Brazzaville, capitale d’un patrimoine forestier stratégique
Installée sur les rives du fleuve éponyme, Brazzaville ne cesse de rappeler que la forêt couvrant près des deux tiers du territoire national constitue un atout écologique global. Souvent qualifié de deuxième poumon de la planète, le bassin du Congo stocke annuellement plus de carbone que l’Amazonie, selon le Global Carbon Project. L’enjeu dépasse largement les frontières nationales : il s’agit de maintenir un climat stable tout en préservant l’une des plus riches mosaïques de biodiversité tropicale.
Une continuité politique rare en matière forestière
Dès 1981, Denis Sassou Nguesso institue la Journée de l’arbre, geste symbolique devenu fil conducteur d’une politique publique assumée. La loi forestière de 2003, puis le Plan national de développement 2018-2022, formalisent la gestion durable des ressources, imposant des quotas de coupe, un zonage participatif et la certification progressive des concessions. Le Parc national de Ntokou-Pikounda, créé en 2012, illustre cette ambition : ses 4572 km² servent à la fois de sanctuaire aux gorilles de plaine et de laboratoire scientifique pour la conservation.
Instrumentaliser la diplomatie verte : entre soft power et coalitions Sud-Sud
Sous la houlette de la ministre Arlette Soudan-Nonault et de la conseillère spéciale Françoise Joly, la diplomatie congolaise a gagné en visibilité. Le Sommet des trois bassins, accueilli à Brazzaville en octobre 2023, a rassemblé Amazonie, Congo et Bornéo-Mékong autour d’une même table. Le rapprochement avec Brasília et les capitales d’Asie du Sud-Est redessine une géopolitique climatique où le Sud global entend parler d’une voix concertée. Cette coalition, saluée par António Guterres comme « une approche polycentrique de la gouvernance environnementale », offre au Congo un espace d’influence inédit.
Des mécanismes financiers innovants au service de la conservation
Le Congo a été parmi les premiers pays d’Afrique centrale à signer une lettre d’intention avec l’Initiative CAFI, mobilisant 65 millions de dollars pour la gestion durable des forêts. Parallèlement, le dispositif REDD+ soutenu par la Banque mondiale rémunère plus de 200 000 ménages pour des pratiques agricoles à faible impact. À cela s’ajoutent les crédits carbone volontaires, négociés avec des énergéticiens européens, qui sécurisent des flux financiers tout en renforçant la transparence via des plateformes de télédétection.
Participation communautaire et leadership féminin
La conservation ne saurait se décréter sans adhésion locale. Dans les districts de Mossaka et d’Impfondo, des coopératives d’agroforesterie gérées majoritairement par des femmes replantent cacao et acacias sur des jachères dégradées, générant à la fois revenus et séquestration de carbone. « Nous ne voulons plus choisir entre nourrir nos familles et protéger la forêt », explique Joséphine Ebina, présidente d’une coopérative soutenue par le Programme des Nations unies pour le développement. Ce maillage social, adossé à des formations en gouvernance foncière, consolide la paix sociale tout en limitant l’exploitation illégale du bois.
CIAR 2024 : la décennie mondiale d’afforestation s’ouvre à Brazzaville
En juillet 2024, la Conférence internationale d’afforestation et de reboisement a acté le lancement d’une décennie dédiée. Les premières retombées sont tangibles : plus de 60 000 plants d’acacias ont été mis en terre à Bambou-Mingali avec l’appui de la Banque postale du Congo, tandis que le Programme national d’afforestation annonce 50 000 plants supplémentaires. L’espèce acacia, sélectionnée pour sa fixation de l’azote, préfigure une agriculture climato-intelligente adaptée aux sols latéritiques.
Vers un modèle congolais d’économie sobre en carbone
La trajectoire congolaise se distingue par la combinaison d’objectifs macro-économiques – réduction de moitié de la déforestation entre 2015 et 2023 – et d’innovations locales. Dans le secteur énergétique, la montée en puissance des centrales hydroélectriques d’Imboulou et de Liouesso a contribué à porter la part des renouvelables au-delà de 45 % du mix national. L’État envisage désormais un marché intérieur du carbone pour favoriser l’écocertification des produits forestiers, complétant ainsi la panoplie d’instruments mis à la disposition des investisseurs.
Quel horizon pour la gouvernance climatique africaine ?
Au-delà des bilans chiffrés, l’expérience congolaise questionne le partage des responsabilités Nord-Sud dans la lutte contre le changement climatique. Les négociations en cours sur la future architecture financière post-2025 devraient, selon Brazzaville, consacrer un mécanisme de compensation plus équitable, fondé sur la valeur de services écosystémiques rendus au monde. À l’aube de la COP30, le Congo entend plaider pour que les forêts tropicales bénéficient d’un statut de « biens communs » assorti d’obligations de financement pérennes. Un positionnement qui confirme que la diplomatie verte est devenue l’une des matrices de la politique étrangère congolaise.