Brazzaville au cœur de la diplomatie verte
Dans l’arène climatique internationale, la République du Congo avance des atouts considérables : 65 % de couverture forestière, une stabilité institutionnelle et une diplomatie patiemment construite. Sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, les négociateurs congolais multiplient tribunes et sommets pour faire reconnaître la valeur de ce capital écologique.
La proclamation d’une Journée nationale de l’arbre, puis d’une Décennie d’afforestation et de reboisement, a créé un narratif fédérateur. Chaque initiative vise à inscrire la protection des écosystèmes dans l’imaginaire collectif tout en rappelant aux bailleurs que la régulation du climat planétaire se joue aussi au cœur du bassin du Congo.
Reboisement : de la symbolique à la planification
La Conférence internationale sur l’afforestation et le reboisement, tenue en juillet 2024 à Brazzaville, a marqué une étape. Les délégations ont validé la création d’un comité de suivi chargé d’évaluer les projets forestiers et de faciliter l’accès à des instruments tels que les obligations vertes.
Pour le professeur Marie-Josiane Ngoma, spécialiste en socio-écologie, « la force de cette feuille de route est d’associer rigueur scientifique et souplesse politique ». Concrètement, l’objectif national porte sur dix millions d’hectares certifiés d’ici à 2035, avec un taux annuel de déforestation maintenu sous 0,05 %.
Ces engagements, salués par l’Union africaine, s’intègrent à la future Décennie des Nations unies pour le boisement et le reboisement 2027-2036. Brazzaville veut démontrer qu’un pays forestier peut conjuguer croissance, emplois verts et préservation de la biodiversité.
Des partenariats financiers à consolider
Si le Congo dispose d’indicateurs encourageants, le financement reste le maillon faible. Les pays du bassin ne captent qu’une fraction des montants accordés à l’Amazonie ou au Bornéo-Mékong. Le gouvernement congolais plaide pour un fonds dédié, calibré à cinq milliards de dollars sur dix ans.
Le ministre de l’Économie forestière, Rosalie Matondo, souligne « l’injustice climatique » d’une répartition jugée inéquitable. Brazzaville mise sur des mécanismes de paiement pour services écosystémiques, mais aussi sur la titrisation du carbone, option privilégiée par plusieurs institutions de Bretton Woods.
Des discussions avancées avec le Fonds vert pour le climat et la Banque africaine de développement laissent entrevoir de nouveaux leviers. Les partenaires y voient un laboratoire : concilier stabilité politique et rentabilité des investissements environnementaux dans une zone tropicale stratégique.
Les communautés autochtones, sentinelles de la forêt
La diplomatie verte congolaise s’appuie sur une donnée sociologique : sans l’adhésion des peuples autochtones, aucun objectif carbone ne tiendra. En octobre 2024, Brazzaville a accueilli le premier Congrès mondial des communautés locales des grands bassins forestiers.
Des réseaux féminins comme l’Alliance des femmes leaders ont réclamé un accès direct aux financements, arguant que 80 % des forêts intactes de la planète se trouvent sur des territoires autochtones. La juriste Léonie Boko rappelle que la reconnaissance des droits fonciers « sécurise les paysages tout en réduisant les conflits ».
Le gouvernement congolais soutient l’élaboration d’un protocole de co-gestion incluant quotas d’emplois locaux et partage des revenus issus des crédits carbone. Cette co-construction, saluée par le PNUD, devrait être testée dans la Sangha avant un éventuel déploiement régional.
Tourbières de la Cuvette, trésor sous-estimé
Découvertes en 2017, les tourbières du Nord forment le plus vaste stock de carbone organique tropical du monde. Leur conservation est désormais prioritaire. Une conférence internationale prévue en mars 2026 à Brazzaville doit préciser cadres juridiques et protocoles de surveillance satellitaire.
Le climatologue britannique Simon Lewis estime que la perte de ces tourbières libérerait l’équivalent de trois années d’émissions mondiales. Pour éviter ce scénario, Brazzaville souhaite associer sciences, systèmes d’alerte communautaires et partenariats public-privé afin de rendre toute exploitation illégale économiquement dissuasive.
Contrairement à l’Indonésie, les financements tardent encore. Les autorités congolaises proposent donc un mécanisme innovant : rémunérer les villages riverains pour la maintenance des tourbières, à travers un dividende carbone indexé sur la tonne évitée.
Vers une gouvernance climatique panafricaine
Autour de Denis Sassou Nguesso, cinq chefs d’État africains ont acté, à Brazzaville, la création d’un cadre de consultation permanent sur les politiques forestières. L’idée est simple : parler d’une seule voix dans les COP et mutualiser les données scientifiques régionales.
Cette gouvernance s’étendra aux universités, chargées de produire des indicateurs harmonisés sur le couvert végétal. L’Institut national de recherche en sciences exactes et naturelles travaillera, par exemple, avec le Centre africain de surveillance du climat basé à Accra.
À court terme, l’enjeu est de transformer l’abondance forestière en avantage comparatif pour l’économie congolaise, sans sacrifier ni souveraineté ni biodiversité. À moyen terme, Brazzaville compte peser dans les négociations mondiales, rappelant que la stabilité de la planète passe aussi par les forêts du Congo.