Premières médailles, premiers signaux
Loin des projecteurs, six scolaires congolais ont quitté Brazzaville pour Alger à l’été 2025 et sont revenus avec une récolte de quatre médailles, dont l’or de Gladise Boukama Ndoulou au saut en longueur, suscitant un élan de fierté nationale.
Cette performance, obtenue malgré une sélection resserrée et des moyens réduits, laisse percevoir un potentiel sportif bien supérieur aux statistiques de participation et replace le débat sur la place du sport scolaire dans la pyramide de formation congolaise.
Les observateurs voient dans ces médailles l’arbre qui, souvent, masque la densité de la jeune forêt d’athlètes, mais ils soulignent aussi que l’opération pourrait devenir le socle d’une relance durable si les bonnes leçons sont tirées à temps.
Manque d’infrastructures et de cadres techniques
Au-delà de la participation, les entraîneurs rappellent que la plupart des établissements manquent de pistes réglementaires, de tatamis conformes ou de salles de gymnastique sécurisées, obligeant les jeunes à s’entraîner dans des conditions improvisées, parfois sur des terrains partagés avec d’autres activités parascolaires.
Le ministère des Sports a lancé en 2024 un audit des infrastructures scolaires et territoriales, premier inventaire complet depuis une décennie, afin d’identifier les travaux prioritaires et de chiffrer les besoins en équipements adaptés aux standards africains et internationaux.
Selon la direction générale des sports, une enveloppe initiale de dix milliards de francs CFA est déjà planifiée dans le budget pluriannuel 2025-2027 pour moderniser vingt sites pilotes à Brazzaville, Pointe-Noire et dans les chefs-lieux de département.
Nouveau souffle financier et partenariats
Le financement public, encore limité, pourrait bientôt être complété par un Fonds d’appui au sport scolaire, annoncé par la ministre Ingrid Olga Ghislaine Ebouka-Babackas, mobilisant des contributions des entreprises nationales, des collectivités locales et des organismes multilatéraux.
Plusieurs sociétés des secteurs pétrolier et télécoms ont déjà signifié leur intérêt pour parrainer des centres d’entraînement, suivant le modèle de responsabilité sociétale adopté dans le cadre des Jeux de la Francophonie 2023, où le partenariat public-privé avait donné des résultats tangibles.
Parallèlement, un accord de coopération signé avec la Fédération algérienne d’athlétisme ouvre dès 2026 des stages binationaux pour les meilleurs cadets, l’objectif étant de mutualiser les expertises en biomécanique, en planification d’entraînement et en nutrition sportive.
Le président du Comité national olympique, Raymond Ibata, résume l’ambition : « Nous voulons passer d’initiatives isolées à un système vertueux où chaque franc investi dans la base se traduit plus tard par une médaille au niveau élite ».
Une politique sportive alignée sur l’Agenda 2063
Adoptée en conseil des ministres, la Stratégie nationale du sport 2025-2032 articule ses objectifs autour des valeurs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, prônant inclusion, autonomie féminine et développement durable à travers la pratique physique.
Un volet entier est dédié au sport scolaire, avec des indicateurs précis : présence d’un enseignant d’éducation physique certifié par établissement, ratio de un médecin du sport pour cinq cents élèves athlètes et organisation de championnats inter-départements dès 2027.
Le ministère de l’Enseignement primaire entend aussi intégrer trente minutes quotidiennes d’activité physique, une mesure soutenue par l’Organisation mondiale de la santé, afin de lutter contre la sédentarité et d’élargir la base de recrutement de futurs performeurs.
Dans un récent entretien, le sociologue du sport Jean-Marc Moussavou souligne que « les politiques publiques gagnent en cohérence, mais leur succès dépendra de la coordination entre ministères, collectivités et tissu associatif », insistant sur la nécessité d’un suivi évaluatif indépendant.
Cap sur Gaborone 2027 et la dynamique régionale
Les Jeux africains scolaires se déplaceront à Gaborone en 2027, échéance déjà inscrite dans les calendriers des techniciens congolais qui veulent transformer les médailles d’Alger en impulsion durable et viser un top dix continental au tableau final.
Un premier regroupement de préparation est prévu en décembre 2025 au stade de Kintélé, centre névralgique des installations sportives, où des séances de suivi biomédical et de renforcement scolaire seront menées en parallèle par des psychopédagogues.
Les parents, sollicités dans une dynamique de co-responsabilité, bénéficieront d’ateliers sur la nutrition et la gestion du temps afin de concilier performances sportives et réussite académique, deux piliers jugés indissociables pour une élite durable.
En définitive, les quatre médailles de 2025 ne sont plus perçues comme une exception heureuse, mais comme la première page d’un projet plus vaste où l’État, le secteur privé et la société civile entendent conjuguer leurs énergies au service de la jeunesse.