Un rendez-vous institutionnel crucial
Quarante et un ans après sa création, le Conseil national de la santé s’est réuni pour la deuxième fois en session ordinaire, signe d’un regain d’impulsion politique. Sous le haut patronage du Premier ministre Anatole Collinet Makosso, l’évènement a mobilisé quinze ministres et de nombreux partenaires internationaux.
Le thème retenu, « La gouvernance du système de santé congolais face aux défis de l’Objectif de Développement Durable 3 », inscrit clairement les travaux dans l’Agenda 2030. Le décor est planté : consolider la résilience sanitaire pour accélérer le développement humain.
En accueillant les participants, le représentant de l’OMS au Congo, Dr Vincent Dossou Sodjinou, a salué « l’engagement renouvelé des autorités à faire de la santé un levier de croissance ». Cette reconnaissance internationale confère une légitimité supplémentaire aux ambitions portées par Brazzaville.
Des progrès tangibles sur le terrain
Dans son allocution, le ministre de la Santé et de la Population, Pr Jean-Rosaire Ibara, a rappelé l’ouverture des hôpitaux généraux de Brazzaville et Pointe-Noire, bientôt suivie de Sibiti et Ouesso. Ces infrastructures modernes désenclavent les soins spécialisés et renforcent la capacité d’accueil nationale.
À l’échelle rurale, de nouveaux centres de santé facilitent l’accès aux consultations primaires. Pour les experts, cette politique d’expansion géographique constitue « un pas décisif vers la réduction des inégalités territoriales ». Reste à garantir un fonctionnement durable et des plateaux techniques performants.
Les statistiques du département de la planification font état d’une baisse de 12 % de la mortalité maternelle depuis 2020. Si la courbe demeure perfectible, les efforts conjoints de vaccination, de formation des sages-femmes et de maillage territorial montrent déjà leurs fruits.
Financement et gouvernance au cœur des débats
Réunis en ateliers, économistes de la santé et membres du Trésor ont détaillé les pistes de diversification des ressources. Au-delà du budget de l’État, les échanges ont porté sur la taxe sur les produits à risque, les partenariats public-privé et les innovations de financement communautaire.
Les participants ont souligné la nécessité d’un cadre juridique rénové pour sécuriser ces fonds. L’actualisation du décret fondateur du CNS, évoquée par le Premier ministre, devrait introduire des mécanismes de reddition de comptes adaptés aux impératifs contemporains.
« Sans transparence budgétaire, aucune réforme ne pourra convaincre les populations », a insisté l’économiste Franck Okemba. Cette exigence de confiance mutuelle est perçue comme un préalable incontournable pour attirer les investissements et consolider la solidarité nationale.
Vers une décentralisation sanitaire maîtrisée
Sujet phare de la session, la délégation de gestion des établissements aux collectivités locales a suscité un débat nourri. Préfets, présidents de conseils départementaux et députés ont partagé retours d’expérience et inquiétudes quant au transfert de compétences.
Les partisans de la réforme mettent en avant la proximité décisionnelle, gage d’une réponse plus adaptée aux besoins réels des communautés. Les sceptiques redoutent une dispersion des ressources et soulignent l’importance de renforcer d’abord les capacités administratives locales.
Pour trancher, le conseil a validé la création d’un cadre d’accompagnement technique et financier destiné aux départements volontaires. Cette démarche progressive devrait, selon le ministre Ibara, « préserver la cohésion nationale tout en stimulant l’innovation territoriale ».
L’enjeu majeur des ressources humaines
Pour nombre de centres périphériques, la pénurie de personnel qualifié reste le nœud du problème. Les experts ont proposé un plan d’incitation à la mobilité, mêlant primes, logements sociaux et postes de responsabilité afin de retenir médecins et infirmiers dans les zones rurales.
Une collaboration renforcée avec l’Université Marien-Ngouabi prévoit l’ouverture de stages délocalisés, favorisant l’enracinement des futurs praticiens. Le syndicat des internes y voit « un tournant pour la formation, mais aussi pour la perception du service public chez les jeunes diplômés ».
La télémédecine, déjà expérimentée à Madingou, pourrait compléter l’arsenal. En reliant hôpitaux régionaux et spécialistes de la capitale, cette technologie esquisse une solution crédible pour contourner l’isolement géographique tout en améliorant la qualité des diagnostics.
Feuille de route pour une couverture universelle
Au terme de trois jours de travaux, neuf séries de recommandations ont été adoptées. Elles couvrent la réforme du CNS, la modernisation des équipements, le renforcement de la fonction publique territoriale et la participation communautaire à la gouvernance des soins.
Le ministre Ibara a entériné ces résolutions, rappelant que « l’équité en santé n’est pas une option, mais un fondement de la cohésion sociale ». L’objectif affiché demeure la couverture sanitaire universelle d’ici 2030, en phase avec l’Objectif de Développement Durable 3.
En coulisses, partenaires techniques et bailleurs saluent une feuille de route jugée « réaliste et ambitieuse ». La mise en œuvre sera scrutée, mais le consensus dégagé à Kintélé constitue déjà un signal fort pour l’ensemble du secteur et pour chaque citoyen congolais.