Logistique congolaise, enjeu stratégique
À Brazzaville, la récente présentation de l’ouvrage de Dominique Candide Fabrice Koumou Boulas rappelle que la logistique n’est plus un simple sujet technique ; elle s’impose comme une variable centrale dans la trajectoire de croissance envisagée par la République du Congo face aux mutations régionales.
Docteur en sciences de gestion, l’auteur fait dialoguer chiffres macroéconomiques, retours de terrain et prospective pour dessiner les contours d’un secteur susceptible d’absorber les chocs liés à la baisse progressive des recettes extractives, tout en accélérant la diversification productive voulue par les autorités.
Un diagnostic documenté
Sur 265 pages, l’ouvrage met en perspective les faiblesses chroniques de la chaîne logistique congolaise : connectivité routière discontinue, port fluvial de première génération, procédures douanières encore lourdes, manque d’interopérabilité numérique. Chaque blocage y est quantifié, puis corrélé à son impact social et territorial.
L’auteur souligne toutefois les avancées récentes, notamment l’entrée en service de grues modernes à Pointe-Noire, la réhabilitation en cours du corridor Congo-Océan et la création de zones économiques spéciales. Ces signaux laissent entrevoir un redressement de l’indice national de performance logistique.
Pointe-Noire, hub en devenir
Véritable porte océanique du pays, le port de Pointe-Noire concentre 85 % du trafic national. Selon les simulations présentées, chaque point gagné en productivité réduirait le coût d’import-export de 3 %, libérant des marges immédiates pour les petites et moyennes entreprises congolaises.
Les investissements pilotés par les partenaires publics et privés portent sur l’allongement du quai, la mise à niveau du tirant d’eau et l’automatisation des terminaux. « Nous disposons des leviers techniques, reste à suivre la cadence des raccordements terrestres », confie un cadre du Port autonome lors de la dédicace.
Une équation financière sous contrôle
La baisse graduelle de la rente pétrolière contraint l’État à élaborer des montages financiers moins dépendants des marchés internationaux. L’auteur insiste sur les ressources domestiques latentes : fiscalité portuaire modernisée, concession ferroviaire, mais aussi mutualisation régionale des droits de transit.
Selon ses projections, un ajustement ciblé de la redevance logistique pourrait dégager l’équivalent d’un point de PIB sans alourdir la dette souveraine. Ce scénario rejoint la feuille de route gouvernementale visant à consolider la soutenabilité budgétaire tout en finançant les infrastructures structurantes.
Capital humain et savoir-faire
Trop souvent réduite à des considérations matérielles, la performance logistique repose d’abord sur les compétences. Le Centre Trainmar de Pointe-Noire, fondé par M. Koumou Boulas, forme chaque année des cohortes de techniciens capables de maîtriser la chaîne de valeur portuaire et multimodale.
Le livre plaide pour un curriculum national harmonisé, adossé aux standards de l’Union des Conseils des chargeurs africains. À terme, l’enjeu est double : professionnaliser le secteur et retenir les jeunes diplômés, réduisant ainsi la fuite des cerveaux vers les plateformes concurrentes.
Intégration régionale, accélérateur
L’absence de liaisons routières et ferroviaires fluides entre les capitales d’Afrique centrale a longtemps bridé les échanges. L’ouvrage rappelle que moins de 15 % du commerce congolais s’effectue avec les voisins immédiats, un taux largement inférieur à la moyenne continentale.
Le corridor Brazzaville-Libreville, en phase d’étude avancée, illustre la volonté de combler ce déficit. « La valeur ajoutée naît du volume », commente une source à la Communauté économique des États d’Afrique centrale, convaincue qu’un marché régional intégré abaissera les coûts logistiques de tous.
Diversification économique en marche
En filigrane, l’auteur relie la performance logistique à la stratégie nationale de substitution aux importations. Des filières telles que le bois transformé, l’agro-industrie ou le numérique peuvent émerger si les délais de transport se contractent et si la fiabilité douanière s’améliore.
Le texte anticipe qu’un gain de deux jours sur le transit intérieur ferait progresser de 7 % la compétitivité des exportations non pétrolières. Un tel effet de levier participerait à la résilience de l’économie, confortant les objectifs du Plan national de développement.
Pour y parvenir, l’auteur insiste sur l’alignement des acteurs publics, des investisseurs et des partenaires techniques. Il évoque notamment la nécessité d’une plateforme numérique unique pour les formalités portuaires, gage de transparence et de réduction des coûts informels qui pénalisent le tissu entrepreneurial.
Une vision partagée et pragmatique
En conclusion de sa démonstration, Dominique Koumou Boulas rappelle que la logistique reste un bien public. Son efficacité bénéficie d’abord aux citoyens, via la baisse des prix et la création d’emplois, tout en renforçant la souveraineté économique dans un environnement international volatil.
Le message, salué par les universitaires et les professionnels présents, résonne comme un appel à considérer la logistique non plus comme un coût, mais comme un catalyseur de valeur. À l’heure où le pays affûte ses relais de croissance, ce renversement paradigmatique apparaît déterminant.
Reste désormais à transformer ces orientations en réalisations tangibles ; le suivi rigoureux des projets, la concertation permanente avec le secteur privé et l’évaluation des résultats constitueront les prochaines balises d’un cercle vertueux attendu par tous.