Un élan collectif contre le choléra
Fin juillet, les autorités sanitaires du Congo-Brazzaville ont déclaré une épidémie de choléra dans plusieurs localités du sud-est ainsi qu’à Brazzaville. La maladie hydrique, transmise essentiellement par la consommation d’eau contaminée, constitue une menace historique pour les zones tropicales humides.
Sitôt l’alerte donnée, le gouvernement a activé son plan national de contingence et sollicité l’appui technique des agences onusiennes présentes dans le pays. Cette mobilisation rapide est saluée par de nombreux épidémiologistes, qui rappellent l’importance de la réactivité face aux flambées soudaines.
Vendredi 11 août, un convoi de matériel d’hygiène, d’assainissement et de supports de communication est arrivé au dépôt central du ministère de la Santé. Le lot comprend pulvérisateurs motorisés, bidons chlorés, bottes, gants, brochures en langues locales et kakémonos illustrés.
Des équipements ciblés pour les zones à risque
Le représentant du Système des Nations Unies, Abdourahamane Diallo, explique que la dotation a été calibrée selon les besoins exprimés sur le terrain. « Nous voulons que chaque village concerné dispose d’outils simples mais efficaces pour casser la chaîne de transmission » confie-t-il.
Selon la cartographie établie par la direction de la surveillance épidémiologique, les districts de Mbamou, Mossaka, Boundji et certains quartiers périphériques de la capitale présentent les taux d’incidence les plus élevés. L’envoi prioritaire du matériel vers ces foyers doit réduire la pression hospitalière.
Les pulvérisateurs serviront à chlorer les points d’eau collectifs et à désinfecter les habitations ayant accueilli des malades. Les jarres hermétiques, quant à elles, permettront de stocker l’eau traitée à domicile, un geste de précaution jugé déterminant par l’Organisation mondiale de la santé.
La stratégie de prévention communautaire
Au-delà de l’aspect logistique, les partenaires privilégient l’information communautaire. Des relais bénévoles, formés par l’UNICEF, animeront des causeries dans les marchés, églises et écoles pour rappeler les gestes barrières : lavage des mains, consommation d’eau bouillie et consultation précoce.
« Une épidémie de choléra se gagne d’abord dans l’esprit des familles », souligne la sociologue Clémence Okouélé, membre de la plateforme nationale WASH. D’après elle, la pédagogie doit s’adapter aux réalités culturelles, en illustrant par exemple le lien direct entre hygiène domestique et protection des enfants.
Les brochures imprimées en lingala, kituba et téké insistent sur la notion de responsabilité collective. Chaque citoyen est invité à signaler rapidement les cas suspects aux équipes mobiles afin de bénéficier d’une prise en charge orale gratuite à la doxycycline, disponible dans les centres intégrés.
Une collaboration institutionnelle renforcée
La livraison d’août concrétise un partenariat déjà ancien entre le Congo et les Nations Unies dans le domaine de la santé publique. Le ministre Jean-Rosaire Ibara rappelle que la stratégie nationale 2022-2026 place la prévention des maladies diarrhéiques au rang de priorité structurante.
Aux côtés de l’OMS et du PNUD, l’UNESCO s’implique en soutenant la diffusion de messages sanitaires via les radios communautaires. Le Fonds mondial apporte pour sa part des financements destinés à l’achat de réactifs de laboratoire, indispensables pour confirmer les souches Vibrio cholerae.
Le ministère de la Communication s’est joint à l’opération afin de coordonner les supports visuels diffusés dans les espaces publics. Cette synergie entre ministères et partenaires extérieurs renforce la cohérence nationale, évitant la dispersion des messages qui a parfois limité l’impact des campagnes antérieures.
Perspectives sanitaires et engagement citoyen
Les autorités misent sur une diminution significative des cas dans les quatre semaines, à condition que la population adopte durablement les nouveaux réflexes d’hygiène. Plusieurs indicateurs, dont la positivité des prélèvements d’eau, seront publiés hebdomadairement pour maintenir la transparence.
À Mossaka, première localité touchée, les agents de santé communautaires observent déjà une baisse des admissions grâce à la distribution de pastilles de chloration et à la réparation d’un forage par l’ONG Eau et Vie. Une situation encourageante, mais encore fragile selon les spécialistes.
La saison sèche, traditionnellement marquée par une baisse du niveau du fleuve Congo, reste un facteur aggravant. Le directeur général de la météorologie rappelle que l’assèchement des puits expose les familles à une concentration accrue de bactéries, d’où la nécessité de compléter l’intervention par des forages durables.
Sur le plan économique, le coût des opérations de riposte est estimé à 2,4 millions de dollars, financés pour moitié par le budget national. Les économistes soulignent que cet investissement reste inférieur aux pertes potentielles liées à l’arrêt d’activités commerciales en cas d’épidémie prolongée.
À l’Université Marien-Ngouabi, des étudiants en médecine mènent des enquêtes de terrain pour documenter les comportements domestiques. Leurs conclusions, attendues en septembre, serviront à ajuster la stratégie pédagogique et à préparer un guide de référence pour les futures flambées diarrhéiques.
« La lutte contre le choléra n’est pas seulement l’affaire des autorités ; c’est un devoir citoyen », insiste le Dr Thérèse Mavoungou, infectiologue à l’hôpital central. En conjuguant rigueur scientifique, solidarité internationale et implication communautaire, le Congo entend construire un bouclier sanitaire durable.