Une visite stratégique à Brazzaville
À Brazzaville, la venue du Dr Mohamed Yakub Janabi, nouveau patron de l’OMS pour l’Afrique, a rapproché l’institution de son équipe congolaise, tout en projetant la capitale au centre du débat continental sur la santé publique.
Au siège de l’organisation, avenue des trois Martyrs, fonctionnaires et consultants ont accueilli leur directeur régional avec une ferveur mesurée, symbole d’un engagement qui, selon beaucoup, gagnerait à être davantage mis en lumière.
Dans un bref mot d’ouverture, le représentant de l’OMS au Congo, Dr Vincent Sodjinou, a salué « le signal fort de confiance » envoyé par cette visite, tout en rappelant que les priorités nationales demeurent la consolidation des soins de proximité.
Santé primaire au cœur des priorités congolaises
Le Dr Janabi a, pour sa part, décrit le bureau de Brazzaville comme « un modèle d’efficacité dont nous pouvons collectivement être fiers », insistant sur la nécessité de conserver un niveau élevé d’exigence administrative et technique.
Ce propos n’est pas anodin : la stratégie 2025-2030 de l’OMS Afrique place la performance interne au cœur du service aux États membres, dans une région où les ressources financières, bien que croissantes, restent soumises à de fortes pressions concurrentielles.
La réforme passe d’abord par une réaffirmation des soins de santé primaires, reconnus comme socle de la couverture sanitaire universelle et vecteur de réduction des inégalités, un message que le directeur régional martèle depuis son entrée en fonction.
Au Congo, cette orientation résonne avec la politique gouvernementale qui privilégie le développement de structures de base, notamment les centres de santé intégrés déployés dans plusieurs départements avec l’appui des bailleurs.
Excellence opérationnelle et bien-être du personnel
Dans la salle polyvalente, les agents ont évoqué l’importance du recrutement local et de l’accompagnement psychologique, deux facteurs jugés décisifs pour conserver les talents et prévenir l’épuisement professionnel.
Le Dr Janabi a répondu en annonçant le lancement d’un audit participatif sur le bien-être en milieu de travail, audit qui pourrait servir de référence pour les 47 autres bureaux du continent.
One Health et réponses aux épidémies transfrontalières
Au-delà de l’intendance, la mission a accordé un temps substantiel à l’examen des urgences récentes, notamment la flambée de choléra en République démocratique du Congo et son risque d’extension le long du fleuve.
Les experts des deux pays ont déjà activé un mécanisme d’échange de données épidémiologiques quotidiennes, tandis que la direction régionale s’engage à faciliter le prépositionnement de kits de diagnostics et de traitements dans les districts frontaliers.
Cette approche, qualifiée de « Nouvelle normalité » par plusieurs cadres, s’inscrit dans la logique One Health qui associe santé humaine, santé animale et gestion des écosystèmes afin de prévenir l’émergence d’agents pathogènes.
Le gouvernement congolais a déjà adopté cette vision en créant un Comité national One Health, piloté par la Primature, qui réunit médecins, vétérinaires, forestiers et spécialistes de la faune dans un cadre de concertation trimestriel.
Financements, transparence et gouvernance
Face aux activités de recherche de ressources, le Dr Sodjinou a été félicité pour sa capacité à cultiver la confiance des partenaires bilatéraux, y compris l’AFD, le Japon et la Banque mondiale, sans jamais perdre de vue les priorités nationales.
Selon une source interne, les contributions extérieures mobilisées au cours des vingt-quatre derniers mois ont couvert près de 78 % du budget programmatique, permettant de financer la lutte contre le paludisme, la poliomyélite et l’amélioration des chaînes du froid vaccinal.
Interrogé par notre rédaction, l’économiste de la santé Brice Okouango estime que « la prochaine étape consistera à internaliser progressivement des dépenses, afin d’assurer la soutenabilité une fois les donateurs partis ».
Pour l’instant, souligne-t-il, la trajectoire reste positive grâce à un pilotage politique stable et à l’engagement continu des équipes techniques, ce qui conforte les bailleurs dans leur décision de prolonger leur concours.
Au-delà des dossiers financiers, la visite a mis l’accent sur l’éthique et la transparence, deux valeurs que le Dr Janabi souhaite voir ancrées dans « toutes les interactions, internes comme externes », afin de renforcer la légitimité de l’agence.
Un dispositif de signalement confidentiel des irrégularités, déjà opérationnel à Genève, sera dupliqué à Brazzaville au quatrième trimestre, avec un comité local composé de représentants du personnel et d’experts juridiques indépendants.
Les réactions de l’administration publique congolaise se veulent rassurantes : le ministère de la Santé a rappelé qu’il partage l’objectif d’une gestion fondée sur des preuves et ouverte aux contrôles citoyens, condition essentielle d’une gouvernance moderne.
Vers une feuille de route partagée
En clôture, le directeur régional a invité chaque agent à formuler une recommandation concrète pour améliorer la qualité des services, un exercice participatif qui sera consigné dans un plan d’action devant être suivi tous les semestres.
De l’avis général, la visite a redonné un élan collectif et confirmé la place de Brazzaville comme hub stratégique, à l’heure où l’Afrique cherche à renforcer son autonomie sanitaire tout en consolidant ses partenariats internationaux.