Pointe-Noire électrisée par le Fima
Trois nuits durant, Pointe-Noire a vibré sous l’égide du Festival international de musique et des arts, dont la douzième édition s’est achevée le 14 septembre. L’ambiance, unanimement saluée, a confirmé la place majeure de ce rendez-vous culturel dans la cité océane.
Du premier riff de guitare aux ultimes pas de danse, les artistes ont dressé un pont sonore et visuel entre générations, rappelant que la musique reste au Congo-Brazzaville un langage partagé, au-delà des origines et des quartiers.
Trois soirées, trois atmosphères
La première soirée a mêlé défilés de mode et performances acoustiques. Les sapeurs, incontournables à Pointe-Noire, ont déployé leurs couleurs vives sous les projecteurs, tandis que des voix intimistes invitaient le public à une écoute presque feutrée.
Le lendemain, l’humour a pris le relais. Des comédiens locaux, portés par un sens aiguisé de l’autodérision, ont esquissé des tableaux du quotidien port-nocéen, déclenchant rires et apartés complices dans une salle comble au Cercle culturel.
Enfin, la troisième nuit, le groupe Feu des Stars a littéralement mis le feu. Percussions rauques, cuivres incandescents et chœurs enivrants ont transformé la place du festival en vaste piste, scellant l’édition dans une euphorie collective.
Un creuset artistique pour la ville océane
Depuis son lancement, le Fima avance l’idée que la culture peut souder les communautés portuaires. Pointe-Noire, carrefour pétrolier, y trouve une respiration citoyenne, loin des discussions parfois techniques du quai et des terminaux.
Pour les jeunes, le festival constitue aussi un laboratoire d’apprentissage. Stages lumière, ateliers son et cours d’écriture rap attirent chaque année des lycéens curieux, souvent repérés ensuite par les maisons de production régionales.
L’édition 2023 a ainsi mobilisé plus d’une centaine de bénévoles, témoignant d’un engagement citoyen croissant. « Chaque badge orange est une promesse de sourire », glisse Mireille, responsable de l’accueil, fière d’avoir accompagné cette aventure collective.
Des retombées sociales à saluer
Hôteliers, restaurateurs et chauffeurs de taxi reconnaissent une hausse de fréquentation durant les trois jours. Selon l’Union patronale locale, l’activité touristique a progressé de 18 % par rapport à la même période l’an passé, un souffle bienvenu.
Au-delà des chiffres, le festival renforce le sentiment d’appartenance à la ville. De nombreux spectateurs venant des quartiers périphériques se sont dits surpris par la qualité de la sonorisation, élément longtemps jugé perfectible dans les grands événements.
Les autorités locales, représentées par le maire de Pointe-Noire, ont salué un « exemple de collaboration publique-privée » qui révèle la vocation hospitalière de la cité. L’édition a bénéficié d’un accompagnement logistique municipal notable, notamment pour la sécurisation des accès.
La mission culturelle de Médard Mbongo
À l’heure du bilan, le promoteur Médard Mbongo se veut pragmatique. « Chaque édition doit surprendre sans renier nos racines », explique-t-il, entouré de son équipe qui range les derniers flight-cases avec la satisfaction du devoir accompli.
Sous sa houlette, le Fima a gagné en réputation, attirant désormais des professionnels de Kinshasa, Libreville ou Abidjan. Cette visibilité régionale conforte l’idée d’un hub artistique au sud-ouest du Congo-Brazzaville, ouvert sur le Golfe de Guinée.
Mbongo insiste toutefois sur la nécessité de financements pérennes. Si les partenariats privés se consolident, l’appui institutionnel demeure crucial pour maintenir le haut niveau technique qui fait la signature sonore du festival, notamment des consoles numériques récentes.
Défis et perspectives pour la 13e édition
Le succès populaire entraîne aussi des attentes. Les habitants plaident pour un site permanent qui accueillerait concerts et expositions toute l’année. Une étude de faisabilité est annoncée, portée conjointement par la mairie et des investisseurs culturels.
Deuxième chantier, la formation technique. Les ingénieurs du son congolais souhaitent un partenariat avec l’Institut national des arts de Pointe-Noire afin d’aligner les curricula sur les standards internationaux et réduire la dépendance aux experts étrangers.
Enfin, le comité d’organisation évoque l’envie d’élargir la programmation aux arts numériques. Mapping, réalité augmentée et installations interactives pourraient, dès l’année prochaine, dialoguer avec la tradition musicale pour attirer un public encore plus diversifié.
Pointe-Noire scène stratégique pour la diplomatie culturelle
La diversification de l’économie congolaise passe aussi par le soft power. En valorisant ses créateurs, Pointe-Noire se positionne comme vitrine culturelle dans la sous-région CEEAC, complémentaire des forums économiques régulièrement tenus dans la capitale Brazzaville.
Des diplomates accrédités ont assisté incognito à certains concerts, selon l’équipe protocolaire. Leur présence souligne l’atout que constitue un festival capable d’agréger musique, mode et humour dans une même offre, vecteur d’image positive pour le Congo-Brazzaville.
En clôturant la douzième édition, Médard Mbongo a donné rendez-vous au public chaque second week-end de septembre, promettant « une programmation qui fera dialoguer les continents ». Une invitation à suivre que les mélomanes ont déjà notée dans leur agenda.
À moyen terme, les organisateurs ambitionnent de parrainer des tournées dans le reste du pays, de Dolisie à Ouesso, afin de partager la dynamique. Un tel maillage pourrait renforcer la cohésion nationale en valorisant chaque territoire à travers la musique et les arts vivants au plus près des populations locales.