Fermeture confirmée
Le 11 octobre 2025, Brazzaville a officiellement appris la fermeture des salles Canal Olympia de la capitale, de Pointe-Noire et d’Oyo. L’annonce, faite par la ministre de l’Industrie culturelle Lydie Pongault aux côtés de la présidente du réseau, Christine Pujade, a surpris.
Le réseau français, présent dans plusieurs capitales africaines, met ainsi fin à une aventure congolaise entamée en 2019. Les trois complexes, totalisant plus de mille fauteuils, avaient permis de réintroduire la projection grand public dans un pays dépourvu de multiplexes modernes.
Six ans d’une parenthèse lumineuse
À Brazzaville comme à Pointe-Noire, les avant-premières internationales, les séances pour scolaires et les festivals locaux s’étaient enchaînés, dessinant un nouvel horizon culturel. Le tarif abordable et la qualité technique des écrans Laser avaient convaincu une génération née avec les plateformes numériques.
Les réalisateurs congolais y trouvaient un espace de visibilité rare. Hassim Tall Boukambou, qui y a projeté « Mémoires du CFRAD », se souvient de salles pleines « lorsque l’histoire parlait aux Congolais ». Cette adéquation entre offre et public constituait, selon lui, « une bouffée d’espoir ».
Les raisons d’une décision discrète
Ni le ministère, ni Canal Olympia n’ont détaillé les motifs exacts du retrait. Des observateurs évoquent un modèle économique fragilisé par la pandémie, la concurrence du streaming et la nécessaire rénovation des équipements après six ans d’usage intensif.
Une cession de gestion à un opérateur non identifié a été confirmée. Le contrat, encore confidentiel, pourrait impliquer une reprise progressive des sites. Selon une source proche du dossier, l’objectif serait de « maintenir l’outil en état » avant de proposer une nouvelle programmation.
Quelles pistes pour la reprise
Le ministère de l’Industrie culturelle souligne que les infrastructures appartiennent au patrimoine cinématographique national. Plusieurs scénarios circulent : implication accrue du secteur public, partenariat public-privé ou concession à un exploitant panafricain déjà implanté dans la sous-région CEMAC.
Dans l’entourage de Lydie Pongault, on rappelle que la loi de 2022 sur l’économie créative prévoit des incitations fiscales pour les salles intégrant au moins 40 % de contenus africains. « Le dispositif existe, reste à l’activer », confie un conseiller se disant optimiste.
Plusieurs entrepreneurs congolais explorent la piste du financement participatif afin d’acheter les projecteurs et d’assurer la maintenance. Les responsables des festivals FICKIN et Écrans Noirs ont entamé des discussions pour mutualiser leur carnet d’adresses et sécuriser un volume régulier de films locaux.
Professionnels et public mobilisés
Pour Hassim Tall Boukambou, l’urgence est de réhabituer le public aux salles. Il juge indispensable de « programmer chaque semaine un film congolais et un classique africain » afin de créer un rendez-vous. L’association des exploitants indépendants prépare une campagne auprès des lycées.
Les cinéphiles, eux, s’organisent sur les réseaux sociaux pour réclamer la réouverture rapide. En moins d’une semaine, la pétition « Mon cinéma, mon droit » a réuni plus de dix mille signatures, preuve que l’attachement à la salle obscurité reste vif malgré la vidéo à domicile.
Au-delà de la mobilisation, certains rappellent les défis structurels : coût de l’électricité, fiscalité sur les billets, piratage. « Sans une chaîne de valeur complète, la salle seule ne survit pas », estime le producteur Léandre Kimangou, favorable à un écosystème articulant studios, plateformes et écrans.
Enjeux pour la politique culturelle
La fermeture intervient alors que le gouvernement finalise son Plan national de développement culturel 2024-2028. Les experts consultés soulignent que les salles jouent un rôle d’éducation citoyenne, de cohésion et d’employabilité pour des jeunes très touchés par le chômage urbain.
Dans ce document, la priorité 3 prévoit l’augmentation du nombre d’écrans par habitant et la création d’un fonds d’avance sur recettes. La fermeture de Canal Olympia rappelle l’urgence de concrétiser ces engagements, observe l’universitaire Mireille Boket, spécialiste des industries créatives.
Le ministère indique travailler avec le Trésor public pour faciliter l’importation de matériel et exonérer, temporairement, les droits de douane sur les films tournés localement. Une mesure saluée par les producteurs, qui y voient « un signal encourageant pour les investisseurs ».
Le succès de cette transition dépendra aussi de la formation. Avec l’appui de l’Institut français du Congo, un programme de certification pour projectionnistes et techniciens du son doit démarrer en janvier. L’objectif : disposer de compétences locales pour réduire les coûts opérationnels.
Malgré l’incertitude, beaucoup voient dans cette « pause » l’occasion de réinventer la filière. Le président de la Fédération des ciné-clubs conclut : « Si nous transformons l’essai, le Congo-Brazzaville pourrait devenir un hub régional, alliant création, formation et diffusion ». L’histoire continue.
À Pointe-Noire, la municipalité envisage de transformer temporairement le parking du complexe de Loandjili en cinéma en plein air durant la saison sèche. Les projections gratuites d’archives nationales pourraient maintenir le lien avec les spectateurs tout en testant de nouveaux modèles de billetterie numérique.
De son côté, la ville d’Oyo, fief historique du premier complexe, compte sur le soutien d’entreprises parapétrolières pour relancer les soirées thématiques. Ces acteurs privés, déjà mécènes du festival local de musique, voient dans l’image un vecteur susceptible de diversifier l’offre de loisirs.
