Une tournée qui structure un consensus régional
L’escale de Gaborone, le 24 juillet 2025, a constitué l’apogée visible d’une offensive diplomatique amorcée la veille à Maputo. À chaque étape, Jean-Claude Gakosso, ministre des Affaires étrangères, de la Francophonie et des Congolais de l’étranger, décline un argumentaire calibré : au nom d’un continent trop souvent prescripteur d’idées mais sous-représenté à la tête des organisations multilatérales, l’heure est venue de propulser un dirigeant africain au sommet de l’UNESCO. Selon une source proche de la délégation, « le message se veut fédérateur plutôt que compétitif », l’objectif étant de consolider, en Afrique australe, un noyau dur de voix favorables dès le premier tour de scrutin à Paris.
L’argumentaire panafricain du Congo
Au-delà de l’adhésion bilatérale recherchée, Brazzaville valorise une dynamique transversale. Le ministre souligne « la nécessité pour l’UNESCO de parler avec l’Afrique et non uniquement de l’Afrique », formule désormais reprise par plusieurs chancelleries de la Communauté de développement de l’Afrique australe. Cette rhétorique, forgée en lien étroit avec la présidence de Denis Sassou Nguesso, repose sur une triple promesse : approfondir la diplomatie éducative, consolider la paix par la culture et densifier la coopération scientifique Sud-Sud. En coulisse, des négociateurs botswanais estiment que la démarche « épouse l’agenda 2063 de l’Union africaine », donnant au soutien à Matoko une résonance stratégique.
Le capital d’expérience de Firmin Édouard Matoko
Fonctionnaire international depuis près de trois décennies, l’actuel sous-directeur général pour la priorité Afrique de l’UNESCO se prévaut d’une expertise rarement égalée par les candidats issus du continent. Sa maîtrise des arcanes onusiennes, acquise notamment à la direction des partenariats stratégiques, se double d’une réputation de bâtisseur de consensus. « Il a su institutionnaliser la concertation africaine sans jamais céder au verbe nationaliste », analyse un expert du PNUD basé à Addis-Abeba. Son programme, déjà partagé aux États membres, combine réforme administrative et revitalisation intellectuelle : rationaliser la gouvernance, numériser les plateformes d’apprentissage et renforcer la restitution des biens culturels aux pays d’origine.
Mémoire des luttes et diplomatie symbolique
À Maputo, la délégation congolaise a déposé une gerbe sur le mausolée de Samora Machel, rappelant la solidarité historique entre Brazzaville et les mouvements anticoloniaux d’Afrique australe. Ce geste, très commenté par la presse mozambicaine, fait écho au chantier de l’Histoire générale de l’Afrique, porté par l’UNESCO et auquel Matoko a consacré plusieurs cycles de séminaires. D’après le ministère congolais de la Culture, « ancrer la campagne dans l’épaisseur mémorielle de la région légitime la voix du candidat et inscrit la démarche dans la continuité des idéaux universalistes de l’Organisation ».
Une chaîne diplomatique continentale
La séquence australe n’est qu’une première étape. Le relais doit passer, dans l’océan Indien, par Port-Louis, avant que le Premier ministre, Anatole Collinet Makosso, n’amorce une seconde phase en Afrique centrale et de l’Ouest. Libreville, Abidjan, Abuja, Ouagadougou, Monrovia et Djibouti figurent déjà sur l’agenda. Selon un diplomate ivoirien, la République du Congo « prépare méthodiquement un effet domino » : sécuriser un bloc africain solide afin de peser lors des négociations informelles avec l’Europe et l’Amérique latine, souvent décisives.
Vers une gouvernance multilatérale plus inclusive
Au-delà de la course électorale, cette campagne révèle la capacité du Congo à projeter une diplomatie d’influence qui conjugue expertise, mémoire et soft power. En inscrivant la candidature de Firmin Édouard Matoko dans une narration collective africaine, Brazzaville répond au défi contemporain d’une représentation équitable au sein des institutions globales. Plusieurs observateurs saluent ainsi « une pédagogie géopolitique » qui pourrait inspirer d’autres capitales du Sud. Reste que l’élection, prévue pour l’été 2025, exigera des arbitrages complexes. La stratégie congolaise mise sur la cohérence de l’argument africain et sur la crédibilité internationale du candidat pour franchir le rubicon d’une gouvernance multilatérale enfin décentrée.