Un rendez-vous inédit pour l’enfance en danger
Sous les palmiers de Brazzaville, le Réseau des intervenants sur le phénomène des enfants de rupture a ouvert le festival Arcade, dédié aux droits des enfants vivant dans la rue. La rencontre précède la Journée mondiale de l’enfance du 20 novembre et se veut un temps fort de mobilisation nationale.
En lançant cet événement, le Reiper et ses vingt-deux organisations membres entendent rappeler qu’un enfant privé de cadre familial demeure un citoyen à part entière. « Le festival offre une tribune à ceux que l’on entend rarement », résume Joseph Likibi, coordonnateur du réseau.
Un partenariat public-privé assumé
Le ministère en charge des Affaires sociales soutient l’initiative. Christian Mabiala, son directeur général, a souligné à l’ouverture l’importance de la prévention pour éviter que les enfants ne s’installent durablement dans la rue. Il a exhorté les structures d’accueil à travailler dans la légalité et à favoriser les sorties positives.
La présence de la Fondation Apprentis d’Auteuil et le concours financier de l’Agence française de développement illustrent la dynamique de partenariat qui caractérise le projet Arcade. Les organisateurs insistent : chaque acteur, public ou privé, détient une pièce du puzzle protecteur.
Table ronde : violences et réponses collectives
Première séquence du festival : une table ronde consacrée à la protection des enfants contre les violences. Autour de la même table, responsables étatiques, gendarmes, policiers, travailleurs sociaux et associations ont confronté leurs pratiques, souvent complémentaires, parfois méconnues les unes des autres.
Les intervenants ont convergé : l’arsenal juridique existe, mais son application requiert coordination et vigilance. Des pistes de formation croisée ont été évoquées pour mieux orienter les signalements, renforcer l’accueil d’urgence et améliorer la traçabilité des cas de maltraitance.
La police et la gendarmerie en première ligne
Les officiers de la Force publique ont détaillé leur rôle dans la prévention des violences. « Nous intervenons avant que l’infraction ne se produise, par la dissuasion et la médiation », a expliqué un capitaine de police, insistant sur la nécessité d’un dialogue permanent avec les éducateurs de rue.
Du côté de la gendarmerie, l’accent est mis sur la coopération interservices. Des cellules spécialisées, créées ces dernières années, centralisent les plaintes liées aux atteintes aux mineurs pour un traitement rapide. Les participants ont salué ces avancées et demandé un renforcement des effectifs formés à la protection de l’enfance.
Plaidoyer : faire vivre les textes
Les journées suivantes se consacrent au plaidoyer. Objectif : rappeler la portée de la Convention relative aux droits de l’enfant et des textes nationaux. Des modules de sensibilisation sont proposés aux passants sur l’avenue de la Paix, afin que chacun connaisse les numéros d’alerte et les structures d’accueil.
« Le droit ne doit pas rester un livre fermé », martèle une travailleuse sociale. Pour matérialiser ce message, des stands interactifs proposent de reconstituer le parcours d’un enfant de rue, étape par étape. Le public mesure ainsi les obstacles administratifs et psychologiques qu’il affronte quotidiennement.
Former pour prévenir la récidive de la rue
Le Reiper mise sur la formation continue des travailleurs sociaux. Ateliers pratiques et échanges d’expériences ponctuent le festival, afin d’harmoniser les méthodes d’intervention. Les participants insistent sur l’importance de l’accompagnement individuel et des ponts avec l’école ou l’apprentissage.
Plusieurs témoignages rappellent que la sortie de rue reste fragile sans perspectives éducatives. Un ancien bénéficiaire, désormais apprenti mécanicien, raconte avoir été « sécurisé » par un éducateur qui ne l’a jamais lâché. « J’ai compris que quelqu’un croyait en moi », confie-t-il, suscitant une vive émotion dans l’assistance.
Solidarité nationale et diaspora mobilisée
Au-delà de Brazzaville, le Reiper souhaite étendre la mobilisation aux autres grandes villes et à la diaspora congolaise. Des messages vidéo, projetés chaque soir du festival, relaient des engagements financiers ou matériels venus de Pointe-Noire, de Paris ou de Montréal.
Cette solidarité multiscalaire conforte les organisateurs dans leur volonté de pérenniser le festival Arcade. « Nous ne voulons pas d’un feu de paille », souligne Joseph Likibi. Selon lui, l’enjeu réside désormais dans la création d’un fonds permanent pour soutenir les programmes d’écoute et de réinsertion.
Perspectives : une stratégie nationale renforcée
Les discussions ont fait émerger la proposition d’un protocole interministériel sur les enfants en situation de rue. Le document, actuellement en chantier, préciserait les responsabilités de chaque administration, de la collecte de données à la prise en charge sanitaire.
Christian Mabiala assure que le ministère des Affaires sociales étudiera les recommandations issues du festival. « L’État restera vigilant et ouvert à l’innovation », a-t-il affirmé, rappelant que la protection de l’enfance constitue un pilier des politiques sociales inscrites dans le Plan national de développement.
Un rendez-vous annuel déjà attendu
À l’issue des trois jours, l’idée d’institutionnaliser le festival Arcade fait consensus. Les partenaires envisagent une édition élargie aux pays voisins, afin de partager les bonnes pratiques dans la sous-région, où la mobilité des enfants de rue appelle des réponses coordonnées.
En attendant, le Reiper poursuivra ses actions de terrain, de la distribution de kits d’hygiène à l’orientation scolaire, tout en capitalisant sur les outils pédagogiques présentés. « Nous voulons que l’enfant soit vu comme un sujet de droit, pas comme un problème », rappelle la coordinatrice d’un centre d’accueil.
