Un jalon stratégique pour la sécurité énergétique
Sous le soleil matinal de Brazzaville, la coupure du ruban a résonné comme un symbole. En réceptionnant les nouveaux hangars de stockage d’Energie électrique du Congo (E2C), le ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, Émile Ouosso, a affirmé « qu’aucun développement industriel n’est possible sans un réseau fiable et prévisible ». Derrière la formule, se dessine la volonté des autorités de consolider un secteur souvent soumis aux aléas climatiques et logistiques.
Les deux sites, Itatolo pour la région Centre-Nord et Mongo-Kamba II pour le littoral et le Sud, doivent doter la compagnie nationale de capacités de réserve adaptées aux exigences d’un pays en plein essor démographique. Dans un contexte où la consommation d’électricité est appelée à croître de 6 % par an selon les projections du ministère, sécuriser la chaîne d’approvisionnement en transformateurs et pièces sensibles devient un impératif stratégique.
Un financement franco-congolais de long terme
Le projet émane d’une convention signée en juillet 2015 entre la République du Congo et l’Agence française de développement. D’un montant de 70 millions d’euros, soit près de 46 milliards de francs CFA, ce programme accompagne le plan d’investissement prioritaire de l’ex-Société nationale d’électricité, devenue E2C lors de la réforme de 2018. Pour les autorités congolaises, il illustre la pertinence d’un partenariat public-public fondé, selon le directeur Afrique centrale de l’AFD, sur « la mutualisation des risques et la poursuite d’objectifs partagés de développement durable ».
La partie congolaise a piloté la maîtrise d’ouvrage tandis que l’AFD a apporté une expertise en gestion de projet et en veille environnementale. Cette articulation témoigne de la maturité croissante des institutions locales, régulièrement saluée par les bailleurs pour leur capacité d’absorption financière.
Des infrastructures calibrées pour le climat équatorial
Techniquement, chaque site comprend deux hangars distincts. Le premier, d’une superficie excédant 1000 m², accueille les transformateurs haute tension dont le poids peut dépasser quarante tonnes. Le second est dédié aux équipements contenant des gaz isolants, rangés dans des cellules à ventilation contrôlée afin de limiter tout risque de fuite toxique.
Dans une région marquée par une hygrométrie élevée, ces entrepôts ont été conçus avec des bardages anti-corrosion et un système de drainage adapté aux pluies diluviennes. L’entreprise congolaise Central BTP, adjudicataire du chantier, souligne que la construction « a mobilisé plus de 85 % de matériaux issus de la filière locale », gage d’un ancrage industriel stimulant pour les PME nationales.
Des retombées socio-économiques au-delà du secteur électrique
Outre la fiabilité du service, les autorités mettent en avant les effets induits sur l’emploi. Plus de 200 ouvriers ont été recrutés durant les quinze mois de travaux, auxquels s’ajoutent vingt-cinq postes permanents consacrés à la logistique et à la maintenance préventive. « Chaque transformateur convenablement stocké, c’est autant de coupures évitées pour les petites entreprises qui dépendent du réseau », insiste un responsable de la Chambre de commerce de Brazzaville.
La démarche s’inscrit dans la stratégie nationale de diversification économique, qui prévoit de faire des corridors énergétiques des catalyseurs de croissance. En réduisant les délais d’intervention sur les lignes, E2C entend accroître la disponibilité de l’énergie et, par ricochet, encourager l’implantation d’industries agroalimentaires ou minières en zones partenaires.
Vers une maintenance rationalisée et durable
Au-delà des infrastructures, le projet repose sur la mise en place d’un système informatisé de traçabilité des pièces. Chaque entrée ou sortie de stock est désormais consignées dans une base de données centralisée, accessible aux centres régionaux d’exploitation. Cet outil facilitera l’anticipation des ruptures et la programmation des interventions, réduisant les coûts grâce à une maintenance prédictive.
La dimension environnementale n’a pas été négligée : un protocole strict encadre la manipulation et le recyclage des fluides isolants, conformément aux conventions de Bâle et de Stockholm. Pour le ministre Ouosso, ces procédures démontrent que « la modernisation peut rimer avec responsabilité écologique », message en phase avec les engagements réitérés par le chef de l’État Denis Sassou Nguesso lors des derniers sommets climatiques.
À l’heure où plusieurs États de la sous-région militent pour un marché électrique intégré, ces hangars offrent au Congo-Brazzaville un avantage comparatif certain. Ils constituent, enfin, le socle logistique indispensable à l’extension future des lignes de 225 kV vers la République centrafricaine et le Gabon, projets déjà inscrits dans les feuilles de route de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale.