Des liens historiques réactivés par la Fête du Trône
La soirée officielle organisée à Kintélé pour le vingt-sixième anniversaire de l’accession au Trône de Sa Majesté Mohammed VI a offert un miroir de la relation privilégiée qu’entretiennent Rabat et Brazzaville. Dans son adresse, le chargé d’affaires Ahmed Agargi a rappelé le caractère « exceptionnel » des rapports noués entre le souverain chérifien et le Président Denis Sassou Nguesso, tous deux promoteurs d’une diplomatie faiblement médiatisée mais résolument tournée vers la stabilité du continent. Cette proximité personnelle, héritage de plusieurs décennies de coopération, se transforme aujourd’hui en moteur institutionnel apte à irriguer la politique publique des deux États.
Une Grande Commission Mixte comme laboratoire de projets
Le lancement à Brazzaville des travaux préparatoires de la troisième session de la Grande Commission Mixte de Coopération témoigne d’une volonté partagée de sortir la relation bilatérale du seul registre déclaratif. À ce stade, les négociateurs planchent sur un portefeuille de conventions allant des services numériques à l’agro-industrie, en passant par la modernisation de la formation professionnelle. Le modèle est éprouvé : des projets à taille humaine, co-construits, qui doivent rapidement générer des externalités positives. Au-delà des signatures, il s’agit d’installer des cadres de gouvernance capables de garantir l’exécution et l’évaluation des programmes, condition sine qua non pour faire de cette commission un véritable accélérateur de développement durable.
Énergie et infrastructures : des convergences stratégiques
La transition énergétique figure en tête des priorités communes. Le Royaume chérifien, passé en vingt ans d’importateur structurel à pionnier des énergies renouvelables, offre un retour d’expérience précieux pour le Congo-Brazzaville qui ambitionne de diversifier son mix au-delà du pétrole. La perspective d’un transfert de savoir-faire dans le solaire hors-réseau ou la micro-hydroélectricité alimente les discussions. Sur le terrain des infrastructures, la renommée des groupes marocains dans la construction portuaire et ferroviaire constitue un atout pour les corridors logistiques que Brazzaville souhaite densifier afin de fluidifier le commerce sous-régional.
Un panafricanisme pragmatique comme horizon commun
À l’échelle continentale, Rabat et Brazzaville se retrouvent dans la promotion d’un panafricanisme de résultats, fondé sur la souveraineté économique plutôt que sur le seul discours idéologique. Le diplomate marocain a cité la Commission Climat du Bassin du Congo, coprésidée par le Président Sassou Nguesso, comme emblème d’une solidarité climatique Sud-Sud susceptible d’attirer financements verts et technologies adaptées. De même, le projet de Gazoduc Atlantique porté par le Maroc et le Nigeria ouvre des perspectives d’interconnexion énergétique auxquelles le Congo pourrait à terme s’adosser, consolidant ainsi l’espace économique intégré que défend l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
Perspectives et responsabilités partagées
Pour transformer l’essai, les deux capitales devront cependant veiller à synchroniser leurs cadres réglementaires et à approfondir la mobilité des compétences. La multiplication de bourses d’études et de stages professionnels apparaît, de ce point de vue, comme un catalyseur d’intégration humaine. À Brazzaville, certains observateurs insistent également sur la nécessité d’associer les collectivités locales aux futurs projets afin d’ancrer la coopération dans les territoires. Un fin connaisseur du dossier résume le défi : « L’amitié entre chefs d’État demeure un atout, mais seul un partenariat inclusif et évalué sur la durée crédibilisera la démarche ». En d’autres termes, la relation maroco-congolaise dispose de tous les instruments pour devenir un levier partagé de croissance durable ; elle est désormais attendue sur le terrain des réalisations tangibles, dans le strict respect des priorités nationales et des ambitions panafricaines.