Femmes journalistes et cohésion nationale
A Brazzaville, du 11 au 13 août, plusieurs rédactions étaient représentées par leurs journalistes femmes, invitées à réfléchir à la façon dont l’information peut accompagner la construction d’un climat électoral apaisé. L’initiative, coordonnée par le ministère de la Communication et l’Unesco, a suscité un fort intérêt.
Dans un pays où chaque échéance électorale mobilise une large audience, la présence accrue de professionnelles aux postes clés favorise une représentation plus fidèle de la société. Le regard féminin, conjugué au professionnalisme journalistique, est considéré comme un atout pour la cohésion nationale et l’inclusion politique.
Un atelier soutenu par l’État et l’Unesco
Les trois journées d’atelier ont mêlé exposés académiques, études de cas tirées du contexte congolais et exercices de simulation de plateaux télévisés. Les intervenants ont insisté sur la nécessité d’articuler les notions de paix, de droits humains et de genre dans le récit médiatique.
Selon Serge Banyimbe, responsable par intérim du secteur communication et information à l’Unesco, « la qualité d’une élection dépend aussi de la qualité du débat public ». Pour lui, former et accompagner les journalistes est un investissement civique susceptible de limiter les tensions préélectorales.
Modules théoriques et exercices pratiques
Les modules dédiés à l’écriture sensible au genre ont rappelé l’importance d’utiliser un langage inclusif, de diversifier les sources et d’intégrer systématiquement les femmes dans les sujets politiques. Des exercices ont permis d’identifier les stéréotypes encore présents dans certaines productions locales et d’y proposer des corrections.
En parallèle, des ateliers de reportage sur le terrain ont simulé la couverture d’une opération d’inscription sur les listes électorales. Les participantes se sont entraînées à vérifier les chiffres fournis par les autorités locales et à recueillir la parole de citoyens de différents horizons socio-économiques.
Naissance d’un réseau professionnel féminin
À l’issue des travaux, les professionnelles ont entériné la création d’un réseau national de femmes journalistes. Cette plateforme ambitionne de mutualiser les alertes, partager des opportunités de formation continue et défendre l’accès des femmes aux postes de décision au sein des organes de presse.
Pour Tania Noguera Ndinga, journaliste à Vox TV, « ce réseau nous aidera à nous soutenir mutuellement lorsque le rythme de la campagne s’intensifiera ». Elle estime que la solidarité professionnelle renforcera la capacité collective à respecter la rigueur déontologique face aux pressions politiques.
Prévenir les discours polarisants
Au cœur des échanges, la lutte contre les discours polarisants est revenue comme un fil rouge. Les formatrices ont démontré qu’un vocabulaire guerrier ou l’usage d’images anxiogènes peut cristalliser les rivalités et éloigner l’audience du contenu factuel, surtout sur les réseaux sociaux à forte viralité.
Elles recommandent d’équilibrer systématiquement les angles, d’expliciter le contexte des propos tenus par les acteurs politiques et d’intégrer la voix d’experts indépendants. L’objectif déclaré est de promouvoir un récit nuancé qui permette aux électeurs de se déterminer librement, sans exacerbation des clivages identitaires.
Fact-checking et autorégulation numérique
Autre priorité : le fact-checking. Serge Banyimbe a rappelé que « tout le monde veut communiquer et tout le monde ne veut pas informer ». Les participantes ont donc élaboré une grille de vérification rapide, combinant appels aux sources officielles, consultation de bases de données et recherches d’images inversées.
Une séance spécifique a porté sur les contenus générés par intelligence artificielle. Les formatrices ont souligné l’importance de détecter les images synthétiques, de questionner l’absence de métadonnées et de demander systématiquement l’origine d’une vidéo avant de la relayer. Cette vigilance prévient l’escalade des rumeurs en période sensible.
Présidentielle 2026 : enjeux et attentes
La perspective de la présidentielle de mars 2026 confère à cette préparation un caractère stratégique. La révision des listes électorales, annoncée du 1er septembre au 30 octobre prochains, constituera un premier test pour les rédactions qui devront suivre le processus sans alimenter de spéculation.
Pour Dominique Kinfoussia, rédacteur en chef du quotidien Les Dépêches, l’enjeu réside dans « la patience et la précision ». Il estime que la population attend des médias une surveillance constructive : signaler les dysfonctionnements, mais aussi mettre en lumière les améliorations apportées par les autorités compétentes.
Soutiens institutionnels et perspectives
La clôture officielle de l’atelier a été présidée par Antoine Oviebo Ethaï, directeur de cabinet du ministre de la Communication et des Médias. Il a salué une démarche jugée « opportune » au regard du calendrier électoral, et a encouragé la diffusion des bonnes pratiques dans toutes les régions.
Le représentant gouvernemental a rappelé que le pays dispose d’un cadre juridique modernisé, incluant un code de bonne conduite pour les médias en période électorale. Selon lui, l’implication accrue des femmes contribuera à rendre ce cadre vivant, pédagogique et mieux compris du grand public.
Avant de regagner leurs rédactions, les participantes se sont engagées à transmettre à leurs collègues les outils acquis. Elles ont également fixé une première réunion virtuelle en novembre pour évaluer la mise en œuvre des recommandations, illustrant ainsi une dynamique collective orientée vers la paix et la confiance publique.