Une impulsion énergétique au service de la stratégie nationale
Dans la salle feutrée de la préfecture de Pointe-Noire, la poignée de main échangée le 10 juillet dernier entre Jean-Marc Thystère Tchicaya, ministre des Zones économiques spéciales et de la Diversification économique, et les dirigeants des sociétés partenaires a résonné comme un signal fort. Par cet accord, l’État congolais sécurise une fourniture d’électricité stable et conforme aux standards internationaux pour l’ensemble des industriels appelés à s’installer dans la Zone économique spéciale (ZES) de la capitale océane. L’acte peut paraître technique ; il pèse, en réalité, d’un poids stratégique considérable au regard de l’agenda de diversification économique fixé par le président Denis Sassou Nguesso depuis plusieurs années.
En dotant la ZES d’une infrastructure énergétique robuste, le gouvernement poursuit un objectif clair : réduire la dépendance aux hydrocarbures, favoriser la transformation locale des ressources et créer des emplois qualifiés. Dans un pays où la question de la fiabilité du réseau a longtemps constitué un frein aux investissements manufacturiers, le nouveau cadre contractuel sert de garantie tangible pour les capitaux nationaux et internationaux en quête de visibilité.
Le contrat : architecture, acteurs et mécanismes de gouvernance
L’accord scellé à Pointe-Noire rassemble, autour des pouvoirs publics, la société Plateformes Industrielles du Congo/Pointe-Noire (Picp) et la Centrale Électrique du Congo (Cec). Le dispositif prévoit la mise à disposition d’une capacité initiale d’une centaine de mégawatts, extensible en fonction de la montée en puissance des usines. « Cet accord illustre notre volonté de doter le secteur privé d’infrastructures compétitives », a déclaré le ministre Thystère Tchicaya, rappelant que la ZES doit devenir « un laboratoire de l’industrialisation congolaise ».
Sur le plan juridique, le contrat repose sur un modèle de partenariat public-privé ; l’État garantit la stabilité réglementaire, tandis que les opérateurs assurent la construction, l’exploitation et la maintenance des lignes et postes dédiés. Cette répartition des rôles est censée accélérer la réalisation des ouvrages tout en contenant la dépense publique. Pour Emile Ouosso, ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, « l’équilibre atteint entre régulation et initiative privée constitue le socle de la sécurité énergétique que nos investisseurs attendaient ».
Un levier de compétitivité et d’attractivité pour la ZES
Dans la compétition mondiale pour la localisation des industries, le coût et la continuité de l’électricité figurent parmi les variables déterminantes. Selon des estimations du ministère des Finances, le tarif préférentiel consenti dans la ZES pourrait réduire de 20 % la facture énergétique des entreprises par rapport à la moyenne régionale. Cette modération des charges participe à l’attractivité du site, déjà desservi par le port en eau profonde de Pointe-Noire et le chemin de fer Congo-Océan.
Shailesh Barot, directeur général de Picp, se montre confiant : « Nous disposons désormais d’un argument concret pour convaincre les industriels des secteurs métallurgique, agroalimentaire ou pharmaceutique. » La dynamique est encouragée par l’Agence de promotion des investissements, qui table sur la création de plus de dix mille emplois directs au cours des cinq prochaines années.
Répercussions socio-économiques et durabilité environnementale
Au-delà des indicateurs macroéconomiques, le contrat d’approvisionnement électrique porte la promesse d’effets d’entraînement sur les communautés locales. L’implantation d’unités de transformation devrait stimuler la demande de main-d’œuvre qualifiée, favoriser l’éclosion de PME sous-traitantes et accroître la fiscalité locale. Les autorités affirment avoir intégré, dans le cahier des charges, des volets relatifs à la formation, à la responsabilité sociale et à l’insertion des jeunes diplômés.
La dimension environnementale n’est pas absente. La Centrale Électrique du Congo prévoit un mix dominé par le gaz naturel, complété par des projets solaires de 50 MW afin de limiter l’empreinte carbone. « L’industrialisation ne doit pas se faire au détriment des objectifs climatiques », souligne Jianmaria Pozzoli, directeur général de la Cec, ajoutant que des audits énergétiques réguliers seront menés pour garantir la conformité aux engagements internationaux.
Projection régionale et crédibilité internationale du modèle congolais
En optant pour une ZES adossée à un contrat énergétique spécifique, Brazzaville s’aligne sur les meilleures pratiques observées en Asie et sur le littoral est-africain. Les bailleurs multilatéraux, qui suivent de près la trajectoire congolaise, estiment que la bancabilité du projet sera renforcée par la clarté du cadre électrique. La Banque africaine de développement, déjà engagée dans le financement de corridors énergétiques, voit dans l’initiative un prototype susceptible d’être répliqué dans d’autres départements.
À court terme, l’échéancier prévoit la mise sous tension des premières unités industrielles dès le premier semestre 2025. À moyen terme, l’objectif consiste à transformer la ZES de Pointe-Noire en pont logistique entre l’hinterland centro-africain et les marchés atlantiques. Autant de perspectives qui, pour les observateurs, confirment la pertinence de la feuille de route gouvernementale et le rôle central de l’énergie dans la compétitivité territoriale.
Cap sur une industrialisation maîtrisée et inclusive
La signature du contrat d’approvisionnement électrique apparaît donc comme un jalon essentiel dans la mise en œuvre du Plan national de développement, lequel ambitionne de hisser l’industrie à 25 % du PIB d’ici 2030. Elle matérialise également le credo énoncé par le chef de l’État : conjuguer valorisation des ressources locales et ouverture à l’investissement extérieur.
En définitive, l’enjeu dépasse la seule fourniture de kilowattheures. Il s’agit de créer un écosystème où l’énergie, l’infrastructure portuaire et le capital humain forment une chaîne de valeur cohérente. La ZES de Pointe-Noire, désormais dotée d’un courant sécurisé, se positionne comme un laboratoire grandeur nature de cette ambition. Reste à convertir cette impulsion politique et technique en gains tangibles pour la population, condition sine qua non de la durabilité du modèle congolais.