Une dette sous surveillance
La dette publique du Congo-Brazzaville continue de focaliser l’attention des économistes comme des citoyens. Selon la Caisse congolaise d’amortissement, son encours atteignait 8 386,77 milliards de FCFA fin mai 2025, soit environ 96 % du produit intérieur brut.
Bien que l’encours ait légèrement progressé de 0,83 % en un mois, l’évolution révèle surtout une hausse vigoureuse des décaissements, passés à 301,89 milliards de FCFA. Les émissions de titres domestiques, en augmentation de 78,41 %, expliquent l’essentiel de ce renchérissement conjoncturel.
Composition et dynamique
La structure de la dette reste diversifiée : dette du marché 31,28 %; dette non conventionnée 22,03 %; créanciers bilatéraux non membres du Club de Paris 13,99 %; bailleurs multilatéraux 13,37 %; autres catégories se répartissant le reste du portefeuille.
Cette configuration traduit un recours marqué aux financements domestiques, qui représentent désormais près des trois quarts du service prévisionnel entre juin et décembre 2025. Pour la seule dette intérieure, la CCA prévoit 77,96 % des paiements, concentrés principalement sur le principal.
Cap sur 60 % du PIB
Le ministre des Finances, Christian Yoka, insiste sur la « priorité absolue » accordée à la soutenabilité budgétaire. « Notre trajectoire cible un ratio dette-PIB de 60 % d’ici 2029, condition essentielle pour pérenniser la croissance inclusive », a-t-il déclaré lors d’un Conseil des ministres.
La stratégie 2026-2028, en cours de finalisation, mise sur une discipline accrue des dépenses et une mobilisation renforcée des recettes non pétrolières. L’objectif est de libérer des marges de manœuvre pour l’investissement productif sans freiner l’effort social prévu par le Plan national de développement.
Réformes budgétaires clés
Les premiers signaux apparaissent dans l’exécution budgétaire : à fin mai, les charges financières atteignaient 418,9 milliards de FCFA, soit 186 % des prévisions annuelles, tandis que les paiements du principal absorbaient près de 89 % des sorties totales.
Pour contenir cette tendance, la Direction générale du Trésor privilégie des adjudications calibrées et un allongement de la maturité moyenne des obligations. L’idée est de lisser le profil de remboursement et de réduire la volatilité des flux de trésorerie liée aux échéances courtes.
Le ministère des Finances prépare ainsi la généralisation de la facture électronique, destinée à sécuriser le recouvrement de la TVA et à réduire la fraude. Des projets pilotes menés à Pointe-Noire ont déjà permis d’augmenter de 18 % les recettes fiscales constatées sur six mois.
Partenariats financiers et confiance
Le Fonds monétaire international juge la dynamique « surmontable » à la faveur du redressement des cours pétroliers et des réformes en cours. Le dernier rapport Article IV évoque néanmoins la nécessité d’une transparence accrue des passifs conditionnels et d’un suivi rigoureux des entreprises publiques.
Dans les couloirs du ministère du Budget, on souligne que chaque franc recouvré par l’administration fiscale équivaut à autant de ressources évitant un emprunt supplémentaire. La modernisation des systèmes d’information et la lutte contre l’érosion de l’assiette fiscale restent donc au centre des priorités.
Parallèlement, la Banque des États de l’Afrique centrale accompagne la stratégie en optimisant les outils de gestion de liquidité. Elle encourage notamment le recours aux marchés sous-régionaux afin de canaliser l’épargne institutionnelle vers les besoins de financement souverain à des conditions plus favorables.
Les acteurs du secteur privé saluent cette orientation. « Un État solvable rassure les investisseurs, crée un climat prévisible et facilite les consortiums public-privé », observe Mireille Nkouka, analyste financière à Brazzaville. Selon elle, la baisse du risque souverain pourrait abaisser le coût moyen du capital.
La Banque mondiale, la Banque africaine de développement et l’Union européenne soutiennent techniquement ces initiatives. Leurs programmes conjoints prévoient des guichets de facilitation pour les PME, favorisant l’élargissement de l’assiette et la création d’emplois qualifiés, indispensable pour stabiliser les recettes à moyen terme.
Enjeux macroéconomiques et sectoriels
Néanmoins, plusieurs économistes rappellent que l’économie reste sensible à la volatilité pétrolière. Une chute prolongée des prix du baril réduirait mécaniquement les recettes et compliquerait la trajectoire de désendettement. D’où l’importance continuelle de diversifier les sources de croissance vers l’agriculture, l’industrie et les services.
Au-delà de la macroéconomie, la gestion de la dette se veut un outil de cohésion sociale. Les économies réalisées sur les intérêts doivent financer la santé, l’éducation et les infrastructures rurales, éléments indispensables pour transformer la richesse minière en progrès humain durable.
Le gouvernement mise également sur la diplomatie économique pour renégocier certains termes avec les créanciers officiels, tout en préservant la confiance du marché. La récente réduction de pénalités avec un groupe de partenaires asiatiques illustre cette approche pragmatique, jugée « responsable » par les observateurs.
Perspectives économiques inclusives
À l’horizon 2029, la trajectoire de 60 % du PIB apparaît ambitieuse mais crédible, à condition de maintenir la cadence des réformes et de consolider la discipline budgétaire. Pour beaucoup de Congolais, l’enjeu dépasse les chiffres : il s’agit d’ouvrir un nouveau cycle de prospérité partagée.
En définitive, la réduction de la dette publique congolaise ne constitue pas qu’une opération comptable : elle reflète une ambition politique de long terme. Le pari est que chaque point de pourcentage gagné sur la dette libèrera des ressources pour financer l’avenir du pays.