Une missive raciste qui heurte la sphère parlementaire française
Le 11 juillet 2025, alors que la cinquantième session de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie battait son plein sous les lambris du Palais-Bourbon, Nadège Abomangoli, vice-présidente de l’Assemblée nationale, a publié sur le réseau X le fac-similé d’un courrier anonyme à la tonalité violemment raciste. L’auteur y nie la légitimité de l’élue, l’assignant à une altérité « noire » supposée incompatible avec la fonction. S’y dessine la survivance d’un imaginaire colonial où l’accès des personnes afrodescendantes à des positions d’autorité demeure perçu comme une intrusion.
Itinéraire d’une Franco-Congolaise entre Brazzaville et la République
Née à Brazzaville et formée en France, Nadège Abomangoli incarne une trajectoire transnationale devenue ordinaire dans la mondialisation, mais encore sujette à suspicion chez certains segments de la société. Son engagement à la tête du Groupe d’amitié France-République du Congo illustre la densité des liens historiques et humains qui unissent les deux rives. Le Congo-Brazzaville, fort d’une stabilité institutionnelle consolidée au fil des mandats du président Denis Sassou Nguesso, encourage depuis plusieurs années la mobilité étudiante et entrepreneuriale, nourrissant une diaspora qualifiée qui contribue au rayonnement réciproque des deux pays.
Réactions institutionnelles : de la condamnation politique à la solidarité citoyenne
La réponse ne s’est pas fait attendre. Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, a exprimé son « soutien total » à sa vice-présidente, rappelant que la Chambre basse est, par essence, l’espace où la nation se représente dans toutes ses diversités. Dans les couloirs du Palais, les élus de divers groupes ont condamné un « racisme décomplexé ». La scène renvoie à une fonction performative du discours politique : la dénonciation publique permet de désamorcer la tentative d’intimidation, instaurant une forme de pédagogie civique auprès de l’opinion.
Persistances postcoloniales et fabrique de l’altérité
Sur le plan sociologique, l’affaire s’inscrit dans la longue filiation des discriminations héritées de l’empire colonial. Les travaux de spécialistes de la citoyenneté montrent que la racialisation des figures d’autorité vise à préserver des hiérarchies symboliques (Bouamama, 2022). Le fantasme d’une « erreur de casting » reproché à l’élue témoigne d’une crispation identitaire accélérée par les réseaux sociaux, où la parole raciste trouve parfois un écho algorithmique. Or, la France demeure juridiquement fondée sur l’égalité républicaine ; l’écart entre principe et pratique nourrit un sentiment de dissonance chez les minorités visibles.
Diaspora congolaise, diplomatie populaire et fierté nationale
Dans les cafés associatifs de la Goutte-d’Or ou de Villeurbanne, la diaspora congolaise a suivi l’affaire avec un mélange de colère et de détermination. Les organisations de la société civile y voient l’occasion de renforcer le dialogue interculturel et de promouvoir, auprès des jeunes, le concept de soft power africain : changement de narratif par l’excellence académique et professionnelle. À Brazzaville, plusieurs voix officielles ont salué la dignité de l’élue franco-congolaise, soulignant qu’elle illustre la vitalité d’une élite binationale au service des deux peuples.
Le pouvoir des mots, la résilience démocratique
En répondant publiquement au courrier injurieux, Nadège Abomangoli inverse le stigmate. Sa réplique, inscrite dans la lignée des théories de la reconnaissance d’Axel Honneth, constitue un acte de subjectivation : elle rappelle que sa présence au perchoir n’est ni tolérée ni concédée, mais pleinement légitime. La séquence confirme que la République se rejoue aussi dans ces micro-événements où la parole raciste est confrontée à la résilience des institutions et des individus. Elle éclaire, enfin, la manière dont le partenariat franco-congolais se nourrit de destins personnels traversant les frontières et enrichissant les deux nations.