La diversification, exigence nationale
Au forum Vox Eco tenu le 13 novembre à Brazzaville, la diversification économique a été élevée au rang d’« exigence nationale ». Portée par le ministre de la Coopération internationale, Denis Christel Sassou Nguesso, cette orientation dessine une nouvelle feuille de route partagée.
Devant dirigeants d’entreprises, financiers et étudiants, le ministre a souligné que l’objectif dépasse la simple nécessité macroéconomique : il s’agit, selon lui, de rééquilibrer les efforts entre un État concentré sur le social et un secteur privé moteur des infrastructures.
« Pour que cela fonctionne, l’État doit concentrer ses ressources sur l’éducation, la santé et les services essentiels, tandis que les entreprises porteront les projets créateurs d’emplois », a-t-il déclaré, rappelant que la croissance durable dépend du dynamisme entrepreneurial.
Un large consensus s’est dégagé dans l’amphithéâtre : la République du Congo ne peut plus s’appuyer exclusivement sur le pétrole. Agriculture, services numériques, finance et hôtellerie ont déjà commencé à prendre le relais, indiquent les chiffres présentés par le ministère de l’Économie.
L’État gardien du social
Le plan gouvernemental repose sur un environnement juridique rénové. La loi 88-2022, complétée en 2024 par ses décrets d’application, encadre les partenariats public-privé. Objectif : offrir visibilité, transparence et sécurité juridique aux investisseurs nationaux ou internationaux intéressés.
Denis Christel Sassou Nguesso a reconnu que la confiance s’est parfois érodée, notamment lors d’épisodes économiques difficiles. Restaurer cette confiance passe, selon lui, par une gouvernance rigoureuse, un suivi précis des projets et un partage équilibré des risques.
Partenariats public-privé en action
Plusieurs chantiers illustrent déjà le recours aux PPP : modernisation du port de Pointe-Noire, oléoduc reliant la côte à Maloukou-Tréchot, digitalisation du commerce extérieur, zones économiques spéciales et système automatisé de gestion des infractions routières.
Ces projets, a-t-il insisté, doivent se traduire par des emplois durables et l’essor de pôles industriels régionaux, afin de réduire les inégalités territoriales et de renforcer la compétitivité du territoire congolais dans l’espace CEMAC.
Financer l’élan économique
La question du financement reste néanmoins centrale. Mobiliser l’épargne intérieure, attirer les capitaux étrangers et élargir la bancarisation constituent, d’après le ministre, les trois leviers décisifs. Il appelle également à séduire davantage les fonds souverains pour des co-investissements stratégiques.
« Notre succès dépendra de la capacité collective à innover dans le financement », a-t-il ajouté, évoquant la nécessité d’assurer transparence et traçabilité tout au long du cycle d’investissement, de la structuration jusqu’au remboursement contractuel.
Croissance hors pétrole
Le ministre de l’Économie, du Plan et de l’Intégration régionale, Ludovic Ngatsé, a complété le tableau macroéconomique. Après une décennie 2010 marquée par la volatilité, le Congo affiche en 2023-2024 une croissance avoisinant 2 %, attendue à 3 % en 2025.
Cette reprise, selon Ludovic Ngatsé, est déjà tirée majoritairement par l’agriculture, les services financiers, l’hôtellerie et les nouvelles technologies. Le pétrole, bien que toujours important, cède progressivement sa place aux autres secteurs qui porteront l’expansion future.
À moyen terme, le ministère table sur une concurrence saine entre hydrocarbures et activités non pétrolières. Le défi n’est donc pas seulement de diversifier, mais de maintenir un équilibre permettant de soutenir les finances publiques tout en créant des emplois.
Une mobilisation collective
Pour Verone Mankou, président-directeur général de Vox Congo, la solution passera par une synergie renforcée entre pouvoirs publics, entreprises, ONG et institutions d’appui. Les forums Vox Eco entendent faciliter le dialogue et offrir une vitrine aux initiatives innovantes.
« On ne peut pas réinventer notre économie avec le seul pétrole », a-t-il rappelé. Cette conviction alimente la troisième édition de l’événement, tenue sous le thème « Financer la diversification économique du Congo », réunissant décideurs et chercheurs.
Les participants ont partagé des retours d’expérience sur l’accès au crédit, les garanties publiques et la structuration des projets agricoles. Ils ont également insisté sur la formation professionnelle, indispensable pour adapter la main-d’œuvre aux nouveaux besoins.
Au-delà des chiffres, l’enjeu est sociétal. En réallouant les ressources vers l’éducation et la santé, l’État renforce le capital humain, condition sine qua non pour que les investissements productifs se traduisent en valeur ajoutée et en inclusion.
Le gouvernement assure qu’il respectera cet engagement social, convaincu qu’une population mieux formée soutient un marché intérieur robuste, capable d’absorber la production locale et de réduire la dépendance aux importations de biens de première nécessité.
Les défis ne manquent pas : volatilité des prix mondiaux, résistance de certaines habitudes administratives et concurrence régionale accrue. Pourtant, le cadre législatif renouvelé et la dynamique du secteur privé ouvrent, selon les intervenants, une fenêtre d’opportunité historique.
Les prochains mois seront déterminants. Si les financeurs répondent présent et si la gouvernance promise se matérialise, la diversification pourrait passer du slogan à la réalité terrain, transformant le paysage économique de la République du Congo de façon durable.
