Une fraternité forgée dans les ondes
Réunis dans une salle discrète du Centre interdiocésain des œuvres, les vétérans du micro ont officialisé un collectif que l’on devinait depuis longtemps. Devant une vingtaine de confrères, Michel Rudel Ngandziami a déroulé les ambitions d’une Amicale déjà forte d’un passé commun.
Radio Congo, fondée peu après l’indépendance, reste pour ces journalistes la matrice d’une identité professionnelle façonnée par la rigueur et l’esprit de service public. Leur association entend préserver cette mémoire tout en élaborant de nouvelles solidarités adaptées au contexte médiatique d’aujourd’hui et à ses défis.
Un plan d’action tourné vers l’entraide
Les membres ont adopté une feuille de route articulée autour de trois priorités : assistance sociale, formation continue et valorisation des arts et loisirs. Chacune répond à des besoins concrets, qu’il s’agisse de soutenir un confrère malade ou de financer un atelier technique devenu indispensable.
Le président a insisté sur la discipline financière. Les cotisations, calculées selon un barème progressif, devront garantir l’autonomie du groupement. Les participants ont approuvé à l’unanimité un premier budget qui privilégie les microcrédits d’urgence et la couverture des cérémonies de solidarité familiale des membres.
Former la relève du service public
Au-delà de la nostalgie, l’Amicale veut transmettre un corpus de compétences forgé durant des décennies de radio de proximité. Des master class trimestrielles, ouvertes aux jeunes reporters, aborderont la vérification des sources, la diction en langue nationale et la production de podcasts de qualité durable.
Serge Michel Odzocki, ancien directeur général, considère que l’initiative s’inscrit dans la stratégie nationale d’amélioration du paysage audiovisuel. Il souligne que l’État, en promouvant la formation, « valorise un droit citoyen à une information fiable », et se dit prêt à parrainer plusieurs modules dès l’année prochaine.
Un siège pour ancrer la mémoire
Les fondateurs prévoient d’acquérir un local avant l’an I de l’Amicale, fixé en 2026. L’espace accueillerait un studio d’archives sonores, une bibliothèque et un foyer convivial. Divers partenaires institutionnels ont été contactés pour accompagner le montage financier de ce projet jugé prioritaire unanimement.
Selon un rapport interne, un tiers du matériel historique de Radio Congo risque l’obsolescence faute de stockage approprié. Le futur siège offrirait les conditions de conservation et d’exploitation scientifique, ouvrant la voie à des collaborations avec l’université Marien-Ngouabi et des chercheurs étrangers déjà pressentis localement.
Une dynamique inclusive et intergénérationnelle
Contrairement à certaines associations homologues, l’Amicale reste ouverte aux professionnels encore en fonction dès qu’ils totalisent vingt ans d’expérience. Cette disposition vise à briser la barrière souvent constatée entre seniors et actifs, et à créer des passerelles de mentorat permanent auprès des jeunes collègues.
Par ailleurs, un partenariat exploratoire avec les radios communautaires des départements de la Cuvette et du Pool est envisagé. L’objectif est de diffuser des émissions patrimoniales enregistrées par les anciens, favorisant un dialogue culturel qui dépasse Brazzaville et valorise la diversité linguistique nationale entière.
Perspectives et calendrier
La prochaine assemblée générale examinera, en février, l’adhésion à l’Union africaine des associations de journalistes aînés. Une telle affiliation permettrait d’accéder à des bourses régionales et d’échanger sur les bonnes pratiques en matière de gouvernance associative et de convergence numérique en Afrique centrale francophone.
Avant cela, un séminaire sur la sécurité sociale des retraités des médias réunira experts de la CNSS et représentants de la profession. Les interventions mettront en lumière les mécanismes d’optimisation des pensions et les dispositifs complémentaires accessibles via les mutuelles spécialisées du secteur audiovisuel.
Un enjeu sociétal plus large
Derrière cette mobilisation, se profile la question de la valorisation des compétences seniors dans le développement national. En redonnant voix et rôle à des journalistes chevronnés, l’Amicale contribue à l’actualisation d’un capital symbolique susceptible d’influencer positivement l’éthique professionnelle dans tout le pays à long terme.
Le sociologue Bienvenu Boungou-Bounga note que cette démarche participe d’une tendance structurante des sociétés africaines où l’expérience vécue devient ressource de modernisation. « La transmission intergénérationnelle, si elle est organisée, renforce la cohésion et limite la précarité des savoirs », observe-t-il dans un entretien récent accordé à nos rédactions.
Regards institutionnels
Du côté du ministère de la Communication, l’initiative est accueillie avec bienveillance. Un conseiller rappelle que le Plan national de développement mise sur le renforcement des organisations professionnelles pour stimuler la qualité des médias et soutenir la création d’emplois dans les industries culturelles congolaises émergentes.
Cette synergie public-privé se matérialisera peut-être lors de la Semaine nationale de la presse prévue en mai. L’idée d’y consacrer un pavillon aux anciens reporters circule déjà et permettrait d’exposer les objets mythiques qui ont marqué l’histoire de l’audiovisuel congolais aux générations futures également.
Vers une maturité collective
En structurant leurs efforts, les anciens de Radio Congo démontrent que la retraite n’est pas un repli, mais une seconde scène. Leur agenda dense, conjugué au soutien institutionnel, laisse présager une dynamique vertueuse au service d’une information rigoureuse et d’une solidarité renforcée pour tous demain.