Un outil inédit au service d’une classe d’âge décisive
La salle des conférences du ministère de la Jeunesse de Brazzaville a récemment résonné d’une ferveur particulière : celle qui accompagne les actes fondateurs. En réceptionnant le nouveau guide pratique destiné à la jeunesse, le ministre Hugues Ngouélondélé a salué « un instrument essentiel pour conduire la jeunesse vers un avenir meilleur ». Derrière cette parole, il y a un constat démographique implacable : près de 76 % de la population congolaise ont moins de trente-cinq ans. Autrement dit, toute initiative publique qui ne viserait pas ce segment risquerait de manquer son objectif de développement durable. Le document, financé et accompagné techniquement par l’Unesco, se présente donc comme une boussole pédagogique, recensant formations, opportunités de mobilité, dispositifs de financement de projets et passerelles vers le service civique.
Une élaboration participative pour une légitimité accrue
Les diplomates présents ont relevé le caractère singulièrement inclusif du processus. La représentante de l’Unesco, Fatoumata Barry, a rappelé que « la jeunesse n’est pas simplement une catégorie démographique mais la force d’une nation ». De vastes consultations ont été menées dans les départements du Pool, de la Sangha ou encore du Kouilou, afin que le guide ne soit pas perçu comme l’émanation d’un centre administratif éloigné, mais comme le reflet d’aspirations territoriales diverses. Ateliers régionaux, focus groups dans les établissements d’enseignement technique, entretiens avec les organisations de jeunes entrepreneurs : la méthode a permis de confronter les diagnostics des institutions et l’expérience vécue sur le terrain. Cette co-construction confère au texte une légitimité sociale précieuse, surtout dans un contexte où la confiance entre gouvernés et gouvernants se mesure aussi à la capacité de l’État à écouter avant d’agir.
Diagnostiquer les défis pour mieux capitaliser le dividende démographique
Le directeur de la Jeunesse, Rochar Loukanou, observe que le guide s’appuie sur une analyse rigoureuse des obstacles : taux de chômage urbain dépassant 20 %, disparités d’accès aux TIC entre zones littorales et hinterland, ou encore sous-représentation des jeunes dans les conseils municipaux. En synthétisant ces données, le document ne se contente pas de décrire les fragilités structurelles ; il propose des pistes opérationnelles, telles que l’incubation de start-up dans les domaines de l’agro-transformation ou la mise en place de bourses de formation liées aux nouveaux métiers du numérique. L’enjeu est clair : transformer un risque de frustration en un dividende démographique. Les économistes s’accordent en effet à dire que la croissance potentielle d’un pays dépend aujourd’hui de la qualité de son capital humain plus que de ses seules ressources naturelles.
Horizon 2034 : un cadre stratégique articulé à la Vision 2025-2030
L’ouvrage s’inscrit dans un calendrier institutionnel plus large. Le coordonnateur résident du système onusien, Abdourahaman Diallo, voit dans la politique nationale de la jeunesse 2025-2030 « un cadre d’orientation stratégique pour le développement humain durable ». Les huit axes retenus – gouvernance, capital humain, insertion économique, protection sociale, cohésion territoriale, participation citoyenne, culture, sport – trouvent leur traduction pratique dans le guide. À titre d’exemple, la section consacrée à la participation encourage la création de conseils consultatifs communaux où les jeunes pourront tester leur apprentissage de la délibération publique. De la sorte, les objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, prônant l’émancipation des nouvelles générations, se déclinent dans une temporalité congo-brazzavilloise réaliste.
Perspectives diplomatiques et responsabilités partagées
Pour la communauté internationale, ce guide offre un précédent intéressant. Il démontre qu’un partenariat équilibré – État, agences onusiennes et organisations régionales – peut aboutir à un produit tangible, non pas seulement à un corpus de bonnes intentions. Les chancelleries installées à Brazzaville observent aussi l’effet d’entraînement sur la coopération Sud-Sud : la Conférence des ministres de la Jeunesse et des Sports de la Francophonie (Confejes) envisage déjà d’adapter l’outil congolais aux réalités d’autres États riverains du Congo ou du Golfe de Guinée. En filigrane, c’est l’image d’un Congo maître de son agenda social, capable de dialoguer d’égal à égal avec ses partenaires, qui se dessine.
Un pari sur l’avenir que la jeunesse doit s’approprier
Certes, un guide, aussi exhaustif soit-il, ne saurait à lui seul réduire le chômage ou effacer les inégalités. Mais il constitue un signe fort envoyé à une génération souvent sommée d’attendre son tour. « Nous ne voulons plus être spectateurs de notre propre destin », confie Prisca, étudiante en économie, venue assister à la cérémonie. Reste donc à transformer ce capital symbolique en actions concrètes : campagnes d’information dans les lycées, plateformes numériques interactives, mentorat croisé entre jeunes ruraux et urbains. En définitive, si l’ouvrage tient ses promesses, il pourrait devenir la pièce maîtresse d’une gouvernance jeunesse résolument orientée vers la réalisation des Objectifs de développement durable, à l’horizon 2034 et au-delà.