Un enjeu démocratique majeur
À moins d’un an de l’élection présidentielle fixée aux 17 et 22 mars 2026, Brazzaville s’est transformée durant trois jours en laboratoire de réflexion médiatique. Cinquante femmes journalistes y ont exploré les clés d’une couverture pacifique et inclusive, soutenues par l’Unesco et les autorités nationales.
La session, organisée du 11 au 13 août 2025 au Pefaco Hôtel, constitue la première étape d’un accompagnement technique destiné à consolider la confiance entre citoyens, institutions et médias, dans un contexte où chaque scrutin reste perçu comme un test pour la stabilité et la cohésion sociales.
La formation, vecteur d’inclusion
Portée par la représentation de l’Unesco au Congo, l’initiative a mobilisé le ministère de la Communication et des médias, ainsi que la Commission nationale électorale indépendante. Ce triptyque institutionnel témoigne d’une volonté de partager compétences, ressources et bonnes pratiques sans opposer presse publique et presse privée.
Le choix de cibler les professionnelles rééquilibre progressivement un paysage médiatique encore dominé par les voix masculines. Pour la reporter radio Clémence Dombé, présente dans la salle, “couvrir une élection, c’est aussi raconter comment les femmes vivent la campagne, votent et participent au débat public”, dit-elle.
Un partenariat institutionnel solide
La cérémonie d’ouverture a réuni le ministre de la Communication, Thierry Moungala, le président de la C.N.E.I., Henri Bouka, le président du C.S.L.C., Médard Milandou, et la représentante de l’Unesco, Fatoumata Barry Marega. Cette présence, rare au même pupitre, valide le caractère transversal du projet.
Dans son mot de bienvenue, Mme Barry Marega a rappelé que l’Unesco soutient les journalistes congolais à chaque échéance électorale depuis plus d’une décennie. Elle a insisté sur la nécessité d’une couverture “responsable, éthique et porteuse de paix”, en phase avec l’engagement du pays en faveur du dialogue.
Défis spécifiques à l’ère numérique
Le séminaire a longuement abordé la prolifération des contenus non vérifiés sur les réseaux sociaux, phénomène amplifié à l’approche des urnes. Chaque participante a simulé une vérification d’images virales, apprenant à utiliser la recherche inversée pour débusquer photomontages et discours haineux.
Pour Gaston Ololo, président de la commission technique de la C.N.E.I., “la bataille de la crédibilité sera gagnée par celles qui maîtriseront l’horlogerie numérique”. L’expert a recommandé des routines de contrôle croisé et la publication rapide de correctifs afin d’éviter que la désinformation ne s’enracine.
La dimension genre dans la couverture électorale
Les discussions ont souligné que la présence accrue de femmes reporters modifie l’agenda médiatique. Les questions relatives à la santé maternelle, à l’entrepreneuriat féminin ou à la participation des jeunes filles aux meetings gagnent en visibilité quand des consœurs se trouvent sur le terrain et aux pupitres des rédactions.
Le ministre Moungala a salué cette valeur ajoutée. Selon lui, la “sensibilité et l’esprit maternel” des journalistes peuvent humaniser les débats, faire émerger des témoignages souvent marginalisés et contribuer à désamorcer les tensions. Le propos, salué par l’assistance, s’inscrit dans la stratégie gouvernementale d’inclusion prônée depuis 2021.
Des contenus axés sur l’éthique professionnelle
Le code congolais d’éthique et de déontologie a fait l’objet d’une révision ligne par ligne. Les participantes ont rappelé l’obligation d’équilibre des sources, la séparation des faits et des commentaires, ainsi que la protection des mineurs. Des cas pratiques, inspirés d’anciennes campagnes, ont nourri les débats.
Une demi-journée a été consacrée aux règles de sécurité en reportage. À travers des exercices de mise en situation, les formatrices ont détaillé gestes de premiers secours, protocoles d’évacuation et devoirs de protection des témoins. L’objectif reste d’empêcher que la recherche d’exclusivité n’expose inutilement les équipes.
Regards croisés d’experts
Joachim Mbanza, ancien haut-conseiller en communication, a partagé son expérience de couverture des scrutins pluralistes de 1992 et 2016. Il a insisté sur l’importance du temps long, condition sine qua non pour mesurer l’impact des promesses de campagne sur la vie quotidienne des électeurs.
De son côté, Prosper Miyindou Ngoma, responsable du Centre d’information des Nations unies, a esquissé les standards internationaux en matière de reportage électoral. Il a encouragé les participantes à s’appuyer sur les indicateurs de développement durable pour interroger les programmes, élargissant ainsi le spectre des questions posées aux candidats.
Perspectives pour 2026
D’ici au scrutin, les stagiaires s’engagent à créer un réseau d’entraide numérique, planifiant des séances hebdomadaires de fact-checking collectif. Cette démarche collaborative devrait accroître la réactivité des rédactions et renforcer la confiance du public, un objectif partagé par toutes les institutions partenaires.
Un livret synthétisant les méthodes apprises sera diffusé aux rédactions régionales, afin d’élargir l’impact de la formation au-delà de la capitale. Pour la photoreporter Grâce Boukaka, “la diffusion du guide garantira que nos collègues de Dolisie ou Ouesso disposent des mêmes repères professionnels”.
En clôturant les travaux, le président de la C.N.E.I. a rappelé que l’élection de 2026 doit consolider le “vivre-ensemble congolais”. Le pari d’une information rigoureuse, inclusive et apaisée repose en partie sur la mobilisation de ces cinquante journalistes. Le rendez-vous est désormais fixé au soir du 22 mars.