Un échange de haut niveau au cœur d’Abidjan
L’escale abidjanaise d’Isidore Mvouba, président de l’Assemblée nationale de la République du Congo, a mis en lumière l’intimité politique qui unit Brazzaville et Abidjan. Reçu par le chef de l’État ivoirien Alassane Ouattara dans le salon ivoire du palais présidentiel, le chef du perchoir congolais a transmis un message personnel de Denis Sassou Nguesso, centré sur la consolidation de la paix et la projection d’une Afrique capable de parler d’une seule voix. Selon des sources proches de la présidence ivoirienne, l’entretien – qui a duré plus d’une heure – a abordé les réformes institutionnelles en cours dans les deux pays et les potentialités d’une diplomatie parlementaire renforcée. L’atmosphère, relevée par la présence d’Adama Bictogo côté ivoirien et de Fernand Sabaye côté congolais, témoignait d’une convergence rarement démentie entre les deux capitales depuis l’époque où le président Houphouët-Boigny inspirait déjà les premiers pas de Denis Sassou Nguesso sur la scène internationale.
Le mémorandum : architecture et portée stratégique
Signé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale ivoirienne le 2 juillet, le mémorandum d’entente trace un cadre juridique de coopération « manus in manum », selon la formule d’Isidore Mvouba. Le texte prévoit la mise en place de groupes de travail mixtes, l’institutionnalisation de missions d’information réciproques et l’harmonisation de certaines procédures de contrôle parlementaire. En choisissant cet outil, les deux chambres optent pour la souplesse diplomatique plutôt que pour le carcan d’un traité classique : le document, non contraignant sur le plan constitutionnel, tire sa force de l’engagement politique mutuel et de la symétrie des enjeux identifiés – stabilité régionale, intégration des marchés et gouvernance environnementale.
Dialogue parlementaire et diplomatie de la paix
Le président congolais de l’Assemblée n’a pas éludé la dimension symbolique de l’accord : « On ne mange pas la paix, mais on mange mieux lorsqu’on est en paix », a-t-il rappelé en citant Denis Sassou Nguesso. Cette maxime, reprise par Adama Bictogo dans son allocution de clôture, illustre la volonté conjointe de faire du débat législatif un rempart contre les anomies politiques. En pratique, le mémorandum inscrit au calendrier une série de séminaires sur la médiation parlementaire dans les conflits électoraux, domaine où Brazzaville revendique une expertise acquise à travers son Conseil national de dialogue. À Abidjan, l’initiative est saluée par plusieurs observateurs comme un prolongement institutionnel du Forum de la Paix, présidé chaque année par Alassane Ouattara.
Convergence Sud-Sud face au défi climatique
Au-delà des impératifs sécuritaires, le texte met l’accent sur la lutte contre le réchauffement climatique. Le Congo, doté de la deuxième plus grande forêt tropicale du monde, et la Côte d’Ivoire, engagée dans un vaste programme de reforestation, entendent coordonner leurs positions dans les enceintes multilatérales, notamment dans la préparation des COP et des forums africains sur la finance verte. Denis Sassou Nguesso, souvent qualifié de « champion de l’écologie » sur le continent, dispose d’un capital diplomatique que les députés ivoiriens espèrent mobiliser pour faire reconnaître l’importance du bassin du Golfe de Guinée dans la régulation carbone planétaire. Concrètement, le mémorandum suggère la création d’un observatoire parlementaire conjoint sur les politiques climatiques, chargé de suivre l’application de l’Accord de Paris et de formuler des recommandations budgétaires.
Perspectives économiques et sociales du partenariat
Le volet économique n’est pas en reste : l’entente encourage la facilitation des échanges commerciaux à travers l’harmonisation des cadres fiscaux et la promotion des zones économiques spéciales. À Brazzaville, les commissions permanentes œuvrant sur la diversification de l’économie attendent de bénéficier du retour d’expérience ivoirien en matière d’agro-industrialisation et de bancarisation rurale. À l’inverse, la partie ivoirienne manifeste un intérêt croissant pour le corridor Congo-Océan, susceptible d’ouvrir de nouveaux débouchés portuaires à son secteur exportateur. Les enjeux sociaux ne sont pas éludés : la clause relative à l’équité de genre prescrit l’organisation d’ateliers visant à accroître la représentation des femmes dans les hémicycles, tandis que la jeunesse fait l’objet d’un programme d’échanges d’assistants parlementaires.
Cap sur la continuité institutionnelle
En paraphant le livre d’or de l’Assemblée ivoirienne, Isidore Mvouba a inscrit ce rapprochement dans une temporalité longue, rappelant que « le temps parlementaire est celui de la patience et de la mémoire ». La formule traduit la conscience que la crédibilité d’un mémorandum se mesure à la permanence des mécanismes qu’il initie. Les parties ont ainsi convenu d’un rapport annuel d’évaluation conjoint, mécanisme qui devrait dissuader l’effet d’annonce sans lendemain. Dans une sous-région en quête de stabilité, l’accord offre une démonstration que la diplomatie des peuples et la démocratie représentative peuvent aller de pair. Brazzaville et Abidjan, fortes de leur historicité partagée, entendent désormais faire de leur alliance législative un laboratoire d’intégration africaine, où la voix des parlements complète et enrichit celle des exécutifs.