Un chantier de modernisation stratégique
L’hôtel Radisson Blu de Brazzaville a fait salle comble le 27 août 2025 pour un exercice inédit : la validation officielle de la matrice des indicateurs destinée à évaluer le système national de passation des marchés publics.
Sous l’égide du Comité de pilotage et de l’Autorité de régulation des marchés publics, la rencontre, financée par la Banque mondiale à travers le Pagir, marque une étape charnière dans la modernisation des achats publics congolais.
Antoine Ngakosso, conseiller à l’économie auprès du ministre de l’Aménagement du territoire et des grands travaux, rappelle que le gouvernement veut « accroître l’efficacité de la dépense publique » et garantir « une gestion optimale des ressources nationales », objectifs partagés par les partenaires techniques.
Un travail préparatoire mené par une équipe d’experts nationaux a abouti à un premier jeu d’indicateurs alignés sur la méthodologie MAPS, considérée comme la référence mondiale en matière de diagnostic des systèmes de commande publique.
La méthode MAPS au centre du diagnostic
L’atelier, placé sous la vigilance du consultant international Pierre Morin, a mobilisé cadres de la Direction générale du contrôle des marchés publics, ingénieurs de la Délégation générale aux grands travaux, représentants du secteur privé et voix de la société civile.
La diversité des profils a favorisé des échanges nourris sur la réalité du terrain : retards de paiement, procédures parfois lourdes, besoin de formation continue, mais aussi progrès constatés depuis l’adoption du nouveau cadre légal en 2021.
Cœur de la discussion : la matrice MAPS, structurée autour de quatre piliers couvrant législation, capacité institutionnelle, pratiques d’acquisition et intégrité. Chaque pilier se décline en indicateurs quantitatifs et qualitatifs destinés à mesurer performance et transparence.
Les participants ont scruté chaque item, vérifiant qu’il reflète la spécificité congolaise sans s’écarter des standards internationaux. Les débats, parfois vifs, ont débouché sur une version finale obtenue par consensus, gage d’appropriation nationale.
Implication des acteurs publics et privés
« Nous avons opté pour un outil réaliste, mesurable et évolutif », confirme Davy Wolfgang Opoko, directeur général par intérim de l’A.r.m.p, estimant que la future évaluation fournira « une photographie précise des progrès et des points d’amélioration ».
Pour Ludovic Ngouala, avocat général à la Cour des comptes et président du conseil d’administration de l’Autorité, la démarche sert aussi « à renforcer la confiance des investisseurs et des partenaires techniques », condition indispensable à la diversification économique prônée par le Plan national de développement.
Au-delà des retombées budgétaires, le gouvernement entend faire de la commande publique un levier pour les PME locales, en imposant des seuils de sous-traitance et en favorisant l’innovation. Ces ambitions seront mesurées grâce à des indicateurs dédiés au pilier « pratique des marchés ».
Le pilier institutionnel se penche, lui, sur la capacité des entités adjudicatrices : disponibilité des ressources humaines, qualité des plans de passation, existence d’outils numériques pour publier appels d’offres et contrats. L’accent mis sur la digitalisation rejoint les priorités gouvernementales en matière de simplification.
Vers des achats publics plus transparents
En matière d’intégrité, la matrice prévoit d’évaluer l’accessibilité des recours, l’application effective des sanctions et le niveau de divulgation des données. Ces indicateurs, suivis sous l’œil de la société civile, doivent consolider les avancées déjà reconnues par plusieurs bailleurs.
À l’issue des délibérations, le vice-président du Comité de pilotage a remis le document validé au coordonnateur du Pagir, Thomas Bandia, lequel a salué « un jalon essentiel pour la suite du programme ». La Banque mondiale procédera maintenant à l’évaluation proprement dite.
Le processus, qui s’étend sur plusieurs mois, croisera collecte de données, interviews de parties prenantes et analyses statistiques. Les premiers résultats sont attendus avant la fin de 2026 et serviront de base à un plan d’action prioritaire soumis au gouvernement.
Plusieurs observateurs estiment que l’exercice arrive à point nommé, alors que Brazzaville renforce sa coopération régionale au sein de la CEMAC et négocie des partenariats structurants dans les infrastructures routières, l’énergie et le numérique. Une commande publique performante constitue un argument supplémentaire de crédibilité.
Prochaines étapes et portée économique
Sur le terrain, les opérateurs s’attendent à une réduction des délais d’attribution et à une meilleure prévisibilité budgétaire. « Nous pourrons ajuster nos offres avec plus de sérénité », anticipe un entrepreneur du BTP, rappelant que les coûts de soumission restent élevés en l’absence d’information stable.
De son côté, la société civile, représentée lors de l’atelier, promet de suivre la mise en œuvre des recommandations. « La transparence ne s’arrête pas à la rédaction d’un document », prévient une militante, insistant sur la publication régulière des données dans un format accessible.
Les autorités affichent leur détermination : la réforme des marchés publics figure parmi les engagements pris devant les partenaires multilatéraux et la jeunesse congolaise. Elle s’inscrit dans l’agenda de modernisation des finances publiques voulu par le président Denis Sassou Nguesso.
Avec la matrice validée, le Congo-Brazzaville dispose désormais d’un baromètre précis pour mesurer ses progrès, ajuster ses procédures et attirer davantage d’investissements structurants. Le rendez-vous est pris pour l’évaluation 2026, dont les conclusions devraient orienter une nouvelle étape de gouvernance efficace.