Constitution de 2015 au cœur du débat électoral
Adoptée par référendum en 2015, la Constitution congolaise limite à deux mandats de cinq ans l’exercice présidentiel, tout en autorisant le chef de l’État sortant à se représenter s’il satisfait aux obligations juridiques, dont la déclaration de patrimoine exigée par la Cour constitutionnelle.
Ce texte avait été promulgué après un dialogue national rassemblant partis politiques et organisations sociales, processus salué par l’Union africaine pour son caractère apaisé. Il reste néanmoins l’objet d’interprétations divergentes à mesure que l’échéance de 2026 approche.
Les arguments soulevés par l’opposition nationale
Le président du Parti social-démocrate congolais, Clément Mierassa, avance que le chef de l’État ne serait pas en conformité avec l’article 55 relatif à la déclaration de biens, condition préalable selon lui pour toute nouvelle candidature.
L’opposition évoque également la question de la longévité au pouvoir, estimant qu’un renouvellement des élites renforcerait la vitalité démocratique. Plusieurs formations entendent utiliser les délais légaux pour porter la discussion au Parlement et devant les juridictions compétentes.
La position officielle sur l’éligibilité présidentielle
Le gouvernement, par la voix du Premier ministre Anatole Collinet Makosso, affirme que la population manifeste un « soutien constant » au président Denis Sassou Nguesso, citant les résultats du scrutin de 2021 et la stabilité macroéconomique retrouvée malgré les chocs internationaux.
Concernant la déclaration de patrimoine, l’exécutif rappelle que la procédure relève d’une commission indépendante et que toute contestation peut être introduite devant la Cour constitutionnelle, instance dont les arrêts sont réputés sans appel.
Entre stabilité politique et aspirations démocratiques
Depuis la fin de la crise pétrolière, Brazzaville a engagé plusieurs réformes destinées à diversifier l’économie et améliorer les services publics. Les bailleurs internationaux soulignent la nécessité d’un climat politique prévisible pour poursuivre ces programmes, notamment l’accord conclu avec le FMI en 2022.
Dans le même temps, des organisations de jeunesse interrogées à Pointe-Noire plaident pour une plus grande inclusion des femmes et des diplômés au sein des instances décisionnelles, estimant que la consolidation de la paix passe par un élargissement du champ politique.
Ce que pensent les experts et la société civile
Pour le constitutionnaliste Sylvain Ngatsé, la question de l’éligibilité doit être analysée sans passion : « La Constitution prévoit un contrôle a posteriori. Il reviendra aux institutions compétentes de trancher, en se fondant sur le droit plutôt que sur la rhétorique politique ».
Plusieurs ONG, dont le Cercle pour les droits citoyens, demandent la publication systématique des déclarations de patrimoine afin de renforcer la transparence. Elles considèrent que cet exercice, prévu par la loi, consoliderait la confiance entre gouvernants et gouvernés à l’approche des élections.
Du côté des milieux économiques, l’incertitude politique est perçue comme un facteur pouvant ralentir les investissements directs étrangers. Les responsables de la Chambre de commerce encouragent donc un dialogue permanent entre majorité et opposition pour préserver l’attractivité du marché congolais.
Perspectives régionales et coopération internationale
La Communauté économique des États d’Afrique centrale suit de près le processus électoral à venir, consciente que la stabilité du Congo-Brazzaville pèse sur l’équilibre sous-régional, notamment pour les corridors commerciaux reliant l’Atlantique au bassin du Congo.
Les partenaires bilatéraux, tels que la France et la Chine, rappellent régulièrement leur souhait d’un climat politique apaisé favorisant la mise en œuvre des projets d’infrastructures, de santé et d’éducation déjà engagés sur le territoire congolais.
Dans ses derniers communiqués, l’Union européenne insiste sur l’importance de respecter les calendriers électoraux et d’encourager la participation citoyenne, conditions qu’elle considère essentielles pour la poursuite de la coopération technique et financière.
Défis et opportunités d’ici 2026
À moins de trois ans du scrutin, les indicateurs macroéconomiques s’améliorent, avec une croissance attendue à 4 %, selon le ministère des Finances. Cette embellie offre au gouvernement des marges budgétaires supplémentaires pour financer les programmes sociaux.
Cependant, la hausse du coût de la vie demeure un sujet sensible. Les syndicats appellent à un dialogue tripartite pour ajuster les salaires et contenir l’inflation, rappelant que la paix sociale contribue aussi à la crédibilité du futur processus électoral.
Scénarios possibles pour la présidentielle
Plusieurs politologues envisagent trois hypothèses : une candidature confirmée de Denis Sassou Nguesso, l’émergence d’une figure au sein du parti présidentiel ou un accord consensuel sur un candidat d’unité nationale. Chaque scénario aurait des implications institutionnelles et socioéconomiques différentes.
La Commission électorale nationale indépendante promet déjà un audit du fichier et la modernisation des bureaux de vote. Selon son président, le recours à la biométrie « réduira considérablement les contestations », une innovation saluée par plusieurs observateurs africains.
L’importance du dialogue politique continu
Au-delà des débats sur l’éligibilité, responsables gouvernementaux et opposants s’accordent sur la nécessité d’entretiens réguliers pilotés par la Conférence épiscopale ou des organismes neutres. Ils estiment qu’un consensus minimal réduirait les tensions et rassurerait les partenaires économiques.
L’expérience des dialogues tenus en 2009 et 2013 montre qu’un cadre institutionnel clair favorise l’acceptabilité des résultats électoraux. Les acteurs politiques congolais semblent conscients que la crédibilité de 2026 dépendra autant du processus que des personnalités en lice.