Une diplomatie de terrain portée par le Premier ministre
Depuis le mois de juin, Anatole Collinet Makosso sillonne le continent à un rythme soutenu, réunissant chefs d’État, ministres et acteurs économiques pour promouvoir la candidature de Firmin Edouard Matoko au poste de directeur général de l’Unesco. Libreville, Dar es-Salaam, Luanda ou encore Cape Town ont constitué autant d’escales où le Premier ministre congolais a subtilement mêlé plaidoyer multilatéral et négociation bilatérale. Cette approche, décrite par un diplomate africain comme « un équilibre entre idéalisme culturel et réalisme économique », témoigne de la volonté de Brazzaville de valoriser l’expertise de ses nationaux tout en consolidant son insertion régionale.
Le pari Matoko : expertise congolaise au secours du multilatéralisme
Figure familière des arcanes onusiennes, Firmin Edouard Matoko incarne pour Brazzaville le double gage de compétence et de crédibilité. Ancien sous-directeur général chargé des priorités globales, l’intéressé a, au fil de deux décennies, piloté des programmes phares de l’organisation dans l’éducation et la sauvegarde du patrimoine immatériel. Dans un contexte de remise en cause des institutions internationales, son profil apparaît comme une réponse « pragmatique et inclusive », souligne une source proche du dossier, évoquant sa capacité à concilier impératifs de gouvernance et exigences de diversité culturelle.
La diplomatie congolaise mise ainsi sur la valeur ajoutée d’une candidature africaine au moment où l’Unesco cherche à se réinventer. La lettre de soutien adressée par le président Denis Sassou Nguesso à son homologue turc n’est pas seulement un acte de courtoisie : elle illustre la stratégie d’alliances croisées développée par Brazzaville pour élargir son socle électoral au-delà du continent.
Ankara, trait d’union entre ambitions culturelles et intérêts économiques
Au cours des entretiens menés du 3 au 4 août avec le vice-président Cevdet Yılmaz puis avec de hauts responsables gouvernementaux turcs, Anatole Collinet Makosso a rappelé les grandes lignes de la candidature Matoko. Les autorités d’Ankara ont salué « un parcours remarquable » et assuré poursuivre l’examen du dossier, laissant augurer un soutien qui pourrait s’avérer décisif lors des consultations finales.
Si la campagne électorale constituait la trame officielle de la visite, le calendrier a permis de passer en revue des dossiers structurants pour les deux pays. L’option sud-sud, chère à Brazzaville, trouve à Ankara un partenaire disposé à conjuguer transfert technologique et financement innovant. Aux yeux d’un analyste turc, « la convergence d’intérêts entre un Congo riche en ressources et une Turquie en quête d’opportunités extérieures crée un espace de coopération mutuellement rentable ».
Le projet minier de Mayoko et la renaissance du corridor ferroviaire
Symbole fort de cette complémentarité, le gisement de fer de Mayoko, situé dans le département du Niari, doit prochainement entrer en phase de construction industrielle. Ankara propose un accompagnement incluant ingénierie, formation technique et débouchés à l’exportation. Dans le même mouvement, la réhabilitation du chemin de fer Mbinda-Mayoko-Mont-Belo, sur près de quatre-cent-soixante-cinq kilomètres, devrait garantir l’évacuation fluide des minerais vers le port en eau profonde de Pointe-Noire.
Ce couplage mine-rail reflète la doctrine économique défendue par le gouvernement congolais : investir dans les infrastructures porteuses pour catalyser la diversification et l’intégration régionales. Selon un responsable du ministère des Transports, « la participation turque sécurise le financement tout en accélérant le transfert de compétences vers les ingénieurs locaux ».
Vers un nouvel élan sud-sud au service du multilatéralisme
Au-delà de leurs retombées économiques, ces accords nourrissent le logiciel diplomatique de Brazzaville, fondé sur le dialogue, l’ouverture et la solidarité sud-sud. Qu’il s’agisse de la transition énergétique, de la gouvernance environnementale ou des politiques éducatives, les deux capitales affichent une convergence de vues propre à renforcer leur poids au sein des enceintes internationales.
À Istanbul, Anatole Collinet Makosso a insisté sur la nécessité d’un multilatéralisme rénové, capable de répondre aux crises globales tout en respectant la souveraineté des États. Un discours qui trouve un écho favorable en Turquie, elle-même attachée à la diversification de ses partenariats africains.
Ainsi, la dernière étape du marathon diplomatique congolais ne se résume pas à un simple acte de campagne. Elle cristallise l’ambition d’un pays qui, sans renier ses fondamentaux, entend conjuguer influence culturelle, efficacité économique et contribution à la gouvernance mondiale. La candidature de Firmin Edouard Matoko, portée par cette dynamique, apparaît comme un révélateur des nouvelles synergies qu’entend cultiver la République du Congo sur la scène internationale.