Un rassemblement scientifique majeur
De Brazzaville à Abidjan, l’urologie africaine s’est donné rendez-vous du 25 au 27 septembre lors du deuxième congrès de la Société d’urologie du Congo. La rencontre, clôturée le 27 septembre, a réuni cliniciens, chercheurs et étudiants autour d’enjeux cruciaux.
Au total, cent vingt participants originaires de la République du Congo, de la Côte d’Ivoire, du Niger, du Gabon, du Cameroun, du Tchad et de la RDC ont dialogué au fil de soixante-et-une communications orales et d’une affiche, couvrant l’andrologie, l’uro-oncologie, la lithiase, la chirurgie et l’uro-pédiatrie.
Ateliers techniques adaptés aux contraintes locales
La première journée a fait la part belle aux ateliers pratiques, centrés sur des procédures essentielles dans les hôpitaux d’Afrique subsaharienne. Les démonstrations de cure de fistules vésico-vaginales selon Chassar-Moir et de résection bipolaire transurétrale de la prostate ont attiré une audience dense.
Simulations en temps réel, échanges directs avec les formateurs et adaptation des gestes aux plateaux techniques locaux ont consolidé les compétences. Les participants saluent une pédagogie interactive qui intègre la réalité budgétaire des établissements sans sacrifier la rigueur scientifique ni la sécurité.
Andrologie au cœur des échanges
Le lendemain, l’andrologie a ouvert le bal des communications orales. Infertilité masculine, varicocèle et dysfonction érectile ont été abordées sous l’angle d’un dépistage précoce encore trop rare. Plusieurs intervenants ont évoqué la sensibilisation communautaire comme levier pour briser les tabous et favoriser la prise en charge.
Les urgences andrologiques n’ont pas été oubliées. Traumatismes génitaux et priapismes, souvent gérés tardivement faute d’orientation rapide, ont suscité des discussions nourries sur la place de la télé-expertise et sur les protocoles de transfert vers des centres dotés d’équipes pluridisciplinaires.
Focus sur l’uro-oncologie
La prévalence élevée du cancer de la prostate en Afrique centrale a dominé les débats de la session uro-oncologique. Les orateurs ont insisté sur la valeur du PSA combiné au toucher rectal, ainsi que sur l’intérêt croissant de l’IRM multiparamétrique dans les grands centres urbains.
Les tumeurs du rein, de la vessie et du testicule ont aussi été actualisées. Les intervenants plaident pour mutualiser les plateformes de pathologie et intégrer progressivement la laparoscopie, tout en maintenant la chirurgie ouverte là où l’accès aux équipements reste encore limité.
Lithiase et chirurgie : innovations partagées
La troisième journée a mis l’accent sur la lithiase urinaire, pathologie fréquente mais souvent diagnostiquée tardivement. Les présentations décrivent des calculs géants et des infections sévères, rappelant l’importance de protocoles de suivi nutritionnel et d’imagerie à moindre coût.
En chirurgie, l’essor de l’endoscopie et du laser a été salué comme une avancée pour écourter les séjours. Les praticiens rappellent toutefois la place incontournable de la chirurgie ouverte, garante d’un accès équitable aux soins spécialisés dans de nombreux services.
Uropédiatrie et infections complexes
Les pédiatres-urologues ont partagé des cas rares tels que la duplicité urétrale ou l’abcès rénal chez l’enfant. D’autres communications ont détaillé la prise en charge de gangrènes de Fournier, soulignant l’importance d’une coordination rapide entre urgentistes, réanimateurs et chirurgiens pour éviter la morbidité.
Les intervenants ont par ailleurs insisté sur la vigilance face aux antibiotiques, en raison de résistances croissantes. La mise en place de comités d’antibiothérapie et d’audits réguliers a été présentée comme un outil stratégique pour harmoniser les prescriptions et préserver l’efficacité des traitements.
Trois leçons clés pour l’avenir
Au moment de la synthèse, le maître de conférences agrégé Stève Aristide Ondziel-Opara a dressé un tableau contrasté. Faible disponibilité d’équipements modernes coexiste avec un dynamisme scientifique manifeste. Il en ressort trois priorités: dépistage précoce, approche multidisciplinaire et renforcement des compétences techniques, notamment endoscopiques.
Selon lui, l’expérience accumulée pendant le congrès doit dépasser le cadre académique pour irriguer les structures périphériques. Des programmes de formation continue, adossés aux universités et aux sociétés savantes, pourraient accélérer la diffusion des bonnes pratiques et réduire les inégalités d’accès aux soins.
Vers une coopération renforcée
En clôturant les travaux, le professeur Alain Prosper Bouya a invité les délégations à capitaliser sur l’esprit de collaboration né à Brazzaville. Il a rappelé que l’urologie, discipline exigeante, nécessite passion et abnégation pour surmonter les défis structurels propres aux systèmes de santé africains.
Dans les mois à venir, la Société d’urologie du Congo ambitionne de proposer des webinaires trimestriels et des missions d’expertise dans les hôpitaux de province. Ces initiatives visent à pérenniser l’élan du congrès et à favoriser l’émergence d’une recherche collaborative régionale.
Plusieurs participants ont déjà annoncé la création d’un groupe de travail francophone sur le cancer de la prostate, chargé d’élaborer des recommandations adaptées aux réalités économiques. Les experts espèrent ainsi réduire le délai diagnostique et harmoniser les protocoles thérapeutiques d’un pays à l’autre.
Au-delà de la technique, le congrès a confirmé qu’une politique concertée de santé publique, portée par les gouvernements et soutenue par les sociétés savantes, demeure indispensable. Le rendez-vous est déjà fixé pour une troisième édition, avec l’espoir d’y présenter de nouveaux succès partagés.