Brazzaville, un pouls social sous contrôle
Il aura fallu à peine un quart d’heure pour dérouler le relevé de conclusions qui, début août, a mis un terme à plusieurs mois de crispations au Centre hospitalier universitaire de Brazzaville. La brièveté de la lecture contraste avec la densité du travail préparatoire mené, sous l’égide du directeur départemental du Travail, entre représentants syndicaux et direction générale. « Nous avons privilégié la loyauté réciproque », confie un délégué de l’intersyndicale, conscient que la pérennité du plus grand établissement hospitalier du pays commande stabilité et dialogue. L’enjeu dépasse le seul périmètre de l’hôpital : il touche la capacité de l’État à garantir une continuité des soins, pilier de la cohésion sociale.
Une Commission paritaire, clef de voûte statutaire
Première pierre de l’édifice, la convocation de la CPASS 2024 au plus tard le 31 août 2025 fixe un horizon d’attente précis. Cette commission, méconnue du grand public, organise l’avancement, la sécurité sociale et, in fine, la reconnaissance professionnelle des agents. Sa tenue régulière constitue un indice de gouvernance administrative solide. « Sans cadres statutaires clarifiés, toute réforme technique s’enlise », rappelle un chercheur en sciences du travail de l’Université Marien-Ngouabi. L’engagement pris rassure les personnels qui redoutaient un gel prolongé de leurs carrières. Il envoie également un signal de crédibilité aux bailleurs multilatéraux, attentifs à la gestion des ressources humaines dans les hôpitaux publics africains.
Réhabilitation et financement, un tandem indissociable
Le relevé fait de l’amélioration des conditions de travail un axe prioritaire, en invitant le gouvernement à poursuivre la réhabilitation des bâtiments et l’équipement biomédical. Depuis la livraison en 2023 du plateau de réanimation issu d’un partenariat public-privé, le CHU-B a retrouvé une marge d’action, mais la vétusté de certains pavillons demeure criante. Engagé dans la stratégie nationale de couverture sanitaire universelle, le ministère de la Santé a, selon nos informations, programmé des enveloppes budgétaires supplémentaires pour 2026. Reste l’éternelle équation de la trésorerie : la dette vis-à-vis de la Caisse nationale de sécurité sociale fera l’objet d’un audit conjoint Trésor-CNSS-CHU-B afin de sceller un échéancier soutenable. Ce travail, s’il est mené à son terme, pourrait ouvrir la voie à des contre-parties en matériels ou formations, à l’image d’initiatives observées au Ghana ou au Rwanda.
La question salariale, thermomètre de la confiance
Le paiement des traitements de juin et juillet 2025 occupe naturellement l’esprit des agents. Placer ce point à l’agenda gouvernemental relève d’une urgence opérationnelle : retarder la chaîne salariale signifierait fragiliser l’offre de soins, en particulier dans les services critiques. Selon un cadre du ministère des Finances, « la fenêtre budgétaire existe, mais la priorité sera d’assainir la chaîne de dépense pour éviter les retards récurrents ». En parallèle, la relance de la négociation de la convention collective, dans un délai de deux mois, vise à harmoniser les grilles indemnitaire des directeurs. Une telle harmonisation peut réduire les frustrations internes et consolider l’autorité hiérarchique, condition sine qua non d’un management hospitalier serein.
Vers une culture de gouvernance participative
Au-delà des chiffres, l’accord consacre la formation accélérée des gestionnaires des ressources humaines et des partenaires sociaux à l’exercice du droit syndical. À Brazzaville comme ailleurs, la culture du dialogue se construit par des savoir-faire partagés : maîtrise des textes, art de la médiation, sens de la responsabilité. La direction départementale du Travail assurera un suivi rapproché, ce qui témoigne d’une concertation institutionnelle désormais régulière. Aux yeux des observateurs, ce renforcement des procédures pourrait servir de modèle à d’autres structures publiques confrontées à des tensions similaires.
Les partenaires sociaux, de leur côté, se sont engagés à observer une pause revendicative tant que le chronogramme est respecté. Cette discipline contractuelle offre une fenêtre précieuse pour que les chantiers de réhabilitation et d’audit financier produisent leurs premiers effets mesurables. Dans un marché régional de la santé en pleine recomposition, la stabilité sociale du CHU-B rehausse l’attractivité de Brazzaville pour les investisseurs du secteur biomédical et les programmes de coopération internationale.
En définitive, le « serment d’Hippocrate social » scellé début août ne naît pas d’un idéalisme naïf ; il procède d’un réalisme partagé. Gouvernement, direction hospitalière et syndicats savent que le coût économique d’un conflit prolongé excède de loin celui d’une négociation exigeante. À l’heure où le Congo-Brazzaville consolide son architecture sanitaire, l’expérience du CHU-B rappelle qu’une institution de soins n’est jamais seulement un lieu de médecine : c’est aussi un espace de contrat social, où la parole, organisée et respectée, peut guérir des maux invisibles.