Une nomination stratégique à Brazzaville
L’arrivée à Brazzaville de Mariavittoria Ballotta, nouvelle représentante de l’Unicef, matérialise la continuité du partenariat historique entre le Congo et l’organisation onusienne dédiée à l’enfance. Sa lettre d’accréditation, remise au ministre Jean Claude Gakosso, ouvre une séquence diplomatique riche d’attentes partagées.
Cette prise de fonction intervient alors que les indicateurs sociaux s’améliorent graduellement, portés par les programmes conjoints en vaccination, scolarisation et nutrition. L’idée, selon diverses sources onusiennes, est désormais d’accentuer la qualité des services plus que l’étendue géographique de l’offre.
Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères souligne que « la protection de l’enfant reste au cœur des politiques publiques ». Cette convergence de visions représente, pour les observateurs, un levier décisif dans un contexte régional marqué par de fortes mobilités démographiques.
Un parcours forgé sur trois continents
Originaire d’Europe, diplômée en économie et management du développement, Mariavittoria Ballotta a multiplié les missions en Asie, en Amérique latine puis en Afrique. Son passage au bureau régional de Dakar comme cheffe de la planification lui a conféré une vue transversale des politiques publiques.
Dans ses précédentes fonctions, elle a piloté des projets innovants de financement basé sur la performance pour réduire la mortalité infantile. Les évaluations indépendantes commandées par l’Unicef ont montré une baisse moyenne de 18 % dans les zones ciblées, indiquent les rapports consolidés de 2023.
Cette expérience, conjuguée à une connaissance affinée des mécanismes budgétaires gouvernementaux, constitue un atout pour répondre à la recherche d’efficacité voulue par les partenaires techniques et financiers actifs au Congo, tels que la Banque mondiale ou l’Agence française de développement.
Priorités partagées pour l’enfant congolais
Le dernier Plan de coopération signé entre l’Unicef et l’État couvre la période 2024-2028 et cible trois piliers : survie, apprentissage et protection. Le document prévoit un budget indicatif de 110 millions de dollars, dont près de la moitié sera mobilisée localement.
Selon le ministère de la Promotion de la femme et de l’Intégration, plus de 1,3 million d’enfants bénéficieront directement de ces interventions, en priorité dans les départements des Plateaux, de la Likouala et du Pool, où les indicateurs de pauvreté demeurent supérieurs à la moyenne nationale.
Les programmes envisagent aussi l’usage accru du numérique éducatif. « L’introduction de plateformes d’apprentissage hors ligne permettra d’atteindre des localités enclavées », note un conseiller technique du ministère de l’Éducation, insistant sur la complémentarité avec la stratégie nationale de transition digitale.
Convergences avec l’agenda national
La Feuille de route gouvernementale, adoptée fin 2023, met l’accent sur le capital humain comme moteur de la diversification économique. La nomination de Mme Ballotta est perçue comme une opportunité pour synchroniser les indicateurs sociaux avec les objectifs du Plan national de développement.
Interrogé par notre rédaction, le directeur de cabinet du ministère du Plan confie que « la coopération technique va permettre de mieux cibler nos investissements sociaux ». Il cite notamment la base de données MICS, collectée avec l’Unicef, comme outil d’aide à la décision budgétaire.
Cet alignement politique, salué par plusieurs partenaires, se déploie aussi dans les provinces. Les gouverneurs élaborent avec l’agence onusienne des plans locaux, intégrant des volets nutrition, résilience climatique et inclusion des personnes vivant avec un handicap, conformément aux priorités définies lors des consultations nationales.
Perspectives et défis sociétaux
Le Congo fait face à des mutations rapides : urbanisation, pression climatique, transition démographique. Pour les sociologues, la condition de l’enfance constitue un prisme permettant d’anticiper les tensions ou dynamiques positives de demain, d’où l’intérêt stratégique d’une représentation Unicef renforcée.
Le défi budgétaire demeure malgré tout tangible. L’agence compte sur une diversification des contributions, incluant le secteur privé congolais, notamment les télécoms, actifs dans les levées de fonds via mobile money. Ces partenariats locaux renforcent la légitimité nationale des programmes sans alourdir la dette publique.
Les experts insistent aussi sur la dimension culturelle. La réussite des campagnes de sensibilisation dépendra de la manière dont elles s’appuient sur les langues locales et les leaders communautaires, comme l’a illustré la dernière mobilisation contre la poliomyélite dans le Kouilou.
Regards d’experts et d’acteurs locaux
Pour le sociologue Cyrille Nzaba, chercheur à l’Université Marien-Ngouabi, « la présence d’une diplomate de ce calibre augure d’une approche plus systémique ». Il souligne la nécessité de croiser données macroéconomiques et indicateurs qualitatifs, afin d’éviter que les moyennes nationales n’invisibilisent les écarts territoriaux.
De son côté, la plateforme de la société civile REIPER se dit prête à contribuer au suivi citoyen des engagements pris. Son coordinateur, Florent Mabiala, assure que « la transparence renforce l’adhésion des familles et crédibilise l’action publique », un enjeu clé pour la durabilité des projets.
Dans l’immédiat, Mariavittoria Ballotta entend conclure, avec le ministère de la Santé, un accord actualisé sur la chaîne du froid vaccinale. Cette première étape technique, prévue pour juillet, servira de test grandeur nature à la nouvelle dynamique de collaboration publique-privée prônée par les deux parties.