La nouvelle ère de la représentation africaine
L’entrée de l’Union africaine dans le G20, aux côtés de l’Afrique du Sud, ouvre un chapitre pour la diplomatie du continent. Au-delà du symbole, ce siège additionnel promet d’influer sur les agendas, notamment ceux touchant la vie quotidienne des femmes.
Maxime Houinato, directeur régional d’ONU-Femmes pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, y voit une occasion stratégique d’aligner les décisions économiques du G20 sur les priorités locales, de l’économie du soin à l’innovation numérique, en passant par la paix et la sécurité.
Financer l’autonomie économique féminine
Dans la plupart des pays ouest-et-centrafricains, soixante pour cent des travailleuses évoluent dans l’informel, sans accès au crédit ni protection sociale. Des budgets sensibles au genre et des lignes de financement dédiées montrent, au Bénin ou au Sénégal, des résultats encourageants.
Un pacte de financement conclu entre l’Union africaine et le G20 pourrait amplifier ces initiatives, étoffer l’économie du soin, soutenir les commerçantes transfrontalières et déployer des mécanismes simplifiés, adaptés aux réalités des entrepreneures rurales comme urbaines.
Combler la fracture numérique
La région affiche l’une des plus fortes fractures numériques de genre. Faute de connexion abordable, d’appareils adaptés et de compétences avancées, les entrepreneures du e-commerce ou de l’agrotech plafonnent, malgré leur potentiel à créer des emplois à forte valeur ajoutée.
Sous l’impulsion de Smart Africa, de la CEDEAO et de la Commission pour l’Afrique, un pacte numérique axé sur l’accès, les compétences et le financement offrirait un cadre. L’initiative « African Girls Can Code » fournit un vivier de talents formés.
Paix, climat et leadership féminin
Dans le Sahel comme dans le bassin du Congo, insécurité et dérèglement climatique se renforcent mutuellement. Les femmes, actives dans la médiation communautaire et l’adaptation agricole, disposent d’un savoir empirique précieux que les stratégies de résilience discutées au G20 gagneraient à intégrer systématiquement.
L’anniversaire de la résolution 1325 du Conseil de sécurité offre un jalon pour ancrer l’agenda Femmes, Paix et Sécurité dans les politiques économiques, climatiques. Un tel arrimage renforcerait la redevabilité, la cohérence des programmes de prévention des conflits soutenus par les grandes puissances.
Trois niveaux d’action d’ONU-Femmes
ONU-Femmes place cette ambition sur trois étages complémentaires. D’abord, auprès de la Direction du genre de l’Union africaine, l’agence discute avec le sherpa G20 pour faire figurer l’égalité femmes-hommes parmi les priorités macroéconomiques du continent.
Ensuite, au niveau régional, le bureau Afrique de l’Ouest et du Centre harmonise données, financements et normes avec la CEDEAO, la CEEAC, la société civile et le secteur privé afin de dégager des objectifs mesurables et partagés.
Enfin, au plan national, les partenariats tissés avec les ministères chargés des finances, du numérique ou du genre transforment ces cadres en budgets, programmes d’entrepreneuriat et politiques publiques sensibles aux réalités locales, qu’elles soient urbaines ou rurales.
Au-delà de la tribune, des pactes concrets
La présence africaine dans la plus influente enceinte économique mondiale crée un triptyque gagnant pour les femmes : inclusion, investissement et influence. Encore faut-il convertir la parole diplomatique en pactes chiffrés, assortis d’objectifs et d’un suivi transparent.
Les stratégies régionales existantes, comme celle de la CEDEAO sur le genre ou le Fonds des femmes de l’Union africaine, offrent déjà des leviers pilotables. Leur articulation avec les ressources, publiques ou privées, mobilisées au G20 pourrait multiplier l’effet d’échelle recherché.
Dans cette perspective, Brazzaville et les capitales voisines ont intérêt à promouvoir des projets transfrontaliers portés par des femmes, qu’il s’agisse de commerce, d’énergie propre ou de services numériques. Une telle démarche renforcerait à la fois l’intégration sous-régionale et la cohésion sociale.
Le succès sera jugé sur des résultats tangibles : nombre d’emplois créés, part des marchés publics attribuée à des PME féminines, pourcentage de budgets climatiques bénéficiant directement aux ménages ruraux dirigés par des femmes. Ces indicateurs peuvent être harmonisés puis audités chaque année.
La présidence sud-africaine du G20 offre un calendrier propice. D’ici le prochain sommet, les négociateurs continentaux pourront défendre un « pacte féministe » inspiré des propositions d’ONU-Femmes, en veillant à ce qu’il respecte les trajectoires de l’Agenda 2063 et des ODD.
En somme, l’accès de l’Union africaine à la table du G20 ne vaut que par les transformations qu’il déclenchera pour les femmes et les filles. Si inclusion, investissement et influence deviennent réalité, le continent présentera au monde une équation gagnante, moteur de prospérité partagée.
Une dynamique à consolider
Les décideurs de la République du Congo, actifs au sein de la CEEAC, disposent d’atouts pour jouer les facilitateurs entre les institutions continentales et les communautés locales. Leur expérience des questions forestières et climatiques peut nourrir des projets pilotes portés par des coalitions féminines.
En mobilisant la recherche, les médias et la diaspora, ces initiatives gagneraient en visibilité et en légitimité, augmentant les chances d’être financées par les guichets G20 dédiés à la transition juste. Les résultats obtenus serviraient alors de boussole pour d’autres régions du continent.
