui s’ouvre.
La continuité dans la stabilité, horizon partagé
En définitive, l’arrivée d’An Qing confirme la volonté du Congo et de la Chine de maintenir un partenariat fondé sur la prévisibilité et le respect mutuel. Le contexte international, marqué par des tensions commerciales et climatiques, rend ce type d’alliance d’autant plus stratégique. Pour Brazzaville, il s’agit de poursuivre le programme de développement inscrit dans le Plan national 2022-2026 en s’appuyant sur des financements diversifiés. Pour Pékin, l’enjeu réside dans la consolidation d’un corridor logistique qui relie l’Atlantique à l’arrière-pays africain. La feuille de route conjointe annoncée devrait ainsi servir de boussole aux deux capitales, confortant l’idée qu’une diplomatie patiente et structurée peut encore façonner, dans un monde fragmenté, des espaces de coopération gagnant-gagnant.