Un don sportif porteur de sens
Le village d’Oubouesse, niché à quelques kilomètres de Mossendjo, a récemment vécu une journée hors du commun. Le professeur Jean de Dieu Bolzer Nzila y a livré plusieurs sacs d’équipements de football destinés aux adolescents du terroir.
Le geste, salué par les autorités locales, dépasse le simple cadeau matériel. En mobilisant sa notoriété universitaire, l’enseignant-chercheur veut, selon ses mots, « ouvrir un horizon » aux jeunes qui rêvent souvent de carrière sans disposer d’outils adéquats.
Ballons, chasubles, filets et jeux de maillots ont été assemblés avec rigueur. Leur qualité répond aux standards des tournois régionaux, preuve de la volonté d’offrir une expérience digne aux joueurs et d’encourager la discipline technique dès l’entraînement quotidien.
Aux abords du terrain communal, chants et vuvuzelas ont accompagné la remise symbolique. Plusieurs anciens footballeurs de Mossendjo, désormais fonctionnaires ou entrepreneurs, sont venus rappeler qu’un équipement approprié constitue souvent le point de départ d’une trajectoire épanouissante.
Le ballon rond, outil de cohésion sociale
Dans le Niari, le football est bien plus qu’un loisir ; c’est une scène où se négocient identité collective et équilibre intergénérationnel. Chaque week-end, les villages voisins se rencontrent, échangent des nouvelles, scellent alliances ou rivalités dans la plus pacifique des arènes.
Les sciences sociales soulignent comment le sport contribue à la formation de capitaux sociaux. Les rencontres régulières renforcent les réseaux de solidarité, réduisent les tensions foncières et permettent aux jeunes de tisser des liens avec les élites administratives présentes lors des tournois.
Dans ce contexte, l’initiative de Bolzer Nzila devient un micro-laboratoire. En injectant des ressources matérielles, elle amplifie la fréquence des matchs et ouvre la possibilité d’un championnat interne, stimulant ainsi la circulation d’idées et l’appropriation de normes de fair-play.
Le maire de Mossendjo a rappelé que la paix locale passe par la participation des jeunes aux activités structurées. L’appel rejoint la stratégie gouvernementale d’inclusion par le sport, mise en avant lors des dernières Assises nationales de la jeunesse à Brazzaville.
Mémoire familiale et leadership local
La cérémonie s’est déroulée à proximité de la nouvelle pierre tombale élevée en mémoire du chef traditionnel Piolé, Joseph Nzila Lipouma. Par ce double acte, le professeur réactive le lien entre mémoire lignagère et service communautaire, deux piliers de la gouvernance coutumière.
Interrogé, Bolzer Nzila explique que l’héritage ne se résume pas à des symboles funéraires. « Honorer mon père, c’est aussi contribuer à l’épanouissement de la jeunesse qu’il protégeait », confie-t-il, inscrivant son action dans la continuité d’un leadership bienveillant.
Plusieurs sociologues estiment que la responsabilité sociale des élites locales renforce la légitimité institutionnelle. En se positionnant comme donneur, le professeur renoue avec la tradition du patronage éclairé, qui, sans remplacer l’État, complète son action auprès des populations.
Sur place, les notables ont rappelé que les infrastructures publiques restent sous tension budgétaire. Tout apport externe, qu’il provienne d’un entrepreneur, d’un religieux ou d’un académique, constitue dès lors un facteur catalyseur pour la réalisation des objectifs de développement local.
Impact mesurable sur la jeunesse
À peine les cartons ouverts, improvisations et passes courtes ont envahi la poussière du terrain. Les entraîneurs bénévoles ont déjà programmé un tournoi interquartiers pour les vacances, avec fiches d’inscription, suivi médical et ateliers sur la prévention des conduites addictives.
À Oubouesse, le taux de décrochage scolaire a baissé ces trois dernières années, selon le chef de centre d’examen. Plusieurs enseignants attribuent cette amélioration à la multiplication des compétitions sportives, qui valorisent l’assiduité comme condition préalable à la sélection.
L’influence se mesure aussi à travers la santé publique. Un infirmier du district note une diminution des consultations liées à l’oisiveté juvénile, remplacées par des blessures bénignes de terrain, plus faciles à traiter et moins anxiogènes pour les familles.
Sur les réseaux sociaux, les jeunes joueurs diffusent désormais leurs performances filmées via smartphones, alimentant un sentiment d’appartenance élargi. L’image d’un Niari dynamique circule jusqu’à Pointe-Noire, attirant l’attention de recruteurs et de sponsors potentiels sensibles à ces récits positifs.
Vers un modèle de solidarité durable
Au-delà de l’effet d’annonce, l’enjeu réside dans la pérennisation. Le comité de gestion du matériel met en place un cahier de suivi, validé par le conseil de village, afin de garantir équité d’accès et longévité des équipements souvent fragilisés par le climat.
Des partenariats sont envisagés avec l’Inspection départementale des sports pour former des arbitres et obtenir des subventions dédiées à la réfection du terrain. Cette approche multi-acteur correspond aux recommandations formulées par l’Union africaine sur la gouvernance du sport communautaire.
À Mossendjo, plusieurs entreprises forestières ont déjà manifesté un intérêt. Leur participation pourrait financer un championnat inter-sociétés, créant des espaces de dialogue entre ouvriers et riverains. Une telle synergie répondrait également aux exigences de responsabilité sociétale émises par les bailleurs internationaux.
En combinant mémoire, éducation et sport, l’initiative de Jean de Dieu Bolzer Nzila dessine une trame de développement inscrite dans le long terme. Elle montre qu’un simple ballon peut faire rebondir l’espoir et consolider la paix du Niari au Congo.