L’émotion autour d’un bâtisseur
Le décès de Dieudonné Benito Amouzoud, survenu le 28 octobre en France, a suscité une onde de tristesse parmi les acteurs du sport congolais. Dominant l’émotion, Dominique Gentil Nkounkou décrit la perte du promoteur du Centre d’Études et Sport la Djiri comme « une disparition majeure ».
Au-delà de l’épreuve personnelle, l’ancien collaborateur rappelle le travail abattu pour offrir une visibilité mondiale au premier complexe sport-études du pays. Sa voix, encore tremblante, insiste sur « l’esprit de sacrifice » d’Amouzoud, déterminé à voir la formation congolaise dialoguer avec les standards professionnels étrangers.
Le CESD, laboratoire de talents
Le Centre d’Études et Sport la Djiri, né du rêve d’un dirigeant passé par l’Étoile du Congo, a rapidement dépassé le simple cadre footballistique. Basketball, judo ou karaté y coexistaient, traduisant une approche globale du développement physique et intellectuel des jeunes inscrits au programme.
Dominique Gentil Nkounkou se souvient d’infrastructures « dignes d’une formation professionnelle », comparables, dit-il, à certaines structures françaises. Cette exigence qualitative permettait aux pensionnaires du centre de suivre des cours académiques le matin et des séances techniques l’après-midi, gommant la traditionnelle opposition entre études et carrière sportive.
Professionnalisation et ouverture internationale
Pour parachever la rigueur pédagogique, Amouzoud fit appel à des techniciens aguerris. Le professeur Mayanith fut le premier à poser les bases méthodologiques, bientôt épaulé par Dominique Gentil Nkounkou. Ensemble, ils posèrent les jalons d’un partenariat italien qui ouvrit de nouvelles portes aux pensionnaires de la Djiri.
Le recrutement de Vincent Rautureau au poste de directeur technique marqua un tournant stratégique. Son expérience facilita la participation du centre à trois tournois d’envergure, organisés en France puis en Afrique du Sud, donnant aux jeunes athlètes un avant-goût concret des exigences internationales.
Ces déplacements scellèrent la philosophie d’un « football business » assumé. Les joueurs découvraient la sphère du marketing sportif, tandis que la direction perfectionnait ses réseaux de recrutement et de sponsoring. Le centre devenait un interlocuteur crédible pour les clubs cherchant à investir dans la formation africaine.
Djiri Cup, vitrine d’un projet d’avenir
La Djiri Cup, imaginée par Amouzoud, incarna ce positionnement. D’abord locale, la compétition attira rapidement des sélections nationales, notamment celle du Gabon, puis une équipe française, offrant une scène compétitive rare aux espoirs congolais. Chaque édition consolidait l’image d’un tournoi professionnel bien huilé.
Les retombées furent tangibles : Durel Avounou, Harvy Ossiété ou Exaucé rejoignirent l’équipe nationale après leur passage au centre. Le CESD confirmait ainsi que l’excellence n’était pas l’apanage des académies européennes, mais pouvait éclore à Brazzaville grâce à des méthodes scientifiques et un encadrement stable.
Un héritage durable pour le football congolais
Dominique Gentil Nkounkou reconnaît cependant que l’élan s’est interrompu, sans s’étendre sur les raisons précises. Il insiste surtout sur l’importance de « préserver la graine plantée ». Pour lui, l’état d’esprit insufflé par Amouzoud représente « un maillon essentiel de la mutation amorcée » dans le football congolais.
Le parcours du dirigeant disparu rappelle combien l’initiative privée peut compléter les politiques de développement sportif. En misant sur la qualité pédagogique, il a montré que les investisseurs locaux pouvaient bâtir des structures compétitives sans renoncer à l’identité congolaise, en phase avec les attentes internationales.
Ses collaborateurs insistent également sur la confiance accordée aux techniciens formés au pays. Loin de recourir uniquement à l’expertise étrangère, Amouzoud s’appuyait sur un réseau d’entraîneurs locaux, convaincu que la montée en compétences viendrait d’un échange permanent plutôt que d’une simple importation de modèles.
Cette approche, plus horizontale que verticale, résonne aujourd’hui dans les couloirs des clubs qui cherchent à structurer leurs académies. L’idée directrice consiste à développer le joueur et l’élève simultanément, afin d’assurer un avenir professionnel aux talents tout en leur offrant une base éducative solide.
Pour ceux qui ont foulé les pelouses de la Djiri, « l’école de la vie » demeure le souvenir le plus vif. Les anciens relatent un encadrement exigeant, un internat strict et une discipline quotidienne, autant de repères qui continuent de guider leur carrière ou leur reconversion.
Vers une transmission institutionnelle
La disparition d’Amouzoud n’efface donc pas les jalons qu’il a posés. Dominique Gentil Nkounkou l’affirme : « Ses œuvres restent éternelles ». Ce constat, partagé par nombre d’anciens du centre, nourrit l’espoir d’une relance, bâtie sur la mémoire et la méthodologie héritées.
À l’heure où la jeunesse congolaise revendique de nouveaux horizons sportifs, l’exemple du CESD rappelle qu’un projet ambitieux, conduit avec constance, peut s’inscrire durablement. Les prochains décideurs, publics ou privés, trouveront dans l’expérience d’Amouzoud un modèle prêt à être adapté et prolongé.
Dominique Gentil Nkounkou plaide désormais pour qu’une structure pérenne assure la sauvegarde des archives techniques du centre. Selon lui, centraliser les plans d’entraînement, les données médicales et les statistiques accumulées permettrait aux fédérations de disposer d’une base scientifique en phase avec les exigences de la haute compétition.
Cette proposition rejoint la volonté exprimée par plusieurs anciens pensionnaires de voir l’État et le secteur privé conjuguer leurs efforts. L’objectif serait de transformer la Djiri en pôle d’excellence officiel, destiné à irriguer l’ensemble des académies régionales et à renforcer la compétitivité des sélections nationales.
