Un socle mémoriel pour la presse congolaise
Il aura suffi d’une matinée de travaux au Centre interdiocésain des œuvres pour que l’Amicale des anciens journalistes de Radio-Congo, forte d’une quarantaine de membres, puisse se doter d’une feuille de route structurée. Sous la houlette de son président, Michel Rudel Nganziami, la session inaugurale du 1er août 2025 a permis de cristalliser une ambition simple : faire de l’expérience accumulée par ceux qui ont écrit l’histoire de la station nationale un levier de modernisation pour l’ensemble du champ médiatique congolais. L’initiative intervient dans un contexte où la multiplicité des organes de presse, fruits de la libéralisation de l’espace audiovisuel, exige une vigilance accrue sur la qualité de l’information et sur la déontologie.
Transmission intergénérationnelle et solidarité active
Au cœur des discussions, trois axes ont été dégagés : l’assistance sociale, la formation continue et la promotion culturelle. Loin de se cantonner à un rôle d’anciens combattants des ondes, les membres entendent mettre leurs carnets d’adresses, leurs savoir-faire et leur notoriété au service des jeunes reporters confrontés à la précarité et à l’obsolescence technique. « Nous serons utiles aux autres, donc utiles à nous-mêmes », a résumé Michel Rudel Nganziami dans un plaidoyer en faveur d’une solidarité professionnelle renouvelée. Concrètement, des ateliers thématiques sur l’écriture radiophonique, la maîtrise de la voix ou la vérification des sources devraient voir le jour dès le dernier trimestre 2025, en partenariat avec l’Institut supérieur de l’information et de la communication.
Le regard des pairs sur un secteur en mutation
Parmi les voix les plus écoutées, celle du sénateur Serge-Michel Odzocki, ancien directeur de Radio-Congo et ex-ministre des Sports, a insisté sur l’impératif d’unité. Pour ce vétéran, la capacité des anciens à « parler d’une seule voix » conditionne leur crédibilité auprès des acteurs publics comme des partenaires internationaux appelés à soutenir l’écosystème médiatique local. Les difficultés financières susceptibles de freiner l’émergence de projets n’ont pas été occultées ; elles seront partiellement amorties par une cotisation d’adhésion fixée à 5 000 FCFA et par des contributions trimestrielles de 10 000 FCFA, un compromis jugé « supportable » au regard du pouvoir d’achat des retraités.
Professionnalisation : enjeu national de confiance publique
Si l’initiative relève d’une dynamique associative, elle s’inscrit dans la logique des réformes engagées par les autorités pour assainir l’espace informationnel. Le ministère de la Communication multiplie, depuis deux ans, les séminaires sur la déontologie et a récemment actualisé le cahier des charges des radios privées. En conjuguant ses efforts avec ceux des pouvoirs publics, l’Amicale espère contribuer à rétablir un climat de confiance entre médias et auditoires, condition sine qua non d’un débat public apaisé. Comme le rappelle la politologue Nadège Makita, spécialiste des médias d’Afrique centrale, « la consolidation démocratique passe aussi par la stabilité professionnelle des journalistes et par la sauvegarde de leur mémoire collective ».
Ouverture et gouvernance inclusive
L’association n’a pas limité son horizon aux anciens de Radio-Congo : tout professionnel justifiant de vingt ans de carrière pourra y adhérer, favorisant ainsi la fertilisation croisée des expériences de la presse écrite, de la télévision et désormais des plateformes numériques. Cette ouverture répond à une exigence de gouvernance inclusive, garante d’une représentativité élargie. Pour piloter la mise en œuvre du plan d’action, un comité technique restreint sera installé avant la fin septembre, chargé de négocier des partenariats avec les écoles de journalisme, les organisations régionales et les agences d’aide à la presse francophone.
Perspectives d’impact sociétal
Au-delà de l’amélioration des compétences, l’Amicale ambitionne de devenir un acteur social à part entière : soutien aux journalistes confrontés à des urgences sanitaires, aide à la reconversion professionnelle, et promotion de la lecture radiophonique dans les établissements scolaires. Autant d’initiatives qui, selon ses promoteurs, contribuent à renforcer le tissu social et à valoriser le patrimoine immatériel que constitue l’archive radiophonique nationale. À terme, un centre de ressources sonores pourrait être créé, offrant au public comme aux chercheurs un accès structuré aux grandes voix qui ont fait vibrer les ondes du Congo-Brazzaville.
Un rendez-vous stratégique pour 2026
Avant de clore la session, les adhérents ont fixé une première évaluation à mi-parcours en janvier 2026. Ce jalon permettra de mesurer l’efficacité des formations, le montant des fonds collectés et le degré d’appropriation du projet par les jeunes générations de reporters. Les responsables se montrent confiants : la dynamique enclenchée, adossée à un capital symbolique indéniable, constitue un atout pour la crédibilité des médias et, partant, pour l’image du pays sur la scène internationale. Alors que les défis sécuritaires et économiques exigent un traitement de l’information rigoureux, l’Amicale des anciens journalistes de Radio-Congo entend rappeler qu’une nation se raconte d’abord à travers la justesse de ses voix.