Le Cesbc, think tank congolais de référence
Installé sur les bords du fleuve, le Centre d’études stratégiques du Bassin du Congo s’est imposé, en vingt ans, comme la maison commune des chercheurs congolais et de leurs partenaires étrangers.
Né à Évry en 2005 sous l’impulsion du Pr Aimé Dieudonné Mianzenza, le think tank a rapidement rapatrié son cœur opérationnel à Brazzaville afin d’accompagner, depuis le terrain, les politiques nationales de croissance inclusive.
Financement carbone et transition énergétique au Congo
Pour marquer son vingtième anniversaire, l’institution a réuni, le 30 juillet 2025, économistes, forestiers et énergéticiens autour d’une table ronde consacrée au « financement carbone et développement », thème au carrefour des priorités climatiques et des impératifs de compétitivité du Congo.
Le président Mianzenza rappelle que la finance carbone constitue « un levier inédit pour exécuter la Contribution déterminée au niveau national sans grever le budget de l’État », soulignant la complémentarité entre cette ressource innovante et les investissements publics déjà engagés dans la transition énergétique.
Vers un prix juste du crédit carbone
Les débats soulèvent toutefois un constat récurrent : la valeur actuelle des crédits carbone issus des forêts du Bassin demeure inférieure aux services écosystémiques rendus, limitant la capacité du pays à financer des projets solaires, hydroélectriques ou d’efficacité énergétique à grande échelle.
Selon le Dr Jean Bakouma, modérateur de la rencontre, « un prix de référence plus élevé encouragerait les investisseurs privés, tout en rétribuant équitablement l’effort de conservation que le Congo porte depuis plusieurs décennies au bénéfice de l’humanité ».
Deux décennies de production scientifique
Au-delà des conférences, le Cesbc se distingue par une production soutenue : soixante-sept ouvrages, dont le très consulté Catalogue des thèses de doctorat du Congo, éclairent les décideurs sur la trajectoire des compétences nationales depuis l’indépendance.
Les titres récents de Raoul Maixent Ominga ou Kitsoro Kinzouza analysent, chiffres à l’appui, les voies d’une transition énergétique ordonnée, conjuguant stabilité macroéconomique et impératif de croissance verte prôné par le Plan national de développement.
Cette ligne éditoriale, résolument adossée à l’approche « evidence-based », alimente un dialogue régulier avec les ministères sectoriels, les collectivités locales et les organisations internationales, sans jamais perdre de vue l’ancrage citoyen voulu par les bénévoles qui portent le centre.
Un fonds documentaire à portée internationale
Le trésor documentaire du Cesbc impressionne : plus de cent mille thèses, des milliers de rapports et une base de 1 500 médias multilingues sont consultables en ligne, préfigurant la première bibliothèque numérique spécialisée du continent.
Cette infrastructure, constamment mise à jour, sécurise l’accès aux données primaires tout en démocratisant la recherche pour les étudiants des universités publiques, rejoignant l’objectif gouvernemental d’élargir la diffusion du savoir à l’ère du haut débit national.
Former et influencer les décideurs
En parallèle, le centre organise des sessions de formation en analyse coût-bénéfice, en modélisation énergétique et en méthodologie de recherche, sessions suivies chaque année par plusieurs dizaines de cadres issus des administrations et des entreprises publiques.
Pour Nadège Makosso, doctorante en sciences politiques, « cet espace réduit la fracture documentaire entre Nord et Sud et renforce la capacité des jeunes chercheurs à dialoguer d’égal à égal lors des forums internationaux ».
Perspectives pour une diplomatie verte
Au-delà de la sphère académique, le Cesbc prend part aux consultations préparatoires des Sommets des trois bassins forestiers et relaie les positions défendues par Brazzaville en matière de diplomatie verte et de justice climatique.
Les experts du centre estiment que la création d’un marché sous-régional du carbone, adossé à une plateforme électronique transparente, permettrait de consolider la coopération Sud-Sud tout en renforçant l’attractivité du Congo pour les flux financiers verts.
Porté par cette ambition, le Cesbc prépare un livre blanc synthétisant les scénarios de tarification carbone et les mécanismes de partage des revenus susceptibles d’accélérer la relance post-pandémie et d’atteindre les objectifs climatiques fixés pour 2030.
Le document, appelé à servir de référence aux négociateurs congolais lors des conférences internationales, confirme la vocation du centre : éclairer la décision publique par une expertise rigoureuse et indépendante, fruit d’un travail collégial.
En s’appuyant sur ce savoir accumulé, Brazzaville dispose d’un atout supplémentaire pour peser dans les négociations climatiques et transformer le carbone en moteur d’un développement résolument durable au service des générations futures.
Innovation numérique et open science
Soucieuse de rester à la pointe, l’équipe travaille à une plateforme reposant sur l’intelligence artificielle pour cartographier en temps réel les émissions de CO₂ du bassin, croisant images satellites et inventaires forestiers afin d’offrir des indicateurs fiables aux investisseurs.
Le projet, cofinancé par des partenaires techniques et certaines entreprises extractives, illustre la possibilité d’aligner innovation numérique et responsabilité sociale, dans la droite ligne des orientations nationales en matière d’économie de la connaissance.
La jeunesse, moteur de la relève scientifique
Afin de préparer la relève, le Cesbc attribuera dès 2026 des bourses de mobilité destinées aux masterants congolais, avec l’objectif d’encourager les recherches appliquées sur la bio-économie, la résilience urbaine et l’entrepreneuriat vert.
Ces bourses, assorties d’un mentorat assuré par les membres seniors, visent à retenir les talents au pays et à consolider l’écosystème de recherche, gage d’un développement endogène aligné sur la Vision Congo 2040.