Au cœur d’une croissance démographique exigeante
Sous l’effet combiné d’une natalité dynamique et d’une urbanisation rapide, le Congo-Brazzaville voit chaque année plus de 120 000 jeunes arriver sur le marché du travail, selon les estimations du ministère en charge de l’Économie. Cette pression démographique renforce l’urgence d’initiatives capables de transformer le dividende démographique en véritable moteur de développement. Dans ce contexte, le Projet de Soutien à l’Insertion et à la Productivité des Jeunes, officiellement déployé le 9 juillet à Brazzaville, ambitionne de proposer une réponse systémique et inclusive aux défis d’employabilité auxquels sont confrontés les jeunes en situation de vulnérabilité.
PSIPJ, un dispositif calibré sur la réalité du terrain
Porté par le gouvernement et bénéficiant du soutien financier de la Banque mondiale, le PSIPJ cible précisément 40 000 jeunes âgés de 16 à 35 ans, prioritairement ceux en décrochage scolaire et issus de ménages à faible revenu. L’architecture du programme repose sur quatre pôles : formation à la citoyenneté, développement des compétences entrepreneuriales, accompagnement technique et appui financier. « L’objectif est de créer un continuum d’insertion qui, de la salle de classe à la micro-entreprise, sécurise le parcours du bénéficiaire », explique Franck Matingou, directeur adjoint des projets à la Direction générale de l’économie.
Un modèle de sélection communautaire pour garantir la transparence
La procédure d’identification des bénéficiaires, confiée aux Comités communautaires de ciblage (CCC), constitue l’une des innovations du projet. Ces instances mixtes, réunissant chefs de quartiers, représentants d’associations de jeunes et administrations locales, examinent et valident les listes transmises par les animateurs sociaux. À Brazzaville, Pointe-Noire, Ouesso et Dolisie, les sessions tenues depuis début juillet ont permis de croiser les données d’état civil avec les informations socio-économiques collectées sur le terrain. « Nous voulons nous assurer que chaque nom inscrit correspond à un parcours de vulnérabilité avéré », souligne Bernicia Massimina, assistante comptable du PSIPJ, avant d’ajouter que la transparence est un préalable nécessaire à la mobilisation des bailleurs.
Cap sur l’entrepreneuriat : la formation comme levier d’autonomie
L’ossature pédagogique du programme s’appuie sur un réseau de centres publics et privés de formation professionnelle. Les modules couvrent la gestion de micro-entreprises, la comptabilité simplifiée, le marketing digital et l’éducation citoyenne. Dans la zone portuaire de Pointe-Noire, par exemple, un accent particulier est mis sur les métiers connexes à la logistique et aux services maritimes, secteurs identifiés comme porteurs d’emplois pérennes. Pour le sociologue Charles Oba, spécialiste de la jeunesse urbaine, « l’enjeu n’est pas seulement d’apprendre un métier, mais de cultiver une éthique de responsabilité et d’innovation ».
Un financement graduel pour des micro-projets à fort impact
Le volet financier prévoit un premier décaissement de subventions comprises entre 300 000 et 800 000 FCFA, destiné à couvrir les équipements de base et le fonds de roulement initial. Une seconde tranche, conditionnée aux résultats obtenus après six mois, permettra d’amplifier l’activité ou de diversifier l’offre de services. D’après les données du ministère des Finances, l’enveloppe globale avoisine 25 milliards de FCFA, ventilée selon une clé de répartition qui réserve la moitié des crédits à Brazzaville et Pointe-Noire, où se concentre la majorité des jeunes sans emploi. Le dispositif inclut enfin un mécanisme d’assistance technique post-financement pour réduire le taux de mortalité des micro-entreprises.
Articulation avec les politiques macroéconomiques nationales
Le PSIPJ s’inscrit dans le sillage du Plan national de développement 2022-2026, lequel met l’accent sur la diversification économique et la valorisation du capital humain. Les autorités voient dans ce programme un outil de stabilisation sociale susceptible de contrer l’exode rural et la précarité urbaine. Le ministre de la Jeunesse, Hugues Ngouelondélé, rappelle que « le président Denis Sassou Nguesso a fait de la promotion de la jeunesse l’un des axes majeurs de son action », soulignant la cohérence entre cette initiative et la stratégie d’industrialisation légère pilotée par le gouvernement.
Regards croisés d’experts et attentes des bénéficiaires
Si la communauté internationale salue la dimension inclusive du PSIPJ, certains observateurs insistent sur la nécessité d’un suivi rigoureux pour mesurer l’efficacité des formations délivrées. L’économiste Prudence Moussavou met en garde contre « l’écueil des programmes sans accompagnement post-financement, souvent responsables d’un retour à la case départ ». Côté bénéficiaires, l’espoir domine. À Ouesso, la jeune Mireille Tchibota, 24 ans, envisage déjà de transformer son projet de transformation de cacao en société coopérative. Son témoignage illustre un optimisme mesuré mais palpable, nourri par la perspective d’un soutien institutionnel jusqu’alors inaccessible.
Vers un indice d’inclusion juvénile made in Congo
Les partenaires techniques négocient actuellement la création d’un tableau de bord national dédié à l’inclusion juvénile, qui compilerait indicateurs d’emploi, de revenus et de participation citoyenne. Une telle démarche permettrait de situer l’impact du PSIPJ dans la durée et de l’ajuster en temps réel. À terme, la génération formée pourrait devenir un vivier d’entrepreneurs locaux, contribuant à la résilience économique du Congo et renforçant le pacte social. Entre volontarisme politique et pragmatisme budgétaire, le pays expérimente ainsi une nouvelle voie pour transformer sa jeunesse en acteur central de la croissance inclusive.