Une opportunité diplomatique inédite pour l’Afrique
La présidence sud-africaine du G20 en 2025 ouvre aux pays du continent une fenêtre diplomatique rare : inscrire au cœur de l’agenda mondial une vision africaine de la sécurité énergétique, sans sacrifier la justice climatique ni la croissance industrielle promise aux nouvelles générations.
Le Forum du G20 sur les investissements énergétiques en Afrique, convoqué par la Chambre africaine de l’énergie le 21 novembre à Johannesburg, servira d’amorce à cette bataille d’idées, en réunissant décideurs politiques, milieux d’affaires et diplomates autour d’une même table.
Johannesburg accueille la bataille des idées
La session plénière, baptisée « Définir des politiques pragmatiques pour l’ajout d’énergie en Afrique », mettra en lumière Olu Verheijen, conseillère spéciale du président nigérian, Bryce Dustman de Stryk Global Diplomacy, Alfred Seema d’Eskom et Acha Leke, patron de McKinsey Africa, autour d’un débat franc et technique.
Les intervenants devront arbitrer des questions délicates : comment équilibrer urgences sociales et impératifs climatiques, sécuriser les investissements face aux risques de change, ou encore tisser des partenariats aptes à accélérer l’industrialisation pétrolière et gazière sans freiner l’essor des renouvelables.
Cette tribune devrait également mettre sur la table la question sensible du financement concessionnel, encore trop limité pour les infrastructures intermédiaires telles que les réseaux de transport ou les unités de stockage nécessaires à l’intégration des renouvelables, souvent négligées par les bailleurs traditionnels.
Énergie et climat : l’heure des choix urgents
Les chiffres demeurent implacables : plus de 600 millions d’Africains vivent sans électricité tandis que 900 millions cuisinent encore au bois ou au charbon, exposant santé et forêts.
À l’horizon 2040, la demande en produits pétroliers raffinés pourrait atteindre 6 millions de barils par jour, signe d’une urbanisation et d’une motorisation en plein essor.
Paradoxalement, le continent n’émet pas 2 % des gaz à effet de serre mondiaux mais affronte déjà sécheresses, inondations et insécurité alimentaire, confirmant l’urgence d’un pacte global plus équitable.
Le manque d’accès à des solutions de cuisson propres provoque chaque année des centaines de milliers de décès prématurés dus à la pollution intérieure, un drame sanitaire silencieux que le Forum entend placer au même rang de priorité que l’extension des réseaux électriques.
Adapter les cadres mondiaux aux réalités locales
Dans les capitales du Nord, législations et financements poussent vers une sortie rapide des combustibles fossiles.
Transposée sans nuances, cette prescription risquerait pourtant de freiner l’électrification et la création d’emplois sur un continent encore en quête d’industrialisation de base, rappellent les organisateurs du Forum.
Pour les représentants africains, la question n’est pas de choisir entre solaire et hydrocarbures, mais de séquencer intelligemment les investissements afin de maximiser l’impact sur l’emploi, la compétitivité industrielle et la réduction des inégalités territoriales.
Réformes nationales : premiers signaux positifs
Plusieurs États africains expérimentent déjà un pragmatisme assumé.
Au Nigeria, la loi sur l’industrie pétrolière adoptée en 2021 clarifie la fiscalité, octroie davantage de parts aux communautés et rassure les majors.
L’Angola mise sur un décret favorisant la production incrémentale, la Namibie sur une politique locale en amont, tandis que l’Afrique du Sud, via son Plan intégré des ressources 2025, ambitionne 105 GW supplémentaires mêlant nucléaire, solaire et éolien.
Au Ghana, un plan directeur gazier vise à relier champs offshore et centrales thermiques pour stabiliser le réseau et alimenter l’industrie de l’aluminium, tandis qu’un cadre de contenu local garantit la montée en compétence des PME nationales.
La Tanzanie, de son côté, finalise un projet de traitement de gaz liquéfié à Lindi, soutenu par des ajustements fiscaux destinés à ancrer durablement les revenus dans l’économie nationale et à financer l’électrification rurale.
République du Congo : stratégie gazière offensive
À Brazzaville, un plan directeur gazier s’inscrit dans la même logique : valoriser les réserves nationales pour alimenter centrales, usines et ménages, tout en attirant de nouveaux investisseurs grâce à des incitations fiscales ciblées.
Le gouvernement congolais voit dans cette stratégie un tremplin pour la diversification économique et la stabilité sociale, deux priorités défendues de longue date par le président Denis Sassou Nguesso.
Brazzaville insiste également sur le développement de chaînes de valeur locales : formations techniques, transfert de technologie et encouragement à l’entrepreneuriat afin que la manne gazière irrigue toute l’économie, de la pétrochimie aux services numériques gourmands en énergie.
Les attentes chiffrées à l’égard du G20
À Johannesburg, les experts analyseront les réformes fiscales ou réglementaires susceptibles de libérer des capitaux privés, de réduire le risque de change et de faciliter l’accès aux devises fortes, nerf de la guerre pour importer turbines ou équipements solaires.
Selon NJ Ayuk, président exécutif de la Chambre africaine de l’énergie, « l’avenir énergétique de l’Afrique dépend de politiques qui ont du sens pour les Africains ». Au terme du Forum, un ensemble de recommandations sera transmis aux chefs d’État et aux institutions financières partenaires avant le sommet G20 2025.
Les conclusions pourraient inspirer le futur plan d’action du G20, notamment des mécanismes de garantie adaptés au risque politique, des facilités de paiement carbone et un renforcement des capacités statistiques pour mesurer l’impact social de chaque dollar investi.
