Un tournant pour la microfinance congolaise
Le régulateur bancaire d’Afrique centrale vient d’imprimer une nouvelle dynamique à la Caisse de participation à la promotion des entreprises et à leur développement, Capped S.A., en nommant Brice Voltaire Etou-Obami administrateur provisoire. Cette décision marque un virage stratégique pour le secteur congolais de la microfinance.
Créée en 1991 dans le sillage du Forum des jeunes entreprises du Congo, la Capped est passée d’association de promotion à établissement de microfinance en 2003, profitant des dispositions de la Commission bancaire d’Afrique centrale, Cobac, pour proposer des services de proximité à travers sept agences.
Avec cent-vingt employés et une clientèle disséminée sur l’ensemble du territoire, l’institution joue un rôle d’amortisseur social en facilitant l’accès au crédit des micros, petites et moyennes entreprises, pourtant confrontées à des difficultés récurrentes de garanties et de coûts de financement.
Un expert aux commandes provisoires
Pour rétablir la confiance après un audit jugé insatisfaisant, la Cobac a sollicité un profil aguerri. Expert-comptable agréé CEMAC, commissaire aux comptes et fondateur du cabinet Exco Cacoges, Brice Voltaire Etou-Obami offre trois décennies d’expérience au service des finances publiques et privées africaines dans la région immédiate.
Formé en France puis en Belgique, le nouveau dirigeant a mené des audits complexes pour des États, des institutions multilatérales et de entreprises. Son retour à Brazzaville en 2009 lui a permis de superviser la certification des recettes pétrolières, l’évaluation de la dette publique et le renforcement du contrôle interne.
Cette expertise nourrit également ses activités d’enseignement à l’Institut supérieur de gestion, où il défend une comptabilité au service du développement. Auteur de plusieurs ouvrages, il milite pour l’harmonisation des normes d’audit en Afrique et l’émergence d’une nouvelle culture de la transparence.
Diagnostic sévère, remède ciblé
L’audit diligenté en 2022 a mis en lumière un conseil d’administration divisé, des procédures internes lacunaires et un suivi prudentiel parfois approximatif. Sans remettre en cause la viabilité du modèle, la Cobac a estimé indispensable une restructuration conduisant à la nomination d’un administrateur doté de pouvoirs élargis.
Brice Voltaire Etou-Obami dispose d’un mandat de douze mois, renouvelable, pour assainir la gestion. Il devra mettre en œuvre un plan de redressement fondé sur la rigueur comptable, un renforcement des ressources humaines et une redéfinition de la stratégie commerciale centrée sur les besoins des petites entreprises locales.
Parmi les priorités figure la mise à jour du système d’information, crucial pour fiabiliser la production des états financiers et faciliter la surveillance continue du régulateur. Des outils de scoring client plus performants devraient également réduire le risque de défaut tout en accélérant l’octroi des crédits.
Enjeux pour les PME locales
La République du Congo compte plus de 50 000 très petites entreprises formelles, mais moins d’un quart déclarent avoir accès à un financement bancaire, selon le dernier rapport de la Banque mondiale. Le rétablissement de la Capped se présente donc comme un levier déterminant de relance économique inclusive nationale.
En offrant des produits d’épargne et de crédit adaptés, l’institution peut soutenir la diversification hors pétrole encouragée par le gouvernement. Les programmes publics de soutien à l’agriculture ou au numérique gagneraient en efficacité si la microfinance parvenait à irriguer les porteurs de projets en zones rurales.
Pour les jeunes entrepreneurs, souvent freinés par l’absence de garantie, la Capped pourrait développer des mécanismes de co-financement avec des fonds publics ou des partenaires internationaux. Brice Voltaire Etou-Obami devrait ainsi dialoguer avec les ministères sectoriels afin d’aligner les objectifs de l’établissement sur les priorités nationales existantes.
Feuille de route et perspectives
Selon plusieurs analystes de la place bancaire, la réussite de ce mandat dépendra de la capacité à concilier assainissement technique et communication. Un reporting régulier destiné aux actionnaires, aux employés et au public est jugé indispensable pour réinstaller la confiance, à l’heure où la concurrence microfinancière s’intensifie dans la région.
Le calendrier prévoit un premier bilan à mi-parcours, six mois après la prise de fonction. Les indicateurs de performance porteront sur le taux de créances douteuses, le ratio de solvabilité et la progression du portefeuille client, autant de paramètres susceptibles d’orienter le choix d’un futur management définitif.
En parallèle, le nouveau dirigeant entend capitaliser sur les technologies mobiles pour diversifier les canaux de distribution et réduire les coûts opérationnels. L’intégration de solutions de paiement numérique pourrait élargir la base de dépôts, condition sine qua non pour financer à moindre coût l’économie réelle du pays.
Si les objectifs sont atteints, la Capped serait en mesure de redevenir une référence sous-régionale, tout en consolidant l’image d’un secteur financier congolais engagé dans les réformes prônées par les autorités. Le mandat provisoire se veut ainsi un pas décisif vers une gouvernance durable.
Pour Brice Voltaire Etou-Obami, la mission prend également une dimension citoyenne : démontrer que la rigueur professionnelle peut servir directement l’inclusion financière et stimuler la créativité entrepreneuriale congolaise durable.