Un voyage continental sans émissaire fédéral
Lorsque la liste officielle de la délégation congolaise appelée à défendre les couleurs nationales au Championnat d’Afrique des Nations 2024 a été rendue publique, la surprise fut palpable : aucun membre du Comité exécutif de la Fédération congolaise de football n’y figurait. Le constat, entériné dans un communiqué publié le 28 juillet, a instantanément suscité interrogations et commentaires au sein de la communauté sportive. Rares sont, en effet, les compétitions internationales où l’instance faîtière d’un sport collectif se tient en retrait, comme si la représentation institutionnelle n’était qu’un détail accessoire.
D’un point de vue logistique, la situation ne compromet en rien la tenue du tournoi : le ministère en charge des Sports a finalisé l’ensemble des formalités administratives et budgétaires, tandis que l’encadrement technique des Diables Rouges locaux est maintenu. Sur le plan symbolique, en revanche, l’absence de la Fecofoot rappelle l’importance du dialogue interinstitutionnel et la nécessité de préserver, même dans l’urgence, l’architecture du sport congolais telle que définie par la loi.
Les ressorts juridiques d’une qualification inespérée
Il serait réducteur d’appréhender la discorde actuelle sans reconstituer le chemin, parfois sinueux, qui a conduit la sélection congolaise à cette phase finale du Chan. À la suite d’une décision d’exclusion prononcée au profit de la Guinée équatoriale, la Fecofoot avait saisi les juridictions compétentes de la Confédération africaine de football. À ses frais, rappelle-t-elle aujourd’hui, elle obtint gain de cause, restituant ainsi au Congo son ticket d’entrée pour la huitième édition du tournoi. « Cette bataille procédurale fut coûteuse, mais elle répondait à un impératif d’équité sportive », confie un juriste proche du dossier.
Cette réhabilitation, intervenue alors même que la suspension de la Fecofoot par la FIFA venait d’être levée, avait nourri un élan d’optimisme. Pour nombre d’observateurs, elle matérialisait la capacité des institutions nationales à défendre leurs intérêts au sein des instances internationales, tout en soulignant l’utilité d’une fédération proactive lorsque l’intégrité compétitive est en jeu.
Entre gouvernance sportive et équilibres institutionnels
Les divergences observées aujourd’hui se situent moins sur le terrain strictement sportif que sur celui, plus feutré, de la gouvernance. Le communiqué fédéral évoque « une volonté de nuire », tandis que, du côté du ministère, l’on affirme « avoir retenu les profils jugés les plus pertinents pour la mission », plaidant pour un recentrage sur la performance athlétique. La rhétorique, de part et d’autre, se veut mesurée, mais elle trahit la complexité des équilibres entre tutelle étatique et autonomie associative.
Sur le plan réglementaire, la nomination des membres d’une délégation internationale relève d’une double légitimité : la fédération, délégataire de service public, propose ; l’autorité de tutelle entérine. Il n’est pas rare que des arbitrages soient opérés, notamment pour des raisons budgétaires. Toutefois, la présente affaire démontre qu’une absence de co-validation peut engendrer des perceptions de mise à l’écart, voire d’incompréhensions qui débordent la sphère sportive pour toucher celle de la cohésion nationale, principe cardinal du vivre-ensemble souligné dans les textes fondamentaux.
Le risque d’un nouveau coup d’arrêt pour l’élan national
La Fecofoot souligne que le football congolais sort à peine d’une parenthèse de huit mois d’inactivité liée à la suspension de la FIFA. Dans un pays où la pratique du ballon rond constitue un puissant vecteur de fierté populaire, tout ralentissement prolongé affecte l’économie des clubs, l’ardeur des supporteurs, mais aussi la formation de la jeunesse. Pour le sociologue du sport Jean-Baptiste Kounkou, « le Chan représente une opportunité de relance, car il valorise le championnat local et mobilise les collectivités ».
Au sein des instances régionales, l’Union des Fédérations de Football d’Afrique centrale observe ces frictions avec circonspection. Selon un responsable de l’organisation, la participation du Congo demeure un facteur de stabilité pour l’ensemble de la sous-région, dès lors que les audiences télévisées et les recettes commerciales y sont corrélées. En d’autres termes, la performance sur les pelouses d’Arusha, Kampala ou Nairobi dépassera la seule question du tableau d’affichage : elle pourra conforter la crédibilité d’une filière sportive qui emploie directement ou indirectement plusieurs milliers de personnes.
Perspectives de conciliation et responsabilités partagées
À l’heure de la diplomatie sportive, les observateurs convergent sur un point : la synergie entre acteurs publics et privés reste la clef d’un succès durable. Plusieurs pistes se dessinent discrètement. D’abord, l’instauration d’un dispositif de médiation permanente entre le ministère et la Fecofoot, inspiré de l’expérience ivoirienne, pourrait fluidifier la validation des listes et prévenir les malentendus. Ensuite, la mise en place d’indicateurs de performance partagés – qu’ils soient techniques, financiers ou sociétaux – permettrait d’objectiver les contributions de chaque partie.
Dans son adresse aux joueurs avant leur départ, le ministre des Sports a insisté sur « l’esprit patriotique et la discipline collective ». Des mots que l’on pourrait également appliquer aux institutions, afin qu’elles traduisent, par une gouvernance apaisée, l’appétit de victoire qui anime la population. De son côté, la Fecofoot assure demeurer « totalement engagée dans le développement du football national ». Il appartient désormais aux parties prenantes de transformer la divergence actuelle en espace de dialogue, car, au-delà du résultat sportif, c’est le prestige du Congo qui se jouera sur les pelouses d’Afrique de l’Est.