Une tribune mondiale stratégique
Depuis la tribune majestueuse de l’Assemblée générale, le président congolais Denis Sassou Nguesso a mis à profit la 80e session pour faire entendre une voix ferme sur l’incontournable réforme du Conseil de sécurité, estimant que l’organe onusien doit épouser les réalités du XXIe siècle.
Son discours, prononcé le 24 septembre à New York, s’inscrit dans la continuité des positions défendues par Brazzaville en faveur d’un multilatéralisme plus équitable, fidèle à l’esprit fondateur de San Francisco et aux aspirations de l’Afrique contemporaine.
Pour le chef de l’État, la réforme ne peut plus demeurer un motif de déclarations protocolaires ; elle doit se matérialiser par un élargissement de la composition du Conseil, afin d’y installer une représentation africaine permanente dotée de tous les attributs des membres actuels.
L’argument démographique africain
Avec plus d’un milliard quatre cents millions d’habitants, le continent représente pourtant près d’un cinquième de la population mondiale sans disposer d’un siège permanent, un paradoxe que le président congolais juge « difficilement justifiable » au regard du principe d’égalité souveraine des États.
Au-delà des chiffres, il invoque la nature même des enjeux contemporains : dérèglement climatique, pandémies, insécurité alimentaire ou migrations, autant de défis vécus intensément par les nations africaines et qui requièrent, selon lui, une participation pleine aux décisions collectives.
« L’Afrique n’attend pas un privilège ; elle réclame la reconnaissance de son poids et de son potentiel », a-t-il martelé sous les applaudissements d’une salle attentive et d’autant plus réceptive que la question revient avec régularité depuis plusieurs décennies.
Sécurité collective et défis transfrontaliers
Le plaidoyer congolais s’appuie également sur la notion de sécurité collective, bouleversée par la multiplication de crises régionales qui témoignent du caractère interconnecté des menaces, de la bande sahélo-saharienne à la Corne de l’Afrique en passant par le golfe de Guinée.
Pour Denis Sassou Nguesso, la marginalisation institutionnelle de l’Afrique réduit l’efficacité des réponses onusiennes, car les premières victimes de l’instabilité ne participent pas pleinement à la définition des mandats de maintien de la paix ou des régimes de sanctions.
Il rappelle que la République du Congo a souvent mobilisé sa diplomatie de médiation, notamment dans la crise centrafricaine, illustrant la capacité du continent à concevoir des solutions endogènes susceptibles de renforcer les instruments multilatéraux existants.
Le rôle moteur de Brazzaville
Brazzaville, qui siège actuellement au Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, ambitionne de faire converger les positions régionales autour d’une réforme ouvrant deux sièges permanents africains, assortis du droit de veto ou d’un mécanisme décisionnel équivalent.
La diplomatie congolaise a déjà consulté plusieurs capitales d’Afrique centrale et australe, tout en entretenant un dialogue étroit avec le Comité des dix ministres chargé de la question au sein de l’Union africaine, présidé par la Sierra Leone.
Soutiens diplomatiques et dynamiques régionales
À New York, plusieurs délégations caribéennes et sud-américaines ont exprimé leur appui au principe d’un siège africain, soulignant le parallélisme avec leurs propres revendications d’une représentation latino-américaine renforcée au sein des instances onusiennes.
Pour nombre d’observateurs africains, l’alignement progressif de ces soutiens extérieurs traduit une compréhension grandissante des transformations démographiques et économiques susceptibles de remodeler le centre de gravité de la planète au cours des prochaines décennies.
Le Conseil de sécurité face à son histoire
Créé en 1945, le Conseil de sécurité compte toujours cinq membres permanents dotés d’un droit de veto, reflet d’un équilibre forgé à l’issue de la Seconde Guerre mondiale ; un schéma remis en cause par l’arrivée de nouvelles puissances régionales.
Dans son allocution, Denis Sassou Nguesso a rappelé que cette architecture a déjà été élargie dans le passé, passant de onze à quinze membres en 1965, preuve qu’une adaptation demeure juridiquement et politiquement possible dès lors que se dégage un consensus.
Vers un multilatéralisme rénové
Au-delà de la réforme institutionnelle, Brazzaville plaide pour un renforcement des moyens de prévention des conflits, une solidarité accrue face aux crises sanitaires et une mobilisation financière ambitieuse pour l’adaptation climatique, trois chantiers étroitement liés aux ambitions africaines.
Confiant, Denis Sassou Nguesso a assuré que la République du Congo poursuivrait ses consultations afin d’aboutir à une plateforme commune, conciliante pour les uns et suffisamment audacieuse pour les autres, afin d’accélérer la réforme tant attendue.
« Nous ne sollicitons pas la charité, nous revendiquons l’équité », a-t-il résumé avant de quitter le pupitre, rappelant que l’avenir du multilatéralisme se jouera autant à Kinshasa, Lagos ou Addis-Abeba qu’à New York.
Si la réforme aboutit, l’Afrique rejoindra à la table des permanents les États-Unis, la Chine, la Russie, la France et le Royaume-Uni ; une perspective que le Congo-Brazzaville considère comme la plus sûre garantie d’une ONU mieux arrimée à la réalité.
En attendant ce possible tournant, Denis Sassou Nguesso affirme que son pays continuera de promouvoir le dialogue, rappelant que la force du multilatéralisme réside d’abord dans la qualité des convictions portées par chaque nation autour de la table.