Un rendez-vous francophone en quête de nouveaux ancrages africains
À mesure que se densifie la cartographie des flux d’investissements Sud-Sud, le Forum international des entreprises francophones (FIEF) occupe une place singulière : celle d’une agora où convergent décideurs politiques, capitaines d’industrie et jeunes pousses de l’innovation. Né dans le sillage du Groupement du patronat francophone, le FIEF ambitionne de transcender la simple convivialité linguistique pour matérialiser des projets de co-développement concrets. Après Montréal, Dakar ou encore Abidjan, l’attribution de la septième édition à Brazzaville confirme la volonté du réseau d’essaimer vers des capitales africaines réputées pour leur centralité géographique et leur stabilité macro-économique.
La candidature congolaise, entre volontarisme étatique et initiative privée
Le docteur Jean-Daniel Ovaga, président du Conseil d’administration de l’Union nationale des opérateurs économiques du Congo (UNOC), a profité de l’édition abidjanaise de 2025 pour porter la voix congolaise. Son argumentaire, détaillé à son retour devant le ministre de l’Économie Ludovic Ngatsé, s’appuie sur une équation simple : infrastructures en voie de modernisation, connectivité régionale accrue et environnement des affaires en amélioration constante. « La tenue de cet événement majeur dans notre pays renforcerait l’image du Congo en tant que hub d’affaires en Afrique centrale », a confirmé le ministre, soulignant la complémentarité entre diplomatie politique et diplomatie économique.
Brazzaville, carrefour logistique et symbole d’intégration sous-régionale
Située à la croisée du corridor Pointe-Noire-Bangui et du réseau fluvial du Bassin du Congo, Brazzaville jouit d’un capital géostratégique souvent méconnu. Les travaux d’extension de l’aéroport Maya-Maya, l’opérationnalisation du pont route-rail sur le fleuve Congo et la montée en puissance du port de Pointe-Noire constituent autant d’atouts pour accueillir un forum qui aspire à déplacer les lignes de la francophonie économique. La perspective de vols directs supplémentaires depuis Paris, Abidjan ou Casablanca est déjà évoquée par plusieurs compagnies aériennes, en anticipation d’un afflux de plus d’un millier de congressistes.
Des enjeux de politique publique : diversification économique et PME locales
L’organisation du FIEF se greffe opportunément sur la stratégie gouvernementale de diversification au-delà des hydrocarbures, inscrite dans le Plan national de développement 2022-2026. En favorisant les rencontres B2B et les sessions de réseautage, le forum doit notamment permettre aux PME congolaises des secteurs agro-industriel, numérique et tourisme d’accéder à des partenaires financiers. Le ministère des Petites et Moyennes Entreprises, étroitement associé au comité d’organisation, planche déjà sur un pavillon dédié aux start-up locales, afin de présenter des solutions logicielles adaptées aux marchés francophones.
Diplomatie de la francophonie : entre image et attraction des capitaux
Le Congo, membre actif de l’Organisation internationale de la Francophonie, voit dans le FIEF l’occasion de consolider sa réputation d’acteur constructif sur la scène multilatérale. Brazzaville, qui accueillait en 2024 la Rencontre des entrepreneurs francophones, capitalise ainsi sur une dynamique d’ouverture. « Il ne s’agit plus seulement de célébrer une langue partagée, mais de démontrer la capacité du français à véhiculer des modèles d’affaires compétitifs », explique un diplomate européen en poste dans la capitale congolaise. La présence annoncée de fonds d’investissement canadiens et belges, attirés par les projets d’infrastructures vertes, illustre cet effet d’entraînement.
Chronogramme et exigences logistiques d’ici 2026
Le cahier des charges transmis par le Groupement du patronat francophone prévoit une première mission d’évaluation à Brazzaville dès le premier trimestre 2025. La sélection des sites — entre le Centre international de conférences de Kintélé et un nouveau complexe hôtelier sur les berges du fleuve — sera finalisée avant septembre. Parallèlement, le comité local travaille à l’élaboration d’un label « FIEF vert » imposant l’usage prioritaire d’énergies renouvelables et la compensation carbone des trajets aériens des délégations. Ce souci de responsabilité sociétale vise à aligner le forum sur les standards internationaux les plus exigeants.
Retombées attendues : un multiplicateur d’investissements ciblés
Les éditions précédentes laissent entrevoir des effets multiplicateurs tangibles. À Dakar, en 2023, les contrats signés en marge du FIEF ont représenté 300 millions d’euros sur trois ans selon les organisateurs. À Abidjan, la barre de 500 millions aurait été atteinte, principalement dans l’agro-transformation et les fintech. Les économistes congolais anticipent, pour l’édition de 2026, un volant d’affaires voisin de 350 millions d’euros, dont la moitié pourrait concerner la chaîne de valeur bois et l’économie numérique. Au-delà des chiffres, les autorités tablent sur un transfert d’expertise managériale qui, à moyen terme, irriguerait l’ensemble du tissu productif national.
Perspective régionale et coopération Sud-Sud
Brazzaville ne raisonne pas en vase clos. Le comité d’organisation ambitionne d’impliquer les pays voisins, de la République démocratique du Congo au Gabon, afin de présenter des corridors d’investissement transfrontaliers. Le Forum servira ainsi de plateforme à des projets d’interconnexion électrique ou de gestion durable des forêts du Bassin du Congo, dossiers suivis de près par la Banque africaine de développement. En catalysant des financements mutualisés et des chaînes logistiques communes, le FIEF pourrait donner corps à la Zone de libre-échange continentale africaine dans l’espace francophone.
Vers un héritage durable pour la capitale congolaise
Au-delà de l’événement ponctuel, les organisateurs misent sur un legs pérenne pour la ville. La réhabilitation des voiries, la connexion fibre optique des hôtels et la montée en gamme des services de santé — Clinique Securex en tête — devraient améliorer durablement l’attractivité de Brazzaville pour le tourisme d’affaires. Les observateurs notent que l’accent mis sur la formation des jeunes volontaires, chargés d’assister les délégations, participe également d’un transfert de compétences linguistiques et protocolaires appréciables pour la jeunesse urbaine.
Cap sur 2026 : un test de maturité pour la diplomatie économique congolaise
À un an et demi de l’ouverture officielle, les indicateurs se veulent rassurants. La coordination entre ministères sectoriels, secteur privé et partenaires techniques témoigne d’un mode de gouvernance collégial conforme aux standards internationaux. Si la réussite logistique et financière du FIEF 2026 allait de pair avec une communication stratégique maîtrisée, Brazzaville pourrait durablement s’inscrire sur la carte des places africaines de conférences de haut niveau. L’enjeu dépasse la simple vitrine — il illustre l’ambition d’un Congo pleinement intégré aux nouvelles géographies de la francophonie économique.