Brazzaville célèbre la langue gangulu
Brazzaville a récemment vibré au rythme de la langue gangulu, mise à l’honneur lors de la sortie officielle de l’Association pour la promotion, la langue et la culture Gangulu. Devant un public attentif, le président Sébastien Elion a lancé un appel vibrant à la préservation.
Intitulée « La langue, véhicule de la culture d’un peuple », la cérémonie a souligné la fragilité des idiomes africains confrontés à la modernité. Pour M. Elion, sauvegarder la parole ancestrale revient à transmettre sans filtre les mœurs, les rites et l’histoire d’une communauté entière.
Langue Gangulu, un patrimoine vivant
Originaire du département des Plateaux, au centre de la République du Congo, le peuple gangulu déroule depuis des générations un tissu d’expressions, de proverbes et de chants qui structurent la vie quotidienne. Chaque terme porte une nuance identitaire que la traduction peine souvent à restituer.
Pour M. Elion, la disparition d’une langue s’apparente à un effritement culturel irréversible. « Une langue qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle », résume-t-il, rappelant que la perte des mots entraîne celle des savoir-faire, des récits fondateurs et des repères collectifs.
Une association au service de la transmission
L’Aplcg s’est fixé pour mission de fédérer les énergies gangulu afin de documenter, enseigner et promouvoir l’usage quotidien de la langue. Les statuts de l’organisation prévoient la production d’outils pédagogiques, l’organisation d’ateliers ainsi que la tenue de rencontres intergénérationnelles.
Selon ses responsables, ces activités doivent aboutir à la création d’un réseau d’orateurs capables d’initier les enfants, mais aussi d’encourager les adultes à reprendre une pratique parfois délaissée. L’association entend ainsi ancrer la langue dans tous les lieux de sociabilité, des foyers aux espaces publics.
Le poids de la modernité
Pour la communauté, l’enjeu réside dans l’équilibre entre ouverture au monde et sauvegarde du particularisme. Télévision, réseaux sociaux et scolarisation généralisée favorisent l’usage de langues plus diffusées, reléguant l’idiome gangulu à la sphère privée, parfois même au silence.
Le président de l’Aplcg reconnaît cependant que la modernité offre aussi des solutions, notamment la numérisation de récits et l’enregistrement de chants traditionnels. Cette piste, souligne-t-il, doit compléter la transmission orale, qui reste le cœur battant de la culture.
Une mobilisation intergénérationnelle
Au sein de la communauté, aînés et jeunes adultes convergent autour d’une même préoccupation : réapprendre les locutions oubliées, reformuler les coutumes dans leur langue d’origine, valoriser le port de noms gangulu. Les plus anciens se disent prêts à offrir leur mémoire, les plus jeunes leurs compétences numériques.
Cette alliance générationnelle nourrit un optimisme prudent. « Nous ne voulons pas rester dans la simple nostalgie, nous voulons agir », confie un membre fondateur, convaincu que la fierté linguistique peut renforcer la cohésion sociale bien au-delà du cercle communautaire.
Des enjeux éducatifs
Faute d’outils standardisés, l’enseignement de la langue gangulu repose encore largement sur la bonne volonté des familles. L’Aplcg ambitionne de rédiger un alphabet simplifié, d’élaborer des manuels et de proposer des sessions dans les écoles du département lorsque les conditions le permettront.
Les parents présents à Brazzaville ont souligné l’urgence de sensibiliser les enfants avant qu’ils n’adoptent définitivement d’autres idiomes. Pour eux, la maîtrise simultanée de plusieurs langues n’est pas contradictoire ; elle consolide plutôt les capacités cognitives tout en enracinant l’identité.
La place des autorités locales
Séduites par l’initiative, plusieurs notabilités des Plateaux ont assisté à la cérémonie. Leurs interventions ont insisté sur la nécessité d’un partenariat constructif entre acteurs associatifs et pouvoirs publics pour inscrire la protection linguistique dans la durée et dans des politiques culturelles coordonnées.
Si le gouvernement de la République du Congo encourage déjà la diversité, ces soutiens locaux apparaissent décisifs pour orienter des moyens vers la rénovation de centres culturels, la formation d’animateurs et l’organisation de festivals dédiés à la langue gangulu.
Vers une valorisation culturelle
Au-delà de l’expression orale, l’Aplcg souhaite promouvoir toutes les formes artistiques qui s’appuient sur la langue : contes, musique, voire créations contemporaines. Une telle démarche, estime M. Elion, pourrait accroître l’attractivité touristique des Plateaux et offrir de nouvelles perspectives économiques.
Les membres de l’association rappellent qu’une culture visible attire le regard et incite la jeunesse à s’y reconnaître. Ils envisagent déjà une base de données en ligne, des expositions itinérantes et la production de courts métrages permettant de faire rayonner la parole gangulu.
Une dynamique appelée à durer
À Brazzaville, la sortie officielle de l’Aplcg n’était qu’une étape inaugurale. Le calendrier associatif prévoit des rencontres trimestrielles, ponctuées de bilans, pour mesurer l’appropriation de la langue par les ménages et ajuster les actions au plus près des besoins.
Forte de cette dynamique, la communauté gangulu entend démontrer qu’une langue régionale peut dialoguer avec la modernité sans se diluer. Le message résonne bien au-delà des Plateaux : la sauvegarde d’un patrimoine linguistique est un acte citoyen, porteur d’unité et de progrès.
Le chantier reste vaste, reconnaissent les initiateurs, mais ils s’appuient sur une conviction simple : protéger la langue, c’est protéger l’âme du territoire, et cette mission mérite l’engagement de tous les Congolais attachés à la pluralité culturelle.