Un pivot stratégique du système de santé congolais
La Centrale d’achat des médicaments essentiels et des produits de santé, créée en 1994, occupe une place charnière dans l’architecture sanitaire du Congo-Brazzaville. Chargée d’acquérir, de stocker et de distribuer les médicaments vitaux, la Cameps constitue l’interface entre la politique pharmaceutique nationale et les besoins quotidiens des établissements de soins. Sa session ordinaire du 26 juillet, présidée par Ange Antoine Abéna, a donc retenu l’attention des observateurs, soucieux d’évaluer l’état de ses mécanismes de gouvernance et, partant, la résilience du système de santé congolais.
Des indicateurs financiers en voie de stabilisation
Le rapport du commissariat aux comptes pour l’exercice 2024, adopté à l’unanimité par dix-neuf administrateurs présents, fait état d’une trajectoire budgétaire mieux maîtrisée. Les charges d’exploitation, historiquement grevées par les fluctuations des prix sur le marché international du médicament, se sont contractées de 4,2 % grâce à une politique d’achats groupés et à la rationalisation des stocks, selon les chiffres communiqués à la presse. Cette évolution participe de la volonté affichée par le gouvernement de juguler les dépenses publiques tout en garantissant l’accès universel aux produits de santé.
L’audit externe, révélateur d’un tournant méthodologique
La direction générale s’est soumise à un audit externe dont les conclusions, jugées « globalement satisfaisantes », ont été entérinées par le Conseil. L’exercice, inédit par son ampleur depuis cinq ans, a scruté aussi bien la conformité comptable que la pertinence des circuits d’approvisionnement. La transparence ainsi instaurée renforce la crédibilité de la Cameps auprès de ses bailleurs multilatéraux, à l’heure où les financements innovants se conditionnent de plus en plus à des standards élevés de reddition de comptes.
Un manuel de procédures pour enrayer les fragilités structurelles
Point d’orgue de la séance, la présentation du nouveau manuel de procédures administratives, financières et comptables marque un saut qualitatif. Le document, fruit d’un travail collaboratif avec le ministère des Finances et d’experts de l’Organisation mondiale de la Santé, systématise des protocoles jusque-là dispersés. En formalisant la traçabilité des opérations, il vise à prévenir les ruptures de stocks, réduire les délais de paiement des fournisseurs et verrouiller les risques de conflit d’intérêts. « La Cameps franchit un palier décisif de maturité institutionnelle », a déclaré Ange Antoine Abéna en séance, saluant « l’engagement sans faille » du directoire.
L’articulation avec la politique pharmaceutique nationale
Sur le plan stratégique, les administrateurs ont examiné la concordance entre la feuille de route 2025 de la Cameps et le Plan national de développement sanitaire. La priorité demeure l’alignement sur la liste nationale des médicaments essentiels, dont la révision adoptée en avril dernier met l’accent sur les pathologies non transmissibles émergentes. En renforçant sa capacité d’anticipation, la Cameps entend soutenir la vision présidentielle d’un système de santé inclusif, conformément aux engagements internationaux du Congo en matière de couverture sanitaire universelle.
Les défis persistants sur la chaîne d’approvisionnement
Les administrateurs n’ont pas éludé les zones de friction qui subsistent. Malgré l’amélioration des indicateurs financiers, la dépendance vis-à-vis des importations reste élevée, exposant la Cameps aux aléas logistiques et monétaires. De plus, l’extension du réseau routier vers les zones enclavées, chantier prioritaire du gouvernement, conditionnera l’effectivité des progrès entérinés à Brazzaville. Certains experts auditionnés rappellent que la digitalisation des entrepôts, encore embryonnaire, devra suivre pour contenir les pertes post-achat estimées à 3 % des volumes.
Vers une culture institutionnelle de la reddition de comptes
En clôturant les travaux, Ange Antoine Abéna a invité le Comité de direction à « maintenir le cap et approfondir la dynamique de transparence ». La mention d’un « quitus » accordé au directoire ne se limite pas à un satisfecit; elle s’inscrit dans une démarche plus large de consolidation de la culture organisationnelle. Dans un contexte régional où la question de la gouvernance sanitaire conditionne la confiance des partenaires techniques, l’expérience de la Cameps pourrait servir de modèle reproductible. Entre ancrage institutionnel et agilité réformatrice, l’établissement public illustre la possible convergence entre impératifs de santé publique et normes rigoureuses de gestion.