Premiers coups de sifflet prometteurs
Depuis les gradins fraîchement repeints du stade Ornano, la clameur qui accompagne chaque passe d’un U13 tranche avec les sirènes qui, ailleurs, rappellent la présence de petites bandes désœuvrées. C’est précisément ce contraste que vise à réduire le nouveau tournoi lancé début août.
Portée par le Commandement des Forces de Police et le Club Omnisports de Brazzaville, la compétition rassemble seize équipes réparties entre pousses de moins de treize ans et promesses de moins de vingt ans, pour des matches calibrés afin de privilégier l’intensité plutôt que l’épuisement.
Le ministre de l’Enseignement technique et professionnel, Ghislain Thierry Maguessa Ebomé, a donné le coup d’envoi, rappelant que « l’école ne s’arrête pas aux murs des classes, elle se poursuit sur les rectangles verts où l’on apprend le dépassement de soi ».
À ses côtés, le général André Fils Obami Itou, patron des Forces de Police, a insisté sur « la dimension préventive » de l’événement, tandis que Michrist Kaba Mboko, du Conseil consultatif de la jeunesse, voyait déjà « un laboratoire de citoyenneté en pleine action ».
Le stade Ornano, laboratoire de citoyenneté
Symbole d’une capitale en mutation, le stade militaire ouvre volontiers ses portes aux acteurs civils. La décision du chef d’État-major de mettre l’enceinte à disposition traduit, selon l’officier Hugues Ondongo, « un acte de foi envers la jeunesse congolaise » plutôt qu’un simple prêt d’infrastructures.
Au-delà du rectangle vert, la présence visible des policiers encadrant les tribunes matérialise un changement de posture : uniformes et crampons cohabitent, illustrant une force publique à l’écoute, loin de l’image répressive associée aux opérations de sécurisation des quartiers périphériques.
Une architecture sportive pensée pour l’unité
Le format retenu, deux manches de vingt-cinq minutes pour les U13 et trente-cinq pour les U20, privilégie la rotation des effectifs. Chaque joueur, même remplaçant, est assuré de fouler la pelouse, renforçant l’idée d’inclusion et limitant la marginalisation interne aux équipes.
La sélection des seize clubs répond à un maillage géographique : chacun vient d’un arrondissement différent de Brazzaville ou de la proche périphérie. Cette cartographie, calculée par les organisateurs, veut favoriser des rencontres entre jeunes qui, souvent, ne sortent guère de leur quartier.
Les finales, disputées sur des durées allongées, devraient attirer les recruteurs locaux. Pour les adolescents, c’est l’espérance secrète d’intégrer un centre de formation reconnu ; pour les éducateurs, c’est le prétexte idéal pour aborder la notion de mérite et de travail collectif.
Le pari d’une pédagogie par le ballon rond
Si la promesse sportive est attractive, le discours institutionnel insiste sur la prévention. Les ateliers programmés durant les pauses abordent les dangers de la consommation précoce d’alcool, les risques liés aux réseaux sociaux ou encore les dispositions juridiques concernant les violences urbaines.
Le sociologue Rodrigue Mayombo, observateur régulier des compétitions de jeunesse, rappelle que « l’identité collective se construit aussi par la victoire partagée et l’acceptation de la défaite ». Selon lui, associer le commissariat central à l’initiative renforce la légitimité de ces messages.
Dans les vestiaires, les coachs s’emploient à traduire ces notions en consignes simples : passer, encourager, ne pas céder à la provocation. Même les cartons, souvent mal compris à ces âges, deviennent ici outils de cours d’instruction civique dispensés sur la touche.
Paroles de terrain
Kevin, milieu de terrain U20 issu de Makélékélé, confie qu’il « ne voyait jamais Mfilou autrement qu’en adversaire ». Après un premier match nul, il a échangé contacts et photos avec ses rivaux d’hier ; un geste anodin qui tord le cou au cloisonnement territorial.
Pour Sonia, éducatrice depuis dix ans à Talangaï, la plus-value est ailleurs : « Nous repérons les caractères impulsifs et leur proposons un suivi psychologique gratuit assuré par des partenaires associatifs ». Elle estime que trois semaines d’accompagnement suffisent souvent à éviter une bascule vers les petits délits.
Du côté des forces de l’ordre, le commissaire Arnaud Moussavou note la chute des interpellations juvéniles pendant la durée du tournoi : « L’occupation positive du temps libre reste notre meilleure alliée. Les chiffres parlent, la répression n’a pas toujours le dernier mot ».
Perspectives et héritages attendus
Le tournoi s’achèvera le 10 août, mais les organisateurs espèrent prolonger l’aventure par un championnat semestriel adossé au calendrier scolaire. La réflexion porte déjà sur la création d’un pass sportif offrant des réductions de transport et un suivi médical renforcé pour les participants.
À plus long terme, le ministère des Sports étudie l’intégration des tournois U13 et U20 dans le programme national de détection. Les techniciens y voient un vivier brut que seuls le travail et la stabilité pourront affiner, desserrant l’étau du rêve d’exil précoce.
Pour les autorités, l’enjeu dépasse la seule professionnalisation : il s’agit d’amplifier une dynamique de cohésion qui fait école dans d’autres départements. Déjà, Dolisie et Pointe-Noire annoncent des répliques de l’initiative, preuve que le ballon rond demeure un langage commun.
En attendant, les gradins continuent de vibrer sous les chants de supporters miniatures. Chaque passe réussie, chaque tacle correct rappelle qu’ici, l’enfance ne se conjugue pas avec la violence. Au stade Ornano, la délinquance se défend à coups de dribbles.