Contexte associatif et ancrage citoyen
À l’heure où la société civile congolaise cherche de nouveaux vecteurs de mobilisation, l’Association Lheyet-Gaboka pour le développement (ALGD) s’illustre par une approche singulière : engager le corps pour faire dialoguer les esprits. Créée dans l’esprit du mécène Maurice Lheyet Gaboka, la structure entend conjuguer développement local et santé publique. Sous la houlette de son président national, Axel Ariel Dinghat Mouenokanga, elle privilégie la proximité citoyenne plutôt que le seul discours institutionnel. Cette orientation, subtilement alignée sur les priorités gouvernementales en matière de sport pour tous, lui vaut une écoute attentive des autorités municipales et sanitaires.
La marche de santé organisée le 26 juillet constitue une nouvelle illustration de cette diplomatie de terrain. En réunissant plus d’une cinquantaine de membres, l’ALGD rappelle que la participation communautaire demeure un socle essentiel de la résilience urbaine. L’évènement s’inscrit également dans la continuité des politiques nationales visant la réduction de la sédentarité, l’Organisation mondiale de la santé estimant que 10 % des décès prématurés en Afrique subsaharienne sont liés à l’inactivité physique.
Un parcours urbain chargé de symboles
Le tracé retenu n’a rien d’anodin. Du rond-point de la République à la rue Enyellé en passant par le boulevard Denis-Sassou-Nguesso, le cortège a relié des lieux emblématiques du récit urbain congolais. À chaque intersection, les marcheurs ont croisé un pan de la mémoire collective, de l’historique jardin des Droits de l’homme à la place « Plus jamais ça », lieu de recueillement patriotique. À travers ce parcours, il s’agissait autant de solliciter les articulations que de rappeler l’itinéraire d’une nation traversée par des défis et des espoirs.
La progression, encadrée par des volontaires vêtus aux couleurs de l’association, a ajouté une touche de convivialité à l’espace public brazzavillois. Des passants, intrigués, ont salué la procession qui, sans bloquer la circulation, a généré un micro-éphéméride d’urbanité partagée. L’effet performatif de cette marche réside dans sa capacité à transformer un axe routier en agora éphémère, invitant les habitants à reconsidérer leur rapport à la ville et à la mobilité douce.
Prévention sanitaire et cohésion sociale
Sur le plan médical, les arguments de l’ALGD sont scientifiquement étayés. Les pathologies non transmissibles, telles que l’hypertension, le diabète ou les cardiopathies, représentent désormais plus d’un tiers des consultations dans les hôpitaux de Brazzaville. « La promotion de l’activité physique, quel que soit l’âge, constitue la première ligne de défense face à ces affections », confie le cardiologue Joseph Kounkou, croisé au départ de la marche. Dans un contexte où la couverture maladie universelle se construit pas à pas, prévenir coûte objectivement moins cher que guérir.
Mais l’ambition va au-delà de la seule biosphère corporelle. En combinant marche populaire et sociabilité, l’association génère un capital social précieux. Les échanges informels, nés d’un souffle un peu court ou d’un encouragement amical, tissent un réseau de solidarité transverse aux clivages professionnels, générationnels ou territoriaux. Cette cohésion, quoique intangible, se révèle décisive lorsque surviennent crises ou épisodes climatiques extrêmes. Ainsi, la marche santé endosse aussi la fonction de répétition générale d’une société plus résiliente.
Perspectives socio-sportives de l’ALGD
Forte du succès de cette édition, l’ALGD envisage déjà un calendrier élargi : tournois de football inter-quartiers, journées portes ouvertes et ateliers de nutrition seront proposés dès la prochaine saison sèche. L’association souhaite également renforcer son partenariat avec les centres de santé communautaires afin de coupler activité physique et dépistage de masse. Un protocole d’entente serait, selon nos informations, en phase de finalisation avec la direction départementale de la Santé.
La méthode se veut inclusive, explicite Martin Ibaïbé, vice-président de l’organisation : « Nous partons du principe qu’un citoyen capable de parcourir la ville à pied est un citoyen plus conscient de son environnement et donc plus enclin à le protéger. » Derrière cette vision se dessine l’idée d’une gouvernance partagée, où chaque pas devient une métaphore de la contribution individuelle au bien-être collectif.
À moyen terme, l’ALGD projette de documenter l’impact de ses initiatives via une étude longitudinale, en partenariat avec l’Université Marien-Ngouabi. Les premiers indicateurs, notamment la baisse du tour de taille moyen des participants ou l’amélioration de la pression artérielle, pourraient nourrir un plaidoyer fondé sur des preuves. Cela offrirait à l’association un levier supplémentaire pour solliciter des financements nationaux et internationaux, tout en valorisant la politique congolaise de promotion du sport-santé.