Vers une validation décisive par l’ITIE
Réuni à Brazzaville sous la présidence du ministre des Finances, Christian Yoka, le Comité exécutif du mécanisme national de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives a ouvert un cycle stratégique dont l’issue sera scrutée par l’organe international de l’ITIE. L’enjeu est clair : présenter, avant la fin de l’année 2025, un rapport couvrant l’exercice 2024 conforme aux exigences méthodologiques arrêtées à Oslo. Cette étape conditionne la validation officielle du profil du Congo et, par ricochet, la notation que les bailleurs et investisseurs assignent à la gouvernance extractive du pays.
Au-delà de son caractère procédural, la démarche cristallise la volonté des autorités de consolider les progrès observés depuis l’adhésion du Congo à l’ITIE en 2012. « Nous entrons dans une phase de maturité où chaque recommandation doit être traduite en mesure opérationnelle », insiste Christian Yoka, rappelant que la fiabilité des données budgétaires relatives aux hydrocarbures et aux mines constitue désormais un indicateur cardinal pour les marchés internationaux.
La transparence extractive, pilier de la stratégie économique
Le secteur des industries extractives représente près de 60 % des recettes d’exportation et une part essentielle des ressources budgétaires congolaises. Dans ce contexte, la transparence financière n’est plus seulement une exigence éthique ; elle devient un paramètre macroéconomique susceptible d’influer sur la trajectoire de la dette publique et la négociation des partenariats énergétiques. Le rapport ITIE attendu pour 2025 doit ainsi éclairer le degré d’alignement du cadre légal congolais – révisé en 2023 – avec les standards de divulgation des revenus, des contrats et des bénéficiaires effectifs.
Selon Arlette Soudan-Nonault, ministre en charge de l’Environnement, la bonne gouvernance extractive est également « un levier majeur de la transition bas-carbone, car seule la clarté comptable permet de flécher les profits issus des ressources fossiles vers la diversification et la préservation du capital forestier ». Les données consolidées sur la contribution fiscale des opérateurs pétroliers et miniers devraient ainsi renforcer la marge de manœuvre budgétaire dédiée aux ambitions climatiques nationales.
Consolidation institutionnelle et rôle de la société civile
L’une des avancées significatives de la session de juillet réside dans le constat partagé d’un renforcement du dialogue multipartite. Associations citoyennes, chambres de commerce et administrations techniques s’accordent désormais sur une méthodologie de collecte des données plus robuste, fondée sur la certification indépendante des flux financiers et l’intégration des entreprises parapubliques. Florent Michel Okoko, secrétaire permanent de l’ITIE Congo, reconnaît toutefois que « des dysfonctionnements subsistent, notamment dans la circulation interne de l’information ».
Pour pallier ces fragilités, la création de commissions thématiques au sein du Comité national a été actée. Elles auront pour mandat d’harmoniser les bases de données, de formuler des indicateurs de performance et de suivre, en temps réel, l’exécution des réformes. Cette approche participative répond à une exigence du modèle ITIE : associer la société civile à toutes les étapes, de la collecte des chiffres à la diffusion publique du rapport, condition sine qua non de la crédibilité internationale du processus.
Une feuille de route ambitieuse d’ici 2025
Le calendrier dévoilé par le Comité exécutif trace plusieurs jalons. D’ici décembre 2024, un audit exhaustif des revenus pétroliers 2023 devra être finalisé par un cabinet agréé. Le premier semestre 2025 verra la divulgation des contrats miniers signés après la réforme du code de 2021, tandis que la nomenclature des bénéficiaires effectifs des sociétés forestières devra être publiée au Journal officiel. Parallèlement, un module numérique interopérable avec les systèmes comptables du Trésor permettra de rapprocher déclarations des entreprises et encaissements effectifs, réduisant les marges d’erreur et les écarts d’information jusqu’alors soulignés par l’ITIE internationale.
Les autorités misent aussi sur l’appui technique de partenaires multilatéraux pour consolider les capacités statistiques nationales. La Banque mondiale a déjà alloué, au titre d’un prêt concessionnel, un financement destiné à la modernisation du cadastre minier et à la formation des agents du ministère des Hydrocarbures. Ces instruments doivent créer les conditions d’une réduction durable des asymétries d’information, facteur crucial pour la notation souveraine et la compétitivité du climat d’affaires.
Enjeux macroéconomiques et perceptions internationales
À l’heure où le Congo négocie la sortie progressive de la Facilité élargie de crédit du FMI, la transparence dans la gestion des richesses naturelles pèse dans la balance des revues financières. Les observateurs estiment qu’une validation ITIE sans réserve renforcerait la confiance des créanciers et réduirait le coût de la dette, offrant des marges budgétaires pour les dépenses sociales et infrastructures critiques. Le ministère des Finances en est conscient : un indicateur ITIE élevé coïncide souvent avec un meilleur accès aux marchés obligataires et à l’investissement direct étranger.
Au-delà des lectures strictement financières, la démarche ITIE alimente la réputation diplomatique du Congo. « La stabilisation politique que connaît le pays trouve un prolongement naturel dans la transparence économique », analyse un consultant du think tank African Policy Lab. Aux yeux des capitales partenaires, la cohérence entre les discours réformateurs et les données publiées constitue un signal de fiabilité, susceptible d’ouvrir des alliances industrielles à long terme, notamment dans la pétrochimie et les minerais de transition énergétique.
À terme, la validation de 2025 pourrait ainsi s’imposer comme une pierre angulaire d’un nouveau contrat social extractif, où l’optimisation fiscale se conjugue avec la redistribution inclusive et la préservation écologique. Pour l’heure, le chronomètre tourne ; mais la mobilisation observée au sein du Comité national ITIE laisse entrevoir une dynamique résolument orientée vers l’aboutissement du processus, dans un cadre qui concilie souveraineté économique et responsabilité internationale.