La diplomatie congolaise mobilise le Golfe
Mascate, Doha, Koweït-City : en moins d’une semaine, le ministre de la Coopération internationale, Denis Christel Sassou Nguesso, a enchaîné les escales au Moyen-Orient afin de promouvoir la candidature de Firmin Édouard Matoko à la direction générale de l’UNESCO.
À Oman, il a reçu l’écoute attentive du chef de la diplomatie, Badr Albusaidi, lequel a salué la démarche congolaise et promis un examen technique au sein du Conseil exécutif de l’organisation onusienne, première étape décisive de la compétition.
Le dossier congolais, soigneusement remis aux interlocuteurs, insiste sur l’expérience de Matoko au sein de l’UNESCO et sur l’opportunité de renforcer la représentation de l’Afrique centrale à la tête d’une institution clé pour l’éducation et la culture mondiales.
Un soutien qatari décisif
À Doha, le ministre a été reçu par le Dr Mohammed Bin Abdulaziz Al-Khulaifi, ministre d’État chargé des Affaires étrangères, qui a rappelé l’importance pour la région d’appuyer des profils africains capables de défendre le multilatéralisme éducatif dans un contexte mondial chahuté.
Les discussions ont également porté sur la coopération bilatérale, Doha se disant prêt à partager son expérience dans la numérisation de l’enseignement, l’un des thèmes phares de la future conférence générale de l’UNESCO.
« Notre ambition est d’unir des voix complémentaires », a résumé Denis Christel Sassou Nguesso, estimant que le soutien qatari consolide la crédibilité régionale du candidat congolais dans une compétition où chaque alliance pèse sur l’équilibre des votes.
Escale stratégique au Koweït
La veille, à Koweït-City, le ministre avait remis un message écrit du président Denis Sassou Nguesso à l’Émir Cheikh Mechaal Al-Ahmad Al-Jaber Al-Sabah, par l’entremise de son homologue Abdullah Ali Al-Yahya.
Le courrier soulignait la proximité historique entre Brazzaville et le Koweït et appelait à faire de la prochaine élection à l’UNESCO un moment de solidarité Sud-Sud, concept cher à la diplomatie congolaise depuis la présidence du Comité de haut niveau sur l’Agenda 2063.
Selon une source proche de la délégation, les autorités koweïtiennes auraient accueilli favorablement l’idée d’un « mandat africain » à Paris, sans toutefois dévoiler publiquement leur intention de vote, soucieuses de préserver une position d’arbitre au sein du groupe arabe.
Duel Matoko-El-Enany à l’UNESCO
La course à la succession d’Audrey Azoulay s’annonce serrée, l’Égyptien Khaled El-Enany ayant également lancé sa campagne avec l’appui de la Ligue arabe et d’une partie de la francophonie.
Firmin Édouard Matoko, actuel sous-directeur général chargé de la priorité Afrique à l’UNESCO, met en avant vingt-cinq ans de service au sein de l’agence, dont il connaît les arcanes budgétaires et diplomatiques, atout apprécié par plusieurs États membres.
Brazzaville insiste sur la complémentarité entre l’expérience technique de Matoko et la vision politique du chef de l’État, qui appelle depuis plusieurs années à un multilatéralisme rénové, capable d’accompagner la jeunesse africaine dans la révolution numérique.
Plusieurs diplomates africains estiment que la bataille va au-delà des personnes : elle porte sur la capacité du continent à parler d’une seule voix dans les enceintes de gouvernance culturelle, alors que l’Union africaine prépare son sommet extraordinaire sur l’éducation.
Un calendrier diplomatique serré
Le Conseil exécutif de l’UNESCO doit trancher le 6 octobre prochain, avant une ratification formelle durant la 43ᵉ Conférence générale, prévue entre fin octobre et mi-novembre 2025 à Samarcande.
D’ici là, Denis Christel Sassou Nguesso prévoit de poursuivre ses consultations, ciblant notamment l’Asie et l’Amérique latine, tandis qu’à Paris, la délégation congolaise multiplie les échanges techniques avec les délégations permanentes.
Un proche du ministre souligne que la conjoncture énergétique et les défis climatiques donnent un relief particulier aux programmes UNESCO, rendant incontournable une candidature capable de dialoguer avec les fonds souverains, les bailleurs multilatéraux du Golfe et les agences de notation.
Une dynamique régionale affirmée
La mission moyen-orientale s’inscrit dans la ligne définie par le président Denis Sassou Nguesso, adepte d’une diplomatie économique cherchant à faire converger partenariats et plaidoyers africains dans les enceintes multilatérales.
En mobilisant un réseau tissé depuis les années 2000 avec les capitales du Golfe, Brazzaville espère accroître son influence symbolique et attirer de nouveaux investissements, dite « diplomatie du double dividende » parce qu’elle combine visibilité politique et retombées économiques.
Quel que soit l’issue du vote d’octobre, l’équipe de Denis Christel Sassou Nguesso juge que cette offensive renforce la stature du Congo-Brazzaville sur la scène internationale et alimente, au passage, une réflexion régionale sur le rôle éducatif de l’Afrique centrale.