Un Conseil national élargi, miroir des enjeux sanitaires
Réuni pour la deuxième fois depuis le début du quinquennat, le Conseil national de santé offre à Brazzaville une tribune où se croisent planificateurs, économistes, cliniciens et représentants des partenaires techniques. Sous la houlette du ministre Jean Rosaire Ibara, l’assemblée entend revisiter les fondements juridiques et opérationnels d’un secteur dont l’importance stratégique ne cesse de croître dans l’agenda gouvernemental. La présence du représentant résident de l’Organisation mondiale de la santé, le Dr Vincent Dossou Sodjinou, témoigne de l’attention internationale portée aux dynamiques congolaises.
Institué en 1984, le Conseil se veut à la fois laboratoire d’idées et chambre d’écho des priorités nationales. Aux experts de concilier impératifs financiers, équité territoriale et modernisation technique, dans un contexte marqué par des chocs épidémiques successifs et par un regain d’exigence citoyenne sur la qualité des services publics.
Financement : cap sur des leviers innovants pour la résilience
Le nerf de la guerre reste la mobilisation de ressources. Avec 4,2 % du budget national, les dépenses de santé demeurent en deçà du seuil de 15 % fixé par la Déclaration d’Abuja. Conscient de l’écart, le ministère plaide pour une diversification des canaux de financement. Responsabilité sociétale des entreprises opérant dans l’énergie et les télécommunications, fiscalité comportementale ciblant produits alcoolisés ou à forte teneur en sucre, mais aussi partenariats public-privé pour la construction et la maintenance d’infrastructures : autant de pistes désormais à l’étude.
Selon un économiste présent aux travaux, l’enjeu est double : sécuriser des revenus pérennes tout en instaurant une traçabilité qui renforce la confiance. « Chaque franc mobilisé doit être corrélé à un indicateur clair de performance clinique », rappelle-t-il, insistant sur la nécessité d’un tableau de bord partagé entre le Trésor, le Parlement et la société civile.
Ressources humaines : encourager le service hors des capitales
L’attractivité des zones rurales constitue un autre défi structurel. Malgré la mise en service d’hôpitaux généraux à Brazzaville et Pointe-Noire, le pays reste confronté à des disparités territoriales fortes. Les 18 centres de santé intégrés récemment ouverts dans l’intérieur risquent de fonctionner en dessous de leur capacité si les professionnels ne s’y installent pas durablement.
Les experts évoquent des incitations calibrées : primes spécifiques, logement fonctionnel, dispositifs de télé-expertise pour rompre l’isolement scientifique des praticiens de district. Le ministère réfléchit également à un mécanisme de recrutement local suivi d’un plan de carrière permettant à l’agent de progresser sans migrer systématiquement vers la capitale.
Double fardeau épidémiologique : prévenir et soigner autrement
Le tableau sanitaire congolais combine encore prévalence élevée des maladies transmissibles—paludisme, tuberculose, VIH—et montée en puissance des pathologies non transmissibles, aujourd’hui à l’origine de 45 % des décès répertoriés. Face à cette « transition épidémiologique accélérée », le Conseil prône une approche intégrée associant surveillance communautaire et promotion de modes de vie sains.
Des projets pilotes de dépistage mobile du diabète ou de l’hypertension seront évalués dans les prochains mois, tandis que la distribution de moustiquaires imprégnées et le renforcement du diagnostic microscopique du paludisme restent des priorités. L’objectif affirmé est de réduire, d’ici 2030, la mortalité prématurée liée aux maladies non transmissibles de 25 %, en cohérence avec les ODD.
Vers une gouvernance intégrée et transparente
La qualité de la gouvernance ne se résume plus à la seule gestion budgétaire. Elle englobe désormais la régulation pharmaceutique, la protection sociale et l’implication des collectivités. Le Conseil examine la possibilité d’un guichet unique numérique capable de suivre le parcours du patient, de l’admission hospitalière au remboursement assuré, simplifiant ainsi les procédures et limitant les doublons.
Le ministre Jean Rosaire Ibara souligne que « l’efficacité ne naît pas de la seule modernité technique, mais de la confiance entre usagers et institutions ». D’où l’accent mis sur la publication périodique de rapports d’audit et la participation des organisations professionnelles à l’élaboration des normes.
Perspectives régionales et diplomatiques
Au-delà des frontières nationales, la République du Congo s’inscrit dans un écosystème sanitaire d’Afrique centrale caractérisé par des mobilités fortes et des risques transfrontaliers. Les conclusions du Conseil seront donc partagées avec la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, afin d’harmoniser les protocoles de surveillance et de réponse.
Le Dr Vincent Dossou Sodjinou insiste sur « l’opportunité historique pour le Congo de devenir un pôle de stabilité sanitaire dans la sous-région ». L’idée d’un centre de formation régional, adossé à l’hôpital général de Kintélé, fait son chemin et pourrait bénéficier d’un financement conjoint Banque africaine de développement–initiative COVAX.
Au terme des trois jours de délibérations, une feuille de route consolidée sera transmise au gouvernement pour arbitrage. Si elle est adoptée, elle marquera une étape décisive dans la quête d’un système de santé apte à absorber les chocs et à répondre aux aspirations démographiques d’une population majoritairement jeune.