Enjeux d’une stabilité durable
À trois ans du scrutin présidentiel, la classe politique congolaise s’interroge sur les conditions d’une compétition pacifiée. Le président du Sénat, Pierre Ngolo, vient de convoquer la responsabilité collective afin de préserver la stabilité institutionnelle, socle d’un développement économique appelé à s’intensifier.
Son discours, prononcé le 13 août lors de la clôture de la sixième session ordinaire, rappelle que l’échéance de 2026 intervient dans un environnement international volatil. Entre tensions géopolitiques et bouleversements climatiques, les institutions nationales veulent montrer qu’elles peuvent rester un pôle de prévisibilité régionale.
Pierre Ngolo insiste sur la « dignité du débat démocratique » et la primauté du peuple dans l’arbitrage final. Dans la salle des conférences, les sénateurs, toutes sensibilités confondues, ont salué cette référence explicite à la souveraineté populaire, considérée comme gage de légitimité du futur processus électoral.
Climat politique avant 2026
La période préélectorale reste traditionnellement sensible au Congo. Des mémoires encore vives rappellent la crise de 1997, mais depuis, plusieurs scrutins se sont déroulés sans rupture majeure. Les observateurs estiment que la culture du consensus, promue par le dialogue d’Ouesso en 2021, poursuit sa maturation.
Dans les partis d’opposition, des voix demandent davantage de garanties sur l’accès aux médias et sur la neutralité des forces de sécurité. Les autorités répondent en pointant le dispositif légal de la Commission électorale et l’engagement réitéré de préserver les droits fondamentaux consacrés par la Constitution.
Le rôle stratégique du Sénat
La haute chambre, dominée par la majorité présidentielle, se veut espace de pondération. Ses 70 jours de travaux ont accouché de 24 textes, dont six projets de loi. Selon Ngolo, ce volume atteste de la « capacité d’anticipation » de l’institution sur les défis à venir.
Au-delà des chiffres, plusieurs sénateurs mettent en avant la pratique désormais régulière du contrôle parlementaire. Interpellations ministérielles et questions d’actualité s’enchaînent, signes d’un contre-pouvoir pragmatique. « Le Sénat n’est pas une chambre d’enregistrement », insiste la vice-présidente, Emilienne Raoul, évoquant une culture de la redevabilité.
Diplomatie parlementaire active
Pierre Ngolo cite la 50e Assemblée de la Francophonie et le défilé du 14 Juillet à Paris comme preuves du regain diplomatique. Pour lui, ces escales rehaussent la visibilité du Congo et consolident des partenariats utiles aux priorités nationales.
Pour le politologue Jean-Martin Obambi, la diplomatie déployée par les élus « traduit la volonté de montrer une image positive et stable à l’extérieur, ce qui peut attirer investissements et coopération au moment où l’Afrique centrale est scrutée pour sa position stratégique et ses ressources ».
Feuille de route économique et sociale
Les textes adoptés illustrent une orientation vers la diversification: contrats pétroliers révisés, création d’agences dédiées à l’environnement et à l’économie informelle, lancement de deux hôpitaux généraux. L’exécutif entend articuler croissance, montée en gamme des services publics et transition écologique progressive.
L’Agence pour la transformation de l’économie informelle, par exemple, devra accompagner près de deux millions d’actifs vers des régimes fiscaux et sociaux mieux cadrés. Le ministère des Finances voit là un levier pour élargir la base fiscale sans pénaliser les initiatives entrepreneuriales locales.
Défis budgétaires et réformes fiscales
Le récent débat budgétaire a ravivé la question des exonérations, évaluées par la Cour des comptes à presque 3 % du PIB. Beaucoup de sénateurs souhaitent un encadrement plus ferme, sans pénaliser les incitations dédiées aux secteurs stratégiques.
Dans les couloirs du Palais du Peuple, un haut fonctionnaire confie que « la discipline budgétaire reste la meilleure garantie d’indépendance ». Les recommandations incluent un plafond d’endettement plus exigeant et la poursuite du programme avec le Fonds monétaire international, salué pour ses conseils techniques.
Perspectives citoyennes et enjeux locaux
Sur le terrain, la perspective des nouveaux hôpitaux d’Ouesso et Sibiti suscite espoirs et attentes. Les élus locaux soulignent le besoin d’infrastructures complémentaires, notamment en voirie. Le gouvernement promet une programmation pluriannuelle afin d’assurer un maillage équilibré du territoire en services essentiels.
Du côté de la société civile, plusieurs organisations saluent « une ouverture au dialogue » mais réclament une consultation plus large dans l’élaboration des textes. Des ateliers régionaux pourraient être organisés avant 2026 pour recueillir les priorités des jeunes et des femmes, catégories démographiques décisives.
L’universitaire Rosalie Makosso rappelle que la stabilité ne se décrète pas: « Elle se construit par des institutions fortes, mais aussi par la perception de l’équité ». Selon ses travaux, la crédibilité du calendrier électoral et la transparence budgétaire sont perçues comme indissociables.
Cap vers 2026
La fête des 65 ans de l’indépendance servira de test grandeur nature. Défilés, concerts et forums économiques permettront à l’État de démontrer sa capacité d’organisation et de projeter un message d’unité nationale.
Alors que le compte à rebours pour 2026 s’égrène, l’appel de Pierre Ngolo résonne comme un rappel de méthode : privilégier le compromis, consolider les acquis législatifs et projeter le pays dans une trajectoire de développement où la stabilité politique demeure un avantage comparatif.