Un crime politique transnational
L’assassinat de Yaya Dillo, ancien président du Parti Socialiste Sans Frontières (PSF) du Tchad, ne s’est pas confiné aux arcanes tchadiennes. Le silence assourdissant des autorités locales a poussé la famille de la victime à chercher justice à l’international. En déposant une plainte en France, le frère de la victime, Ousmane Dillo, tente de briser l’omerta imposée par un régime tchadien peu enclin à répondre de ses actes. Cette initiative repose sur la juridiction universelle, où les ressortissants français pourraient être impliqués, exploitant ainsi l’article 113-6 du code pénal français, qui permet de juger tout crime commis par un citoyen français à l’étranger.
La stratégie de la justice française
Face aux carences manifestes du système judiciaire tchadien, la décision de saisir la justice française s’impose comme une nécessité pour Ousmane Dillo. L’objectif est clair : faire toute la lumière sur des implications complexes, mêlant possibles binationaux franco-tchadiens dans ce meurtre. Les avocats de Dillo, Charles Stéphane Marchiani et Pierre Masquart, soulignent que d’importants éléments de preuve manifestent la complicité de certaines personnalités ayant la double nationalité. Leur stratégie consiste non seulement à exploiter ce dossier juridiquement en France, mais aussi à appeler le parquet parisien à engager une enquête approfondie.
Tchad : un État de droit en déliquescence
Malgré la promesse initiale des dirigeants tchadiens de lancer une enquête indépendante, le mutisme persiste. Le président de l’époque, ainsi qu’un Premier ministre désormais emprisonné, avaient pourtant fait ces promesses après le drame, consolidant ainsi le scepticisme autour de la sincérité des intentions gouvernementales. Selon Human Rights Watch, aucune enquête n’a vu le jour, témoignage poignant de l’érosion des mécanismes de justice au Tchad. Le corps de Yaya Dillo, enterré sans subir l’autopsie requise, et les scènes du crime rapidement détruites, illustrent le mépris des normes internationales, exacerbée par l’inaction de la justice tchadienne à engager des poursuites.
L’impact des initiatives internationales
En l’absence de progrès sur le terrain tchadien, l’épouse de Dillo et le PSF ont choisi de porter la cause devant les tribunaux français. En parallèle, d’autres efforts ont conduit à l’implication des Nations Unies. Les rapporteurs spéciaux de l’ONU ont été sollicités, leur mandat transcendant les frontières nationales pour faire pression sur le gouvernement de Ndjamena. Ces initiatives internationales visent à exposer l’inaction et les violations, mettant particulièrement en exergue les manquements dans l’affaire de Robert Gam, un autre membre PSF enlevé puis libéré après une réaction houleuse à Genève.
Un espoir de justice au-delà des frontières
Pour la famille Dillo, il ne s’agit pas seulement de justice, mais de maintenir l’espoir que de telles barbaries ne soient plus tolérées ou impunies. Ils espèrent non seulement que ces actions aboutiront à des poursuites judiciaires, mais qu’elles établiront également un précédent juridique au Tchad où ni l’intimidation ni l’exécution extrajudiciaire ne pourront plus avoir lieu sans répercussions. En engageant la pression internationale et en attirant l’attention globale, cette affaire incarne l’ultime combat pour la liberté d’expression et la protection judiciaire dans un pays où souvent, la vie d’un opposant politique peut se solder par un silence meurtrier.