Un projet diplomatique aux racines francophones
À New York, en marge de la 78ᵉ Assemblée générale des Nations unies, Denis Sassou Nguesso et Anne Hidalgo ont échangé longuement sur la place où écologie et opportunités pour la jeunesse pourraient resserrer les relations entre Brazzaville et Paris, déjà marquées par une histoire partagée.
Le scénario évoqué s’appuie sur un éventuel jumelage entre les deux capitales, une formule que la maire de Paris a utilisée pour renouer des coopérations concrètes depuis 2014 et que le chef de l’État congolais voit comme un accélérateur de projets multisectoriels.
L’écologie urbaine au cœur du jumelage
Anne Hidalgo a mis en avant son expérience des politiques de végétalisation, de zones à faibles émissions et de gestion circulaire des déchets pour proposer un transfert d’expertise vers Brazzaville, où l’aménagement des berges du fleuve Congo constitue déjà un laboratoire de solutions vertes innovantes.
La maire a rappelé que la participation active du président congolais aux négociations climatiques, notamment lors de l’Accord de Paris, offre une base politique solide pour inscrire le futur jumelage dans l’agenda mondial de la préservation des forêts équatoriales et des puits carbone.
Jeunesse et sport, catalyseurs de liens durables
Le succès populaire et organisationnel des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 constitue, selon Anne Hidalgo, un levier pour accompagner la jeunesse congolaise dans le sport de haut niveau mais aussi dans les filières de l’événementiel, du tourisme et des métiers techniques associés localement.
Brazzaville, déjà engagée dans la réhabilitation de ses stades et terrains de proximité, pourrait bénéficier d’échanges d’entraîneurs, de cycles de formation ou de co-organisation de tournois junior, autant d’initiatives destinées à nourrir l’esprit civique et la diplomatie des peuples.
Un dialogue Nord-Sud actualisé
Les deux responsables ont souligné que l’urgence climatique rebat les cartes de la géopolitique, donnant une valeur nouvelle aux coopérations entre métropoles, là où se concentrent émissions, innovations et vulnérabilités, loin des circuits diplomatiques nationaux parfois plus lents à faire évoluer les normes.
Pour Denis Sassou Nguesso, ce partenariat bilatéral s’inscrit dans une trajectoire cohérente avec les initiatives régionales de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, dont le Congo-Brazzaville assure la présidence tournante, en multipliant les passerelles avec des collectivités du Nord prêtes au partage technologique mutuel.
Les prochaines étapes institutionnelles
Selon l’entourage d’Anne Hidalgo, un protocole d’intention pourrait être signé d’ici la fin de l’année, avant que les conseils municipaux respectifs n’adoptent une délibération cadrant les domaines d’action, les financements et les indicateurs de suivi du jumelage dans une perspective pluriannuelle claire partagée.
Le gouverneur de Brazzaville, Hugues Ngouélondélé, très actif au sein de l’Association internationale des maires francophones, a déjà préparé une feuille de route centrée sur les premiers projets pilotes, notamment un corridor vert le long de l’avenue des Trois-Martyrs, appelé à s’étendre.
Côté financement, les deux capitales comptent sur les lignes de crédit de l’AIMF, sur l’Agence française de développement et sur des fonds climat tels que le Fonds vert pour le climat afin de minimiser l’impact budgétaire pour les contribuables locaux et assurer une traçabilité.
Un impact attendu au-delà des capitales
Si le jumelage aboutit, il pourrait servir de modèle à d’autres cités d’Afrique centrale, comme Pointe-Noire ou Douala, intéressées par les solutions bas carbone développées à Paris, mais désireuses de les adapter aux réalités tropicales d’approvisionnement en eau et d’emploi informel urbain souvent précaire local.
Le ministère congolais en charge de l’Environnement voit déjà dans cette future coopération un relais pour la promotion du Fonds bleu pour le bassin du Congo, initiative régionale portée par Denis Sassou Nguesso afin de valoriser les atouts hydriques et forestiers de l’Afrique centrale au monde.
Pour Paris, l’accord permettrait d’illustrer la dimension internationale de son action climat après 2024 et d’asseoir la vocation francophone de la capitale française, alors que la concurrence des grandes métropoles européennes s’intensifie sur la scène diplomatique des villes globales aujourd’hui.
En attendant la signature formelle, Brazzaville et Paris ont convenu de constituer un groupe de travail mixte qui se réunira chaque trimestre, en visioconférence ou en présentiel, pour affiner le calendrier, répartir les responsabilités administratives et évaluer les premiers indicateurs d’impact mesurables dès la phase pilote.
Innovation technologique et économie circulaire
L’une des pistes déjà identifiées concerne la création d’incubateurs dédiés à l’économie circulaire, où de jeunes entrepreneurs congolais seraient accompagnés par des mentors parisiens sur le recyclage du plastique, la fabrication de pavés écologiques ou la production d’énergie à partir de biodéchets ménagers locaux valorisés in-situ durablement.
Un appel à projets commun, dont le lancement est envisagé au premier trimestre prochain, pourrait allouer des subventions plafonnées à cinquante mille euros, financées à parité, pour accompagner ces start-up et créer un réseau d’affaires Afrique-Europe centré sur les solutions climatiques innovantes et localisées durables.
Les universités Marien-Ngouabi et Sorbonne-Paris-Nord préparent un double diplôme d’ingénierie environnementale, diffusé en présence et à distance, pour former les talents aptes à porter ces projets transfrontaliers.